
06/02/2025
Merci de ce texte Charlotte. Même fictif, il remue ...
Sans aller aussi loin, cela me fait terriblement penser à ces chiens échoués dans l'impuissance acquise (ou apprise) même si cet état émotionnel n'est pas toujours facile à voir... et souvent l'impuissance acquise provient de ce que l'humain a imposé en termes d'expériences désagréables que les chiens n’avaient aucun moyen de contrôler.
Et parfois ce que nous pourrions prendre pour des chiens sages ou bien éduqués sont des chiens résignés, déprimés voire dépressifs... un calme artificiel créé par l'humain.
Alors oui ... soyons attentifs aux émotions qui traversent nos compagnons à quatre pattes
« Mon cher Léon, je te demande pardon.
Tu étais si petit quand tu es arrivé chez nous… Un petit être fragile avec des yeux grands comme le monde. Tu nous regardais comme si nous étions ton univers. Et c’est ce qu’on était, au début. On riait de tes maladresses, on s’extasiait devant chaque battement de ta petite queue, chaque bond maladroit, chaque regard tendre.
Et puis… je ne sais pas ce qui s’est passé. La vie, peut-être. Ou notre égoïsme. On s’est lassés. Lassés des poils et des traces de pattes au sol. Lassés de t’emmener promener. Lassés de ces petites bêtises qui au début nous faisaient tant rire.
Alors, on t’a laissé dehors, derrière notre porte fermée, pensant que tu n’en souffrirais pas, que tu t’habituerais. Après tout, tu étais un chien, Léon. Mais tu n’as pas compris. Comment aurais-tu pu ? Ton cœur de chien ne savait pas que l’amour pouvait s'effriter.
Alors tu as aboyé.
Pas par caprice.
Par solitude. Par peur. Par espoir.
Mais la porte ne s’est jamais rouverte. Tu avais de la nourriture, de l’eau et un beau jardin. N’était-ce pas de quoi rendre heureux n’importe quel chien ?
Alors, tu t’es mis à fuguer. Tu es parti chercher ailleurs ce qu’on ne te donnait plus ici : un peu d’aventure, un peu de vie, un peu d’attention, fuir ces journées qui s’étiraient sans fin. Courir, creuser, explorer… c’était ta façon de remplir ce vide qu’on avait laissé grandir en toi.
Au lieu de chercher à te comprendre, au lieu de combler ce vide par notre présence, nous avons construit un chenil. Un espace clôturé, des barreaux pour t’empêcher de t’échapper. On s’est dit que c’était pour ta sécurité. Mais au fond, c’était surtout pour notre confort.
Et là, enfermé, tu as continué d’aboyer.
Contre l’incompréhension. Contre le vide. Contre la solitude. Contre l’ennui. Contre la peur. Contre le désespoir.
Ca ne nous dérangeait pas vraiment. Après tout, un chien… ça aboie. Mais les voisins se sont plaints. Alors, nous t’avons mis ce collier.
Au début, tu as continué à aboyer, même si c’était à présent des jappements aigus. Puis le temps a passé. Tu es devenu un vieux chien.
Tu as cessé d’aboyer.
Tu n’as plus cherché à t’enfuir.
Tu n’as plus rien demandé.
Ce n'était pas parce que tu n’avais plus besoin d’amour, mais parce que tu avais compris que ça ne viendrait plus. Tu t’es résigné, Léon. Tes yeux, autrefois pleins de lumière, sont devenus silencieux, éteints, fatigués. Pas de vieillesse, non. Mais de tristesse. Tu es devenu invisible, même en étant là, juste devant nous. Et nous, trop aveuglés par notre indifférence, nous n’avons pas vu à quel point ton silence était plus douloureux que tous tes aboiements réunis.
Je ne sais pas si le pardon existe pour ce genre de choses. Mais si un cœur de chien peut pardonner l’incompréhensible, alors je te demande pardon, Léon. Pour le silence, pour l’indifférence, pour la douleur. Pour le chenil. Pour le collier. Pour tout ce qu’on n’a pas su te donner.
Tu méritais mieux. Tu méritais tout l’amour du monde.
Et moi, je n’ai pas su le voir. Pas assez tôt.
Pardon, Léon.
Ce n'était pas ta faute. »
Mon cœur saigne pour tous ces chiens qui ne connaissent que l’indifférence. Ces chiens « de garde ». Ces chiens « cadeau de Noël ». Ces chiens "faire-valoir". Ces chiens laissés pour compte.
Dans l’espoir que cette lettre fictive puisse éveiller certaines consciences.
© Charlotte Warrant – WAF the f*ck - 2025