23/10/2021
À BRUTALISER UN CHIEN, ON PEUT SE FAIRE MORDRE...
Quatre... C'est le nombre de séances d'éducation que Sylvie a suivi avant que son chien Nounours décide de mordre l'éducatrice. Ce n'est pas une petite morsure ; Nounours a mordu son visage et les plaies ont nécessité 15 points de suture.
Sylvie avait pourtant prévenu le centre d'éducation ; Nounours avait été marqué par une expérience difficile, durant laquelle plusieurs enfants l'avaient brutalisé. Il était craintif avec les personnes qu'il ne connaissait pas. Elle voulait suivre des cours d'éducation en pensant que ça l'aiderait à prendre confiance et qu'il apprécierait de côtoyer des congénères dans un cadre plaisant.
Les deux premières séances se passent relativement bien, mais elles tournent au vinaigre à la troisième. Nounours refuse de se coucher quand on lui demande. L'éducateur tire sur son collier d'un geste brusque en criant "couché". Nounours grogne, mais l'éducateur continue... Nounours mord, sans causer de blessure.
Rebelote à la quatrième séance, mais cette fois, avec une éducatrice que Nounours ne connaît pas. Elle le force brutalement à se coucher, Nounours lui mord le visage et la blesse sévèrement. Tout cela devant les yeux du fils de Sylvie, un garçon de 10 ans très impliqué dans l'éducation de Nounours, qui aurait pu reproduire ces gestes seul.
Voilà ce qui arrive, lorsqu'on ne prend pas en compte les avertissements. Et il y en a eu. Nounours a grogné et il a certainement exprimé bien d'autres signes d'inconfort. Lorsqu'on brutalise et qu'on force un animal à faire ce qu'il n'a pas envie de faire, il peut exprimer son désaccord avec ses moyens à lui. C'est ce qui peut arriver quand on force, plutôt que de chercher à coopérer - quand on utilise la brutalité, plutôt que les motivations du chien.
Cette morsure était évitable. Quand on fait attention, qu'on communique bien avec les chiens et qu'on respecte leur besoin d'espace, les risques de morsure sont diminués. Ça fait 13 ans que je travaille avec des chiens. Je suis souvent intervenue pour des cas d'agressivité, j'ai toujours fait très attention et je n'ai jamais été attaquée.
Oui, tout cela aurait pu être évité. Comme bien d'autres problèmes vus chez des chiens pour lesquels j'interviens après un certain nombre d'expériences négatives et d'échecs. Récemment, une cliente m'expliquait comment l'éducatrice précédente travaillait sur la peur panique que ressentait sa chienne en ville. Elle la forçait à s'asseoir en poussant son arrière-train et la tenait en laisse très courte pour forcer une marche au pied, tout ça dans un environnement qui causait des réactions de peur très visibles et facilement identifiables. D'ailleurs, la gardienne remarquait bien que sa chienne était terrorisée, mais l'éducatrice ne cessait de lui dire que c'était la seule solution pour vaincre ses peurs. Sur toute la durée de ce travail avec cette éducatrice, les peurs et les comportements de panique ne se sont évidemment pas atténués. Le bien-être de la chienne en a été très impacté.
Dans le club d'éducation de Sylvie, les chiens sont forcés à marcher au pied, à se coucher et à ne pas bouger quand on leur demande. Une autre cliente racontait à Sylvie que son chien n'écoutait que l'éducateur et qu'à la maison, c'était autre chose. Sylvie m'explique que "le chien marche à côté de l'éducateur, la queue entre les jambes. Ça fonctionne à la peur". Quel est le but de tout ça ? Qu'est-ce que cela peut avoir de bon pour la relation du chien avec son gardien ?
C'est un petit post de décharge que j'écris aujourd'hui. Des histoires comme celle de Nounours, j'en entends très souvent. Devoir intervenir pour des problèmes graves, qui auraient pu être évités très simplement, c'est usant. C'est un combat difficile et sans fin, qui contribue beaucoup à la fatigue compassionnelle et pousse des professionnels au burn out.
Voilà ce qui arrive, lorsqu'un métier est à peine réglementé. Un simple certificat de capacité (2 jours de formation) est requis pour exercer ce métier légalement. C'est loin d'être suffisant ! Surtout qu'on y parle très peu de prévention des morsures. Quant à la bienveillance et l'empathie, ce n'est clairement pas donné à tous.
Alors, s'il vous plaît, si vous faites appel à un professionnel et que vous n'êtes pas à l'aise avec ses méthodes, qu'il brutalise votre chien, qu'il le force ou qu'il ne montre pas d'empathie... fuyez ! Au moins, vous n'aurez pas un chien qui a appris qu'il faut mordre pour qu'on lui fiche la paix ! Partagez, parlez-en autour de vous, afin que d'autres ne fassent pas l'erreur d'aller vers de mauvais professionnels.
Pour info:
Ce n'est pas une photo de Nounours. Les noms du chien et de sa gardienne ont été modifiés, car l'éducatrice a décidé de porter plainte contre la propriétaire du chien. Une belle remise en question, n'est-ce pas?
L'évaluation comportementale par la vétérinaire a montré que Nounours ne présentait pas de risque, ce que j'ai pu confirmer lors d'une longue visite à domicile pour une évaluation plus poussée. Nounours est un chien de travail, qui est très avenant et coopératif, quand on communique bien avec lui.