15/05/2021
Le chat est un animal solitaire. La sentence était tombée. La formation commençait mal.
Depuis je me suis maintes fois interrogée à propos de cette affirmation péremptoire et je me suis attelée à la nuancer. Je ne ferai pas de grandes théories, mais je vais vous raconter une petite anecdote qui, comme de nombreuses autres, prouve que le chat n’est pas tout à fait un animal solitaire. Et d’ailleurs il faudrait parler des chats… Et pas d’un chat archétypal qui n’existe pas.
Chianti est un gros chat. Un chartreux. Un gros chat très gâté qui ne s’est pas toujours montré des plus sympathiques. Une diva chat qui vous snobe en passant près de vous : je suis beau, n’est-ce pas, mais pas touche ! Mais aussi un amour de chat à ses heures quand il flatte ses humains en leur accordant le droit de le caresser.
La vie de Chianti était heureuse et réglée comme du papier à musique. Son seul malheur est d’avoir été mis au régime et sa seule grande aventure avait consisté à rester coincé quelques jours dans la chambre d’amis de voisins.
Mais cette routine confortable a été bouleversée par l’arrivée d’un chenapan nommé Tigrou. Ce vulgaire chat de gouttière est venu rendre visite de plus en plus fréquemment dans la maison de Chianti. N’allait-il pas prendre sa place dans le cœur de ses humains, manger les croquettes déjà rationnées, dormir sur ses coussins préférés ?
Tigrou avait bien une maison… Mais une affreuse petite chose vociférante avait définitivement rompu la quiétude et pris trop de place : il n’y en avait plus que pour lui. Les humains finirent par s’entendre sur le sort de Tigrou et il put rester dans la maison qu’il s’était choisie. Cela ne semblait pas faire l’affaire de Chianti. Et pourtant, ce pacha était le centre de toutes les attentions de la part des humains et Tigrou faisait profil bas, trop content d’avoir gagné le droit de rester au paradis des chats.
Mais la vie n’est pas toujours un long fleuve tranquille. Un soir, Tigrou ne rentra pas. Ses humains l’appelèrent, seul le silence leur répondit. Et c’est à ce moment-là que Chianti, chat de salon qui ne sortait plus de son jardin depuis sa mésaventure, décida de prendre les choses en patte. N’écoutant que son courage, il grimpa sur le mur et fit le tour du quartier à la recherche de ce sans gêne de Tigrou dont la disparition perturbait toute la routine bienheureuse de la maison. Mais hélas, Chianti revint bredouille. Qu’à cela ne tienne, il monterait la garde au jardin, épiant le moindre signe ou miaulement. Rien… Il hissa à nouveau son embonpoint et refit le tour des murs : en vain. Après deux jours, l’ambiance était fort sombre à la maison. Les humains parlaient même entre eux d’appeler Annie « qui a toujours des bonnes idées pour retrouver les chats ». Chianti ne savait plus quoi faire.
C’est à ce moment-là qu’un miaulement signala le fugueur dans le jardin d’à côté. La voisine était partie tout le week-end et avait laissé sa fenêtre de terrasse ouverte pour ses propres chats. Dans un premier temps Tigrou avait donc pris ses quartiers et mangé avec les greffiers d’à côté. Mais il avait fini par avoir le temps long de sa propre maison, de son confort, de ses humains et, qui sait, peut-être même de ce gros gris qui souvent le rudoyait ou tentait de lui voler ses croquettes. D’ailleurs Tigrou, bonne pâte, lui en laissait souvent quelques unes en se disant qu’il finirait bien par se laisser amadouer.
Une échelle de fortune fut déposée par-dessus le mur et Tigrou finit par trouver le courage d’y grimper… Il fut accueilli comme il se doit par les humains. Et plus encore. Chianti, s’il ne fit pas de grandes démonstrations, lui laissa quelques jours le privilège des meilleures places, le droit de se faire câliner sans plus encourir un coup de patte de jalousie et, sacrifice suprême, il ne chercha même plus à lui voler quelques croquettes !
Alors, certes le chat est un animal territorial que la sédentarité a rendu jaloux de ses privilèges’, mais c’est aussi un animal discrètement social, même si son orgueil lui permet rarement de l’exprimer.