04/11/2024
Visuellement sans aucunes distinctions… mais pour ce qui est du comportement et de leurs besoins, ces deux types (familier et féral) sont diamétralement opposés 🫣
𝐂𝐡𝐢𝐞𝐧 𝐟𝐞́𝐫𝐚𝐥, 𝐨𝐮 𝐟𝐚𝐦𝐢𝐥𝐢𝐞𝐫 ? 𝐂𝐚𝐧𝐢𝐬 𝐞𝐱-𝐟𝐚𝐦𝐢𝐥𝐢𝐚𝐫𝐢𝐬 𝐟𝐞𝐫𝐮𝐬 ? 😉𝐓𝐞𝐥𝐥𝐞 𝐞𝐬𝐭 𝐦𝐚 𝐪𝐮𝐞𝐬𝐭𝐢𝐨𝐧 … 🐺🐶
« Vous êtes entrés avec un X berger australien, et vous repartez avec un X loup » et pourtant c’est le même ‘chien’, fut ma dernière phrase dite à ces clients qui avaient adopté un chien errant de Slovaquie.
Le patient suivant était un Royal Bourdon (errant) de l’île Bourbon, appelée île de la Réunion.
Nombreux sont les ‘𝐜𝐚𝐧𝐢𝐝𝐞́𝐬 𝐞𝐫𝐫𝐚𝐧𝐭𝐬’ importés en Belgique, France, Suisse, depuis l’Europe de l’Est et du Sud, d’Afrique du nord, de diverses îles, et jusqu’à la Corée.
Il y a plus de 700 millions de chiens sur terre, 80% d’entre eux étant des chiens libres (de l’humain), nommés en anglais ‘free-ranging dogs’ (FRD), errants ou féralisés (Young et al., 2011). Ces FRD sont classés en ‘chiens de village’ (qui vivent à proximité des humains sans appartenir à personne) et ‘chiens féraux’ (qui ont marronné, vivent près ou loin - mais sans contact avec - des humains. Ils vivent à distance respectueuse des sociétés humaines qui n’aiment pas trop les chiens, et qui les chassent, les lapident, les tuent, les mangent…
Certains de ces chiens féralisés ont reçu un nom de sous-espèce, comme le dingo (Australie), le chien chanteur de Nouvelle-Guinée…
Or tous ces canidés nommés chien familier, dingo, chien féral, loup… ont plus de 99,5% de génétique en commun, et sont reproductibles entre eux, donnant des descendants fertiles. 𝐓𝐨𝐮𝐬 𝐜𝐞𝐬 𝐜𝐚𝐧𝐢𝐝𝐞́𝐬 𝐟𝐨𝐧𝐭 𝐩𝐚𝐫𝐭𝐢𝐞 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐦𝐞̂𝐦𝐞 𝐞𝐬𝐩𝐞̀𝐜𝐞 𝐠𝐞́𝐧𝐞́𝐭𝐢𝐪𝐮𝐞. Certains ont reçu un nom spécifique de (sous-)espèce à part entière, comme le loup, le coyote, le chacal, le dingo, le paria (Inde)… parce qu’ils ont colonisé un écosystème spécifique, et tout le reste s’appelle ‘chien’.
𝐋𝐞𝐬 𝐜𝐡𝐢𝐞𝐧𝐬 𝐟𝐞́𝐫𝐚𝐮𝐱 𝐚𝐲𝐚𝐧𝐭 𝐜𝐨𝐥𝐨𝐧𝐢𝐬𝐞́ 𝐝𝐞𝐬 𝐛𝐢𝐨𝐭𝐨𝐩𝐞𝐬-𝐞́𝐜𝐨𝐬𝐲𝐬𝐭𝐞̀𝐦𝐞𝐬 𝐬𝐩𝐞́𝐜𝐢𝐟𝐢𝐪𝐮𝐞𝐬 𝐝𝐞𝐯𝐫𝐚𝐢𝐞𝐧𝐭 𝐫𝐞𝐜𝐞𝐯𝐨𝐢𝐫 𝐮𝐧 𝐧𝐨𝐦 𝐩𝐫𝐨𝐩𝐫𝐞 𝐞𝐭 𝐩𝐞𝐫𝐬𝐨𝐧𝐧𝐞𝐥, parce qu’ils se distinguent par leur génétique, et leurs comportements, et leur adaptation à leur biotope, des chiens familiers (canis familiaris).
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Quand je vous dis : « pensez à un chien ? » quelle image recevez-vous ?
Quand je vous demande : « quel comportement social attendez-vous de la part d’un chien ? », quelles images recevez-vous ?
Le chien familier est un mutant hypersocial (du style syndrome de Williams (Dehasse, 2024)) et a perdu (à des degrés variables) la peur de l’humain.
Le canidé féral, qu’il soit dingo, paria, chien féral, loup, coyote, chacal…, n’a pas la mutation génétique hypersociale, et n’a pas la mutation génétique de la réduction de la peur de l’humain. Le marronnage et la féralisation entraînent une perte dans la capacité de s’adapter à un environnement d'humains.
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𝐶𝑜𝑛𝑠𝑒𝑛𝑡𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑒́𝑐𝑙𝑎𝑖𝑟𝑒́
Ce serait bien, et à mettre dans la législation que, quand une association vous vend un canidé féral ou un canidé de village, on vous dise, et écrive – et vous signez que vous avez lu – que ce que l’association appelle ‘’chien’’ n’est pas un ‘’chien familier’’ mais un ‘’𝐞𝐱-𝐜𝐡𝐢𝐞𝐧 𝐟𝐚𝐦𝐢𝐥𝐢𝐞𝐫 𝐟𝐞́𝐫𝐚𝐥𝐢𝐬𝐞́’’, dont 𝑖𝑙 𝑒𝑠𝑡 𝑖𝑚𝑝𝑜𝑠𝑠𝑖𝑏𝑙𝑒 𝑑𝑒 𝑝𝑟𝑒́𝑑𝑖𝑟𝑒 𝑙𝑒𝑠 𝑐𝑎𝑝𝑎𝑐𝑖𝑡𝑒́𝑠 𝑠𝑜𝑐𝑖𝑎𝑙𝑒𝑠 𝑒𝑡 𝑙𝑒𝑠 𝑒́𝑚𝑜𝑡𝑖𝑜𝑛𝑠 𝑓𝑎𝑐𝑒 𝑎𝑢𝑥 ℎ𝑢𝑚𝑎𝑖𝑛𝑠 𝑒𝑡 𝑙𝑒𝑢𝑟𝑠 𝑒𝑛𝑣𝑖𝑟𝑜𝑛𝑛𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡𝑠 𝑢𝑟𝑏𝑎𝑖𝑛𝑠.
De cette façon, vous vous engagez vous, votre famille, et vos proches, pendant 10 à 15 ans, à domestiquer du sauvage (génétique) qui ressemble esthétiquement à du chien familier, mais se différencie en patrons-moteurs, comportements, humeurs, émotions, sensorialités, cognitions, capacités d’apprentissage, capacités sociales… de façon imprévisible par rapport à l’image idéale que vous avez du chien familier.
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Bien sûr, moi et mes collègues vétérinaires et comportementalistes, nous ne voyons que les ex-chiens féralisés qui ne s’adaptent pas aux humains de village/ville, et j’imagine que certains ‘chiens paria’ s’adaptent plus ou moins bien à leur prison dorée. Je n’ai vu aucune publication sur le pourcentage de ‘parias’ qui s’adaptent et qui ne s’adaptent pas, causant une souffrance importante pour eux-mêmes et leurs humains d’adoption.
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𝐋𝐞 𝐬𝐚𝐮𝐯𝐚𝐠𝐞, 𝐥𝐞 𝐟𝐞́𝐫𝐚𝐥, 𝐞𝐬𝐭 𝐢𝐧𝐬𝐜𝐫𝐢𝐭 𝐝𝐚𝐧𝐬 𝐥𝐚 𝐠𝐞́𝐧𝐞́𝐭𝐢𝐪𝐮𝐞, 𝐞𝐭 𝐝𝐨𝐧𝐜 𝐝𝐚𝐧𝐬 𝐥𝐚 𝐬𝐭𝐫𝐮𝐜𝐭𝐮𝐫𝐞 𝐜𝐞́𝐫𝐞́𝐛𝐫𝐚𝐥𝐞 𝐟𝐢𝐧𝐞, 𝐞𝐭 𝐧’𝐞𝐬𝐭 𝐩𝐚𝐬 𝐦𝐨𝐝𝐢𝐟𝐢𝐚𝐛𝐥𝐞. Même si avec beaucoup d’expertise, de patience, de socialisation, de guidance, voire de médication adaptogène… on pourra rendre ces 𝐜𝐡𝐢𝐞𝐧𝐬 𝐟𝐞́𝐫𝐚𝐮𝐱 𝐠𝐞́𝐫𝐚𝐛𝐥𝐞𝐬, on n’en fera jamais des chiens familiers. Tout comme un malinois ne deviendra jamais un caniche, un 𝑐𝑎𝑛𝑖𝑠 𝑓𝑒𝑟𝑢𝑠 ne deviendra jamais un 𝑐𝑎𝑛𝑖𝑠 𝑓𝑎𝑚𝑖𝑙𝑖𝑎𝑟𝑖𝑠.
🧔🏻Dr Joël Dehasse, le 25 octobre 2024
Réf. :
Young JK (et al.) (2011) Is wildlife going to the dogs? Impacts of feral and free-roaming dogs on wildlife populations. BioSci 61: 125– 132. https:// doi. org/ 10. 1525/ bio. 2011. 61. 2. 7.
Dehasse Joël, Tout sur le comportement du chien, éducation et génétique, Odile Jacob, 2024, p.145.
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Image © Joël Dehasse et Lo**ta Candotti-Besson, pour la composition de l’image à partir d’images sélectionnées sur Internet.