28/10/2023
Six jours et cinq nuits : épisode 6
Samedi 21 octobre
J’ai du mal à émerger, cette fois la lecture m’a permis de replonger après le réveil très matinale. Quel jour sommes-nous ? Samedi, pas d’école. J’ai un truc à faire aujourd’hui… ah oui chercher les chiens. Je crois que je perds les pédales, il va falloir retrouver la raison Rachel. C’est un leitmotiv de chaque instant depuis trois jours, mon cerveau le comprend lorsque mon cœur le rejette. Ma fille et mon gendre vont patrouiller toute la journée. Il travaillait cette semaine, il veut participer ce week-end. Elle est venue très régulièrement, elle se sent tellement responsable. Mais ils auraient pu m’échapper aussi, elle ne doit pas s’en vouloir. Elle porte la vie, dans deux mois elle sera maman et moi grand-mère. Alors aujourd’hui on est raisonnables.
À midi nouveau message de la communicante : impossible de contacter I’sanni, il est trop faible ou pire. De son côté, Timi est affolée. Comme souvent, aucun point de repère physique ou géographique. Au fond de moi, depuis hier soir, je sens I’sanni s’éloigner. Il faut se dépêcher. En parallèle, le pendule les situe toujours du côté du gîte des ruisseaux, à peine plus loin. C’est à 6,5km de chez nous. Je croise ma fille en voiture, elle a beaucoup trop marché ce matin, elle est fatiguée. Son chéri continue à pied. Je pars en balade sans objectif avec Machja et Zighina, pour faire le point seule. Un peu d’oxygène, beaucoup de ni****ne. J’entends un aboiement au loin. Espoir-désespoir, je m’approche, franchissant ronces, arbres tombés, ruisseaux et tourbières. Je chute, je fatigue, je ne peux plus crier. Naturellement ce ne sont pas eux. Il faut mettre un terme à tout ça.
À quatre heures, c’est à nouveau ma fille sur une route forestière. Elle est au volant, en pleurs. « Ok ma chérie, on arrête les recherches, on n'est plus efficaces. On attend le coup de fil providentiel, il n’y a plus que cette solution. Tu récupères ton homme et vous rentrez. Je fais la même chose de mon côté ». Une fois chez moi je tente d’appeler maman. Objectif : récupérer mon fils et passer du temps avec lui. Faire autre chose.
17h05, nouvel appel : « Maman ? En rentrant, j’ai croisé un monsieur et lui ai demandé s’il avait vu deux chiens. À l’instant m’a-t-il répondu, un petit et un grand. J’ai peur que ce soit une fausse joie… qu’est-ce qu’on fait ? » « Envoie ta position, j’arrive ». Elle se rapproche d’une ferme, il y a deux chiens, mais pas les miens. Le promeneur se serait-il trompé ? Direction le gîte des ruisseaux pour confirmer. De mon côté, avec l’émotion j’ai du mal à trouver, pourtant j’y suis passée souvent ces derniers jours ! Sur place je me gare à côté d’eux.
17h25 « Voilà les dernières infos, me dit mon gendre, ils n’ont rien vu au gîte, mais un client qui se balade avec son chien a entendu une clochette ce matin ». On s’enfonce rapidement dans le bois sur le premier chemin. Ma fille nous devance de plusieurs dizaines de mètres. On court, on appelle, mon taux d’adrénaline explose.
17h30 les minutes durent des heures et soudain « Maman, maman, j’entends une clochette ! ». Je les appelle encore, je hurle et pleure à la fois : « I’sanni !!!». Et puis c’est enfin la délivrance : « Maman, je vois Timi, c’est elle, elle arrive, c’est Timi ! ». peu après, la petite nénette vient vers moi, mais je crie tellement fort pour trouver I’sanni qu’elle a peur. Elle est déboussolée et moi je ne sais plus vraiment ce que je fais ou dis. Assez vite néanmoins, je lui passe une laisse « te voilà en sécurité ma belle ». Et I’sanni, où es-tu mon ami ? Quelques minutes et « Maman, regarde, c’est I’sanni ! » C’est un tourbillon d’émotions, pas sure que mon cœur y survive. Mes yeux sont tellement humides ça m’aveugle. « Où est-il ? Je ne le vois pas ! Tu es sure ? » Je tourne sur moi-même, sans distinguer quoique ce soit, perdue. « Si, là, regarde, il a du mal à marcher mais il arrive ». Oh dites-moi que ce n’est pas un rêve… je le vois enfin. Après avoir confié Timi, je le rejoins sans aucune coordination de mes membres, je m’en fous, et je l’enlace. Il se pose très vite mais n’ose pas me regarder. Il a un peu maigri, ses pattes sont bouillantes et ses coussinets…
À suivre...