24/02/2023
Les violences invisibles
On parle beaucoup des violences sur l’animal : coups, manque de nourriture ou de confort de base, confinement, solitude, utilisation de matériel coercitif (collier étrangleur ou électrique)… ces violences-là sont visibles et affectent de toute évidence son bien-être.
Il existe néanmoins d’autres violences plus insidieuses, invisibles, mais qui sont pourtant bien à mettre au rang d’une maltraitance qui ne dit pas son nom. Elles se cachent derrière les multiples attentes et exigences des maitres vis-à-vis de leurs chiens.
- L’affectif : caresses, câlins, étreintes, prises dans les bras, manipulations, petites tapes (plus ou moins appuyées selon sa taille): le chien doit être disponible pour nos démonstrations affectives. Si nos chiens semblent apprécier ces contacts, les apparences peuvent être trompeuses… mettons-nous un instant à leur place, accepterions-nous que notre entourage nous envahisse ainsi sans se soucier de savoir si cela nous plait ?
- La propreté : notre brave toutou doit sentir bon, toilettage, brossage quotidien, nettoyage des yeux, des oreilles, essuyage des pattes après chaque sortie, tel est son lot. Ne pas faire ses besoins n’importe où ni n’importe quand, ne pas flairer ou toucher des choses qui nous semblent sales. L’odorat est le premier sens du chien, en le privant de sa propre odeur par des lavages excessifs, en l’empêchant de flairer comme bon lui semble, nous allons à l’encontre de ses comportements naturels.
- L’obéissance : le chien doit s’exécuter immédiatement quand on lui donne un ordre, on attend de lui qu’il obéisse au doigt et à l’œil, il doit dormir quand on dort, être éveillé quand on a décidé d’interagir avec lui : s’il le fait c’est un « bon chien », dans le cas contraire il est « têtu », « mal éduqué », « trop gâté ». Serions-nous capable d’être aussi parfait ?
- La socialité : on attend de lui qu’il accepte tout (ou presque) des humains, petits ou grands, qu’il soit sociable avec ses congénères… ou pas ! car on peut aussi lui interdire tout contact avec les représentants de sa propre espèce, par peur des maladies, des agressions, ou tout simplement pour garder un contrôle total sur lui.
- La reproduction : bien que non stérilisé, Toutou ne peut pas et ne doit pas se reproduire, s’il se permet quelque rapprochement avec un/une congénère, c’est un « obsédé » : ne pouvons-nous imaginer dans quel état de frustration nous maintenons notre chien ? A l’inverse si c’est un « étalon », il devra se reproduire souvent et bien, dans des conditions parfois très stressantes.
- L’alimentation : réduit le plus souvent à l’alimentation industrielle, il doit se tenir tranquille quand les bonnes odeurs de nos petits plats lui chatouillent les narines. S’il lui arrive parfois de ne pas résister à la tentation et de chaparder un peu de nourriture oubliée au coin d’une table, on s’offusque : « en plus c’est un voleur !!! ». L’inverse existe aussi, on donne tout et n’importe quoi à manger à son chien, sans penser à sa santé, il grossit, et on s’exclame « ce chien est trop gros ! il ne pense qu’à manger !! »… mais qui donc lui donne sa gamelle.. ? Quant à l’eau, pourtant de toute première nécessité, il arrive qu’on la lui retire la nuit ou dans la journée s’il a tendance à « s’oublier » dans la maison.
- La reconnaissance : le maitre attend de son chien, pour qui il fait tant, d’être reconnaissant envers tant de bonté et de sacrifices, «On fait tout pour lui, et en remerciement il ne fait que des bêtises! ».
La liste n’est pas exhaustive, les exigences permanentes vis-à-vis de l’animal, le non-respect de ses besoins éthologiques de base sont bien à considérer comme des violences et à dénoncer comme telles.
Source :
Sylvie Chantre
Comportementaliste Chien & Chat