31/07/2024
Pour les donneurs et donneuses de leçons qui sont de plus en plus nombreux…
Avis aux amateurs 😉
:-) SOYONS MOINS RÉACTIFS ET MOINS DONNEURS DE LEÇONS :-)
Nous nous montrons parfois très « donneurs de leçons ». C’est notre petit côté « Moi je sais car depuis deux semaines j’ai découvert l’éducation canine positive avec mon chiot ou j’ai démarré ma formation pour devenir professionnel et du coup, je vais apprendre la vie à toute la planète-chien ». Il y aussi les personnes qui font face tous les jours à la maltraitance animale et qui veulent à tous prix rééduquer la Terre entière car c’est leur mission. Nous sommes tous un peu comme ça. Nos combats nous mènent parfois à adopter des comportements totalement contre-productifs. Il n’y a rien de pire que de donner des conseils à celui qui ne les a pas demandés ou de faire la morale à l’inconnu qui passe. Je l’ai compris au fil du temps, dans ma vie personnelle et avec mes clients. Et même si parfois c’est difficile, j’ai appris à me taire. J’ai connu trop de personnes dont le chien réactif a commencé à l’être beaucoup moins quand elles ont cessé de pester contre le monde entier avec leur « On ne passe pas aussi près d’un chien quand on court ! ».
Nous sommes parfois réactifs. Nous sommes souvent moralisateurs. Et tant que nous le serons, il sera difficile d’espérer que notre chien se calme. Nous pouvons essayer de l’être un peu moins, et peut-être qu’un jour nous ne le serons plus du tout. C’est vraiment souhaitable, surtout dans le monde bien-pensant de l’éducation canine parasité par des règles universelles à contresens du cas particulier de chaque chien. En fait bien souvent, ces vérités énoncées à tout bout de champ ne font que témoigner du manque d’expérience de celui qui les brandit. Certaines existent bel et bien : On ne frappe pas un chien. On ne l’étrangle pas. On ne lui met pas des low-kicks dans les côtes. On ne lui envoie pas des boîtes à cailloux. On ne le place jamais en immersion. On n’organise pas des combats entre chiens pour leur faire comprendre la vie. On ne retourne pas un chien sur le dos, etc. Ces règles sont valables pour tous les animaux et tous les êtres vivants. La violence est le refuge des gens démunis et le derniers recours de l’ignorance ou de la peur. La solution réside toujours dans la discussion. Mais me direz-vous, encore faut-il que la personne soit réceptive.
Certaines règles universelles sont en revanche à relativiser fortement. Elles ne sont pas mauvaises ou fausses en soi. Elles ne sont juste pas applicables à tous les chiens. Nous ne cesserons jamais de le dire : Ce qui est valable pour un chien ne l’est pas pour un autre. Il n’y a rien de plus délicat que de donner des conseils mal avisés à une personne dont nous ne connaissons ni le chien, ni le profil, ni le problème.
Un conseil à l’emporte-pièce balancé à une personne qui ne nous a pas sonné, c’est bien souvent un jugement qui s’ignore. Et les jugements ne font avancer personne. En voici quelques exemples vécus ou racontés.
« On ne donne pas de jouet à un chien en présence d’autres chiens. C’est inconscient et ça crée des bagarres ».
Avant de faire tomber le couperet du jugement sur l’humain dont le chien tient une b***e en gu**le, assurons-nous bien de la situation. Ce chien est peut-être un hypersensible qui progresse grâce au fait qu’il mâchouille régulièrement un jouet en caoutchouc qui lui permet de décharger son émotionnel non géré dans certaines situations. C’est un outil indispensable pour une bonne partie des humains qui ont un jour eu à entrer dans l’aventure merveilleuse de la rééducation du chien agressif. Pour certains de ces chiens, lui ôter son doudou, c’est le mettre en grande difficulté. Lui enlever cette activité de mastication ambulante, c’est peut-être le faire déclencher et de manière incontournable, l’amener à régresser. Son humain le sait, nous non. Accordons-lui le bénéfice du doute. Par ailleurs, précisons qu’il est tout à fait possible d’apprendre dès le plus jeune âge à un chien à ne pas s’occuper des jouets des autres. Cela évitera les bagarres tant redoutées et permettra aux chiens à fleur de peau de garder leur jouet-soutien en toute sécurité :-)
« Lancer une b***e à un chien aggrave sa prédation et le rend complètement débile ».
C’est le reproche insultant qui m’a un jour été fait par une personne inconnue qui passait au loin et qui m’a vue faire un lancer de b***e à Scarlet qui prenait une posture de prédation. C’est avec le lancer de b***e effectué dans un bon timing qu’au fil du temps je suis parvenue à gérer son fort instinct de chasse. La b***e est rapide, je la jette dans les fourrés (ou dans l’eau), et l’amène à la chercher, à nager, ce qui la fait passer à une activité bien plus calme et acceptable. Un chien prédateur est sensible au mouvement et parfois, réorienter son patron-moteur sur une b***e rapide, s’avère être un outil ponctuel indispensable, et la faune nous remercie. Certains chiens déclencheront aussi sur les vélos, les joggers, les enfants qui courent. Ne vaut-il pas mieux envoyer ponctuellement une b***e à ce chien-là dans des situations de surprise où l’on ne peut pas toujours travailler sur la distance ? L’humain qui agit de la sorte connaît son chien et est en train de gérer un problème. Cette personne a des priorités établies avec son éducateur en fonction des difficultés de son chien. Occupons-nous du nôtre :-)
« Les chiens sociables et joueurs, peuvent aller voir tous les autres chiens ».
« Un chien qui ne veut pas jouer à forcément un problème ».
Cette règle universelle devient de plus en plus étouffante pour beaucoup de mes clients qui se plaignent du manque de civisme des promeneurs qui n’encadrent pas leur chien « sociable et joueur » pour ensuite leur reprocher la réaction irritée de leur chien. C’est comme si le profil « sociable et joueur » dispensait les humains d’éduquer leur chien au rappel ou au suivi automatique. Avoir un chien « sociable et joueur » est une chance. Pourquoi en faire un problème en pensant que ces chiens-là ont tous les droits ? Aucun chien, aucun humain n’a tous les droits. Il n’existe pas un blanc-seing pour les chiens « sociables et joueurs ». Ils n’ont pas le droit de faire intrusion dans la zone personnelle d’un chien inconnu (laisse ou pas) comme le chien réactif doit être encadré sérieusement, en longe et parfois, muselé. Enfin, un chien qui ne veut pas jouer n’a pas de problème pour autant. C’est juste un chien qui ne veut pas jouer avec le nôtre pour des raisons qui nous échappent. Quel que soit le profil de notre chien, ne l’imposons pas aux autres et ne jugeons pas le comportement du chien des autres. Enfin rappelons nous que la liberté de notre chien et la nôtre s’arrête là où commence celle des autres et de leur chien :-)
« On ne fait pas nager un chien en hiver, il va tomber malade ».
« Tous les chiens vont dans l’eau ».
J’ai eu droit plusieurs fois à cette énormité, moi qui vit au bord d’un grand étang avec une chienne qui, depuis ses 4 mois, passe le plus clair de ses balades dans l’eau, été comme hiver, par grand vent ou sous la pluie. Je connais beaucoup de chiens qui toute l’année se baignent. Leurs humains ne les jettent pas dans l’eau, rassurons-nous. Ils y vont de leur plein gré. Ils ne tombent pas malades pour autant. Nos perceptions humaines sont ici très envahissantes. En novembre, décembre, janvier… quand nous sommes gelés sous nos parkas, nos chiens plongent, ressortent trempés, se courent après, replongent, parfois en faisant un petit crochet par une flaque de boue (spéciale dédicace aux Goldens). D’autres chiens seront horrifiés par l’idée même de se mouiller ou de se salir, même en plein été. Ceux-là méritent aussi notre respect. ;-)
« Les chiens n’ont pas besoin de manteau, quelle que soit leur race ».
Il est inacceptable de penser que parce qu’un berger peut être rustique et tous-terrains, tous les chiens le sont. Il existe bien des races qui ont besoin d’un manteau l’hiver. Il existe des chiens frileux, fragiles, qui tombent souvent malades. Il est très agaçant pour leurs gardiens de s’entendre accuser d’anthropomorphisme (notion utilisée à toutes les sauces) à chaque fois qu’ils sortent avec leur chihuahua ou autre chien à poil ras en manteau. Mêlons-nous de nos affaires ;-)
« On ne soulève jamais un chien du sol ».
J’entends cette phrase régulièrement lorsque je suis en séance avec un petit chien peureux ou avec un chiot et que, malgré les précautions d’anticipation prises, un ou plusieurs chiens en liberté déboulent sur lui. Immédiatement, je demande à mon client de prendre son chien à bras et de se retourner. Pourquoi ? Parce que le chien est tout-petit et que l’énorme différence de taille est dangereuse ou parce que le chien est craintif et que cette invasion barbare risque de le marquer plus qu’il ne l’est déjà ou parce que le chien est un bébé et qu’il n’est pas question de lui imposer des interactions avec des chiens que je ne connais pas du tout. Encore une fois une rapide évaluation du facteur risque-avantage est réalisée. Une décision est prise. Entendre une personne qui laisse son chien déranger tout le monde vous dire « on ne soulève pas un chien du sol » est parfois fort de café et en décalage total avec l’idée de l’éducation et de la politesse. ;-)
« Si un chien a mordu une fois, il re-mordra forcément. »
Heureusement que tous les comportementalistes sont là pour témoigner que non, si une étude sérieuse est réalisée et si les causes de l’agression sont précisément déterminées et comprises, le chien ne remordra pas. Cette phrase intolérable est une sentence grave pour tous les chiens qui un jour, acculés ou non compris, ont mordu. C’est la porte ouverte à l’euthanasie décomplexée. Attention aux bêtises que nous disons parfois. Certaines règles universelles agissent comme des couperets et font de nous des juges d’exécution. ;-)
« L’akita déteste ses congénères. »
« Le jack russel est hyperactif. »
« Le malinois est mordeur. »
« Le border est autiste. »
« Le staff est un chien dangereux. »
« Les mâles entiers sont agressifs. »
« Les femelles intactes sont agressives. »
« Les labradors sont obèses. »
« Les goldens n’écoutent rien ».
« Le berger allemand aboie tout le temps ».
Etc.
Racisme, projections personnelles et amalgames quand tu nous tiens. Quand il ne s’agit pas de croyances limitantes. L’une des chiennes qui est le plus intervenue dans mes séances est un akita-inu. Et les chiens qui facilitent la communication avec leurs congénères réactifs sont quasiment tous intacts. N’allons pas trouver de fausses explications ou de fausses excuses. ;-)
« Quand un chien est agressif, c’est forcément de la faute de son humain ».
« Aucun chien n’est agressif, ce sont les humains qui le sont. »
« Tout est une question d’éducation », grande championne du grand n’importe quoi.
Pour affirmer cela, il faut être éloigné du monde du chien… Tous les chiens ne sont pas agressifs envers les humains parce qu’ils sont accompagnés d’un humain agressif. Cette phrase est dure, très dure à entendre pour mes clients en rééducation. Si j’en avais le pouvoir, je crois que c’est LA phrase que je ferais disparaître de notre répertoire tant elle est injuste et jugeante. Certaines agressivités sont logées dans le chien lui-même. Elles lui sont propres. Elles se trouvent au coeur de la lignée ou dans la sphère médico-comportementale. Bien des familles se sont vues confrontées à l’agressivité de leur chien qui était en réalité malade (hypothyroïdie, androgénie, syndrome HA-HS, etc.). Le sentiment d’injustice ressenti est déjà grand, épargnons-leur le poids de notre jugement implacable.
Nous ne savons rien et c’est tout ce que nous savons.
You know nothing Jon Snow ;-)
Il y a bien d’autres fausses lois universelles que l’on se prend régulièrement en pleine figure… Je vous laisse les publier en commentaire mais attention, je vous demande de le faire sur le ton de l’humour. Partagez brièvement et gentiment vos expériences. ;-)
Audrey Ventura / Cynoconsult
Les livres :
- "Le chien, cet animal qui nous échappe" https://shorturl.at/eLNT2
- "Mon chien, mon coach et moi" https://shorturl.at/cFIV1