10/03/2021
« Moi, je m’appelle « non » ! Ou en tout cas, c’est comme ça que mes propriétaires m’appellent. »
Dans certains foyers, ce mot est plus utilisé que le prénom de l’animal, ou en association avec celui-ci. « Non fait pas ça » « Non fait pas ci » « Non Pitchou » « Pitchou non »…
En écrivant ces lignes, Jacques Dutronc et sa chanson « Fais pas ci, fais pas ça » ne me quittent pas (et peut-être l’aurez-vous également dans la tête à présent).
Alors à quoi sert exactement ce mot et pourquoi l’utilisons-nous tellement ?
Avant tout, nous avons tous grandi dans un monde où la punition nous a été inculquée dès notre plus jeune âge, de nos plus jeunes années d’école à nos vies d’adultes.
Il n’y a donc rien d’étonnant au fait que nous l’utilisions pour tous les êtres vivants qui nous entourent une fois notre tour d’éduquer arrivé.
Mais la définition même du mot « punition » est différente selon si nous parlons d’un point de vue scientifique ou d’un point de vue populaire.
Dans nos esprits, la punition signifie l’application d’une sanction à l’égard d’autrui.
Le « non » aurait donc comme fonction de diminuer ou arrêter le comportement de nos apprenants lorsqu’ils font quelque chose qui nous déplaît.
La vraie question est : le NON fonctionne-t-il comme punition ?
N’avez-vous eu à dire « non » à votre chat qu’une seule fois pour qu’il cesse de réclamer de la nourriture à table ou devez-vous le lui rappeler régulièrement ? A chaque fois ?
Combien de fois avez-vous dit « non » à votre perroquet lorsqu’il criait alors que vous estimiez que ce n’était pas nécessaire ?
N’avez-vous dit « non » qu’une seule fois à votre chien pour qu’il cesse de voler les vêtements dans le bac à linge ? Ou continue t il à se promener avec vos culottes dans le salon ?
Si le « non » n’arrête pas définitivement le comportement indésirable du chien, pourquoi alors continuons-nous de l’utiliser ?
Dans le meilleur des cas, le « non » peut stopper un comportement durant quelques instants. Cela peut donc potentiellement être utile en cas d’urgence.
Mais si ce mot a parfois la faculté de vous laisser un (très) court répit, en aucun cas il n’apprend à l’animal quel comportement il pourrait avoir à la place de celui qui vous paraît désagréable.
Dire « non » au chat qui quémande à table ne lui apprendra pas à se tenir couché à sa place durant les repas.
Dire « non » au chien qui saute sur vous pour vous accueillir ne lui apprendra pas à vous dire bonjour convenablement, selon vos critères.
Dire “non” au perroquet qui vole sur votre épaule ne lui apprendra pas à jouer sur son perchoir.
Dire « non » au cochon qui monte sur le canapé ne lui apprendra pas à aller se coucher dans son panier.
Dire “non” au furet qui vous grignote les pieds ne lui apprendra pas à grignoter ses jouets.
Dire « non » au chien qui aboie, vole, fuit, tire en laisse, grogne, saute,… ne lui apprendra jamais quel est le bon comportement à avoir face à l’environnement.
Dans le même principe, vous dire « non » si votre réponse à l’équation 4(2x-1)(3-5x)=3/4-3x² n’est pas la bonne ne vous apprendra pas à parvenir au bon résultat, n’est ce pas ?
La plupart de nos animaux de compagnie sont énormément attirés par l’attention que nous leur portons (pour certains, un simple regard est déjà une grande forme d’attention).
Imaginez… Nous sommes en été. Vous êtes couché sur votre transat, vous profitez de votre jour de repos pour parfaire votre bronzage.
Vous êtes tranquillement installé, l’environnement est calme, vous profitez de ce moment paisible. Votre chien vous accompagne, il est autour de vous, parfois couché, parfois assis, parfois il court écouter le voisin, parfois il joue avec ses jouets, … Il vit sa vie et vous aussi.
Puis, soudain, vous entendez un bruit bizarre.
Vous savez, ce genre de bruit où votre cerveau vous envoie automatiquement l’information :
« Alerte ! Le chien est en train de faire une bêtise ».
Vous vous relevez, et vous voyez Ginger en train de creuser le sol.
Vous criez « Ginger, NON !!! ». Ginger s’arrête.
Vous vous remettez confortablement couché sur le transat, quand, à peine quelques secondes après, Ginger continue son énorme trou. Vous vous relevez, hurlez « NON » à Ginger, qui vous regarde en commençant à remuer sa queue, en n’attendant qu’une seule chose : vous voir vous lever et aller vers elle.
Ne pouvant décemment pas laisser votre chien détruire votre jardin, et voyant que les 172 « non » n’auront pas suffit à faire comprendre à Ginger que ce qu’elle fait est mal, c’est ce que vous finissez par faire.
Arrivé à proximité de votre chien et du trou qui rejoint à présent l’Asie, un dernier « NON » ferme sort de votre bouche. Malgré tout, vous pouvez quasiment lire dans les pensées de Ginger « Maintenant que tu es là, on joue ? ». 🐶
Vous partez, dépité.
Continueriez-vous définitivement à utiliser un médicament qui ne vous soigne pas ? Certainement pas !
Si nous devons répéter ce « non » sans arrêt à notre chien et que son comportement continue tout de même, c’est que ce n’est pas le bon médicament !
Ginger aura émis un bon nombre de comportements, tout un tas de comportements agréables, mais la seule fois où elle reçu de l’attention, c’est quand elle a émis un comportement indésirable.
La prochaine fois qu’elle voudra de l’attention, Ginger saura exactement quel comportement émettre.
Malheureusement, ce sera celui qui aura été renforcé par notre attention et que nous pensions avoir puni en lui disant « NON ». Oups 🤭
Si nous avions renforcé par notre attention les comportements de Ginger quand elle était couchée, assise ou quand elle jouait avec sa peluche favorite, nous lui aurions appris que ce sont ces comportements-là qui apportent notre attention.
Conclusion : Au lieu de nous focaliser sur les comportements indésirables de nos animaux, nous devrions mettre toute notre énergie à profit pour renforcer leurs bons comportements, car si le « non » peut stopper un comportement sur le coup, il va souvent à l’encontre de notre objectif final et n’apprendra jamais le bon comportement à notre animal.
Lisa Longo, CPBT-KA, CBCC-KA
Consultante en comportement animal
Animal Académie