06/12/2024
*** LA SUR-ADAPTATION ... ET L’ÉPUISEMENT… ***
La sur-adaptation est un mécanisme insidieux et néfaste dans lequel un chien se retrouve contraint de modifier son tempérament, de taire ses besoins et de dépasser ses limites émotionnelles pour s'adapter aux exigences d'une situation régulièrement rencontrée et subie. Ce travers dans lequel certaines familles tombent, découle de la croyance qu’un chien doit toujours progresser, surmonter, s’adapter.
C’est le rêve du chien « tout-terrain ».
Si nous sommes d’accord sur le fait qu’il est possible d’aider un chien à s’adapter à certaines situations banales du quotidien, je ne suis pas favorable à ce qu’une famille se lance dans des activités ou dans la gestion environnementale sans être accompagnée. Et toute gestion environnementale en milieu réel devrait toujours être précédée d’une étude.
Sinon comment posera-t-on les limites pour protéger un chien qu'on n'a même pas pris la peine de comprendre ?
Combien de chiens se retrouvent à devoir gérer l’environnement réel alors qu’ils ne sont absolument pas prêts ?
La sur-adaptation est l’un des plus grands écueils de la gestion environnementale en milieu réel, pourtant la seule capable de soutenir un chien, à condition qu’elle soit réalisée correctement.
Le résultat d’une mauvaise gestion environnementale ou d’une gestion sans étude préalable est souvent le même : au bout de quelques semaines, le chien exprime son épuisement mental à cause de la sur-adaptation qu’il s’impose, en partie pour satisfaire son gardien, qui attend tellement de lui.
Cela signifie que le chien « prend sur lui », constamment. Il n’apprend pas à se connaître, ni à comprendre ses limites et ses besoins personnels. Ce qu’il fait, il ne le fait pas pour lui. Il le fait pour son gardien. Il s’épuise. Et cette année, j’ai vu trop de chiens en carence de cortisol. Des chiens qui s'entraînent régulièrement avec leur gardien, des chiens "qu'on travaille", pour reprendre cette expression malheureuse... La carence en cortisol n’est rien d’autre que le burn-out surrénalien.
JE SUIS UN BON CHIEN
« Si je m'adapte, mon gardien est content. J’aime quand il est fier de moi, il me donne des récompenses. Alors je vais m'adapter tout le temps, pour absolument tout, et parfois, jusqu’à tolérer l’inacceptable ». Le chien entre en conflit avec lui-même, il est fatigué, ou devient en colère ou irritable. Parfois, il n’exprime plus rien. On croit alors que tout va bien. Son estime de soi est en berne.
Ici, pas de culpabilisation du gardien. Ce n’est pas le but. L’objectif est la prévention.
La sur-adaptation, ce n’est pas l’immersion.
La sur-adaptation ne provoque pas l’impuissance acquise. Elle provoque le surmenage, l’épuisement des glandes surrénales, l’hyper-excitabilité contredite par des phases inexpressives et de grande fatigue, l’irritabilité croissante, la perturbation du sommeil et souvent, des « coups de mou » que le gardien aura du mal à comprendre.
S’il n’est pas vraiment difficile de saisir qu’un chien ne réagit plus parce qu’il a perdu tout espoir d’agir sur son environnement (la détresse acquise), il est plutôt difficile de prendre conscience qu’un chien est en sur-adaptation, surmené, stressé sans en avoir l’air.
De même, si aujourd’hui, il est devenu évident d’anticiper qu’un professionnel éloigné de toute notion de respect est en train de nous conseiller un protocole d’immersion nauséabond, les particuliers dont le chien est en sur-adaptation se doutent rarement de ce qui se passe. Ce sont des personnes volontaires et impliquées (trop), plutôt rompues à la gestion environnementale (mais pas la meilleure), assez bien renseignées sur la psychologie du chien (c’est vrai), et sa communication. Elles se sentent souvent capables de tout gérer seules. Parfois, elles le sont réellement. Parfois, non. Et parfois, même si elles sont accompagnées, elles en font trop. Stop.
LE MIEUX EST L’ENNEMI DU BIEN (ET DU CHIEN)
Ces personnes volontaires, ou « volontaristes ? » sont animées des meilleures intentions du monde. Et il est vrai que leur chien a fait des progrès, et augmenté sa tolérance. Mais à quel prix ? Au point de s’oublier. Depuis peu, des conduites (en lien avec l’état d’esprit) et intentions nouvelles apparaissent. Le chien est énervé et excitable à la maison. Il est moins tolérant, et se montre impatient. Il donne l’impression de ne pas supporter grand-chose parfois. Il dort moins, ou moins bien. Il s’éloigne, ou cherche à s’isoler. La famille dira qu’elle sent que son chien est « borderline» depuis un petit moment. C'est tout à fait ça. Et la sphère médico-comportementale est souvent engagée.
POURQUOI ?
- Tous les jours ou presque, le chien sort de chez lui pour travailler dans la gestion environnementale en milieu réel en suivant un programme que l’humain s’impose également.
- Tous les jours ou presque, le chien se concentre, observe, analyse, surmonte, s’adapte. Son gardien est heureux de cette réussite qui semblait impossible il y a encore quelques semaines. Le chien est fier d’être gratifié, félicité par son gardien, son parent, son humain d’attachement. Il est dans la réussite.
- Tous les jours ou presque, la gestion environnementale se montre cavalière. Souvent, la faiblesse est la même : si aujourd’hui on sait que la distance est nécessaire, la trajectoire elle, reste la grande oubliée (ou négligée), et la distance n’est pas toujours cohérente. Tout cela manque de précision.
- Tous les jours ou presque, l’humain, lui aussi, s’inflige un travail, une obligation de progression, une contrainte. S’il pleut, s’il est malade, s’il n’a pas envie, il se fait violence et sort avec son chien, car il craint d’être estampillé « mauvais gardien » pour son animal qui a tant de difficultés.
- Tous les jours ou presque, lentement mais sûrement, le chien apprend à oublier ses besoins et ses limites, car son humain s’inflige la même pénitence. Il faut s’adapter. S’adapter c’est rester ouvert, sociable, être accepté par les autres…
OÙ SE TROUVE LE SALUT ?
À chaque fois, les deux êtres sont très fatigués. Il m’arrive régulièrement de prier mes clients de ralentir, de faire une pause, de diminuer le seuil de stimulation, voire de tout arrêter jusqu’à nouvel ordre, et surtout, de profiter de leur chien autrement. Notre travail de coach personnel consiste aussi à soulager notre client de cette charge mentale incroyable qu’il s’impose, et à l’aider à retrouver le plaisir de partager la vie de son chien. Au-delà de la douceur pour le gardien, il s’agit parfois d’une demande vitale pour le chien.
Pour lutter contre la sur-adaptation, il n’existe que deux solutions, deux amis qui s’invitent souvent avec grand bonheur dans la vie du chien et de son humain : le repos émotionnel régulier (pour éviter l’épuisement et retrouver l’apaisement) et la sécurisation.
Plus notre chien est protégé, entendu, écouté, compris, plus il se sent digne d’être apprécié comme il est, avec ses difficultés, et plus le risque de sur-adaptation s’éloigne. Il va naturellement accueillir et respecter ses besoins émotionnels, ses limites personnelles, ses envies, ses désirs. En parallèle, à nous de veiller à les lui assurer. Plus notre chien nous verra comprendre ses demandes, moins il accèdera à la croyance qu’il doit subir pour nous satisfaire. Nous l’aiderons ainsi à atteindre la sécurisation. Et l'estime de soi remonte.
Le chien est comme l’enfant. Il veut souvent que son parent soit fier. Mais il y a des limites à observer pour lui.
Je ne dis pas de ne rien faire.
Ce que je viens d’expliquer n’a rien à voir avec le fait de ne rien faire. Je passe beaucoup de temps à expliquer en étude à quel point il est fondamental de protéger nos chiens, sans pour autant les couver comme de petites choses fragiles. Cela peut être complexe à comprendre. C’est la raison pour laquelle un coach individuel en comportement peut être utile pour trouver la juste mesure.
Ménagez-les.
Sécurisez-les.
Mettez-les au calme régulièrement.
Ne leur en demandez pas trop.
Ou au moins, posez-vous la question ;-)
Aujourd’hui, avec les réseaux sociaux et les formations ultra-techniques dispensées en trois jours en ligne, tout le monde peut apporter son petit conseil, donner un tuyau factice, des exercices complexes et impressionnants, ou des "trucs" pour « faire travailler le chien et son gardien ». Un coach individuel en comportement ne devrait jamais donner du travail difficile à la maison pour justifier ses tarifs ou montrer ses compétences techniques. Il n’est pas là pour vous apprendre à donner des ordres, ou pour vous faire suivre des protocoles tout tracés qui vous donneront le sentiment d’agir et d’accomplir (du vent). Qui se préoccupe de la cognition du chien alors ? Le coach individuel est là pour vous accompagner vraiment, vous guider, vous rassurer, vous corriger, et vous conseiller en préservant la relation avec votre chien, et sa santé mentale.
Et oui, parfois, il vous conseillera de ne pas faire, de ralentir, de savoir raison garder, de vous calmer, d'attendre…
Ne le consultez pas trop t**d si vous vous posez la question. La sur-adaptation est la conséquence d’un trop-plein de gestion environnementale mal menée, de renforcement positif à outrance, de contre-conditionnement à tout-va, d’entraînements, d’exercices, de récompenses, d’attentes, et de tout ce qui fait que la cognition du chien nous échappe. Pourtant, la gestion environnementale en milieu réel, celle basée sur l’éthologie et la proxémie, est vraiment souhaitable pour le chien, mais à condition que sa cognition soit placée en priorité.
Cynoconsult / Audrey Ventura
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