27/06/2020
Pour tous les amoureux des chiens de berger. À lire et méditer sans modération.
CET ARTICLE EST UN REPOST ET UN RAPPEL NÉCESSAIRE PARCE QUE JE CROIS VRAIMENT QUE LE SALUT SE TROUVE DANS LA RÉPÉTITION.
S'il vous plaît, cessez d'adopter une race pour ce qu'elle représente à vos yeux "depuis que vous êtes tout-petit" ou parce que ça a toujours été "un rêve de posséder ce chien" ou parce que vous trouvez cette race "super intelligente" ou "parce que vous avez vu ce chien dans un film" ou pour je-ne-sais-quelle-raison immature et capricieuse.
Cessez d'offrir un chien pour faire une surprise à Monsieur ou à Madame ou pire, pour faire un cadeau au petit dernier qui a eu un beau bulletin.
Vous n'adoptez pas qu'une race.
Vous adoptez QUELQU'UN.
Vous adoptez sa génétique.
Vous adoptez une responsabilité sans que personne ne vous l'ait demandé.
Nous sommes fatigués de voir à quel point il est aujourd'hui facile pour l'humain de se débarrasser de cette responsabilité pour la refiler aux associations, aux refuges, aux SPA, aux formidables familles d'accueil qui sont saturé(e)s.
Nous sommes lassés de vos excuses, qui sont toujours les mêmes, de vos regrets qui durent "ce que durent les roses l'espace d'un matin", de vos recommandations déplacées pour que ce chien que vous abandonnez soit "bien traité", de votre culpabilité qui passera avec le prochain chien que vous adopterez. Car oui, certains iront jusqu'à récidiver.
Le chien est QUELQU'UN.
Il n'est pas QUELQUE CHOSE.
Vous êtes un HUMAIN.
Mais êtes-vous QUELQU'UN ?
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*** LA TRAGÉDIE DU CHIEN DE BERGER ***
Soucieux d’offrir une activité riche et régulière à nos chiens, nous tombons parfois dans l’excès. Nous entendons que le chien est un animal actif, toujours partant pour de nouvelles aventures dont il a viscéralement besoin. C’est vrai. Ne laissons pas nos chiens dans l’ennui, dans le marasme d’une vie où rien n’est à accomplir. Le développement personnel de nos chiens est de notre responsabilité. C’est ainsi que nous l’avons voulu. Cependant, en parallèle de ces activités, il est plus que souhaitable de leur apprendre à se poser. Aujourd’hui, assurément davantage qu’hier en raison de la génétique très mal sélectionnée par l’homme, nos chiens de berger ont besoin plus que n’importe quelle autre race, qu’on leur apprenne « à ne rien faire ». La juste mesure est parfois difficile à comprendre. Je dirais que c’est parce qu’un chien jouit d’une bonne activité générale qu’il saura en parallèle apprendre l’inactivité. Et compte tenu des dérives génétiques, apprendre à se poser est devenu une obligation dans une bonne éducation.
- La génétique mal sélectionnée -
Prenons l’exemple le plus connu, celui que nous, les comportementalistes rencontrons le plus souvent : le berger hyperactif. Peu importe que nous ayons à faire à un Border, à un Australien ou à un Suisse, le problème est le même. Les bergers sont des chiens sélectionnés aux origines pour le travail en plein air, en toute liberté, sur de grands espaces. Nous en avons fait les gardiens de nos troupeaux. Pour que la prouesse soit possible, il fallait reproduire des chiens exprimant certains comportements de prédation. Une séquence incomplète a été sélectionnée afin que le prédateur harcèle, contrôle mais ne blesse jamais sa proie. Le berger fixe le mouton et le contraint à se ranger. Si besoin, il s’élancera sur lui ou lui pincera les jarrets afin qu’il se rabatte. Mais la morsure pour tuer la proie a disparu de la séquence. Voilà, génétiquement, la programmation comportementale d’un chien de berger. Tant qu’il reste dans sa pâture, tout va bien. Il fait ce pour quoi il a été sélectionné génétiquement. Le chien est zélé à l’ouvrage, le berger est rassuré, les moutons nettement moins.
Mais un jour, ce chien de berger, ce trésor rustique et courageux, ce prédateur sensible et pétri de liberté, s’est retrouvé dans nos foyers, au beau milieu de nos vies accélérées, avec nos enfants qui courent et nos absences répétées. Le drame a fini par arriver. Sa génétique s’est imposée à tous. Il a mordu le mollet du petit qui faisait du vélo. Au pire il sera euthanasié, au mieux, abandonné. Kidnappez un guide naturaliste de haute montagne et obligez-le à travailler toute sa vie dans un bureau. C’est le su***de ou le meurtre du patron assuré.
Mais les éleveurs ont continué à vendre ces chiens. Pire, des lignées sélectionnées sur le seul critère de beauté ont été développées. Cela signifie que le comportement général des géniteurs n’est plus du tout une priorité dans la sélection. Il faut juste qu’ils soient très beaux. Et notre berger est devenu une bête de foire à la mode, exposée en concours. Des spécimens bleu merle aux yeux bleus et blancs ou des individus rouge merle aux yeux blancs ou bleus sont arrivés sur le « marché ». Il n’est plus possible de nommer ça autrement. Il s’agit de tares génétiques qui ont été encouragées pour la vente. Et comme la demande est là (et toujours là), des gens sans scrupule vendent à des amateurs des chiens porteurs de tares. Nous en sommes arrivés à un tel point que des sujets handicapés (aveugles ou sourds, ou les deux) sont recueillis par d’admirables associations dont la mission est de leur trouver une famille responsable. Mais la reproduction continue de plus belle même si les géniteurs sont une catastrophe comportementale. Intolérance à la frustration, hyper-contrôle, morsure non inhibée, hyper-sensibilité au mouvement, etc., peu importe, l’éleveur (qui n’en a que le nom) vendra tout de même son chiot bleu merle. Il le cèdera à un couple de citadins actifs qui l’adopte parce qu’il le trouve magnifique et parce qu’il a entendu dire que ces chiens étaient très intelligents.
- Le chien hyperactif et hyper-stimulé -
Notre petit berger arrive alors dans sa nouvelle famille. Sa zone de confort était jusque là une ferme isolée et des pâtures. Les voitures, les joggers, les trottinettes, la laisse, la foule, il ne connait pas. Il répond à des patrons-moteurs génétiques qui lui confèrent le concept de « la chose qui bouge ». Cette chose qui bouge, peu importe sa nature, elle se poursuit, se harcèle, se contrôle, se pince éventuellement. Elle excite sa sensibilité, elle réveille sa prédation. Notre berger devient une boule d’émotions incontrôlées. Les informations autour de lui, beaucoup trop nombreuses, le transforment en une cocotte minute prête à exploser si les patrons-moteurs génétiques ne sont pas satisfaits. Il devient impossible de le promener. C’est un chien inadapté qui ne supporte rien.
Mais dans son malheur, il a de la chance. Sa famille l’aime sincèrement. Notre petite famille s’entend dire que pour guérir ces troubles comportementaux, ce genre de chien hyperactif et hypersensible a besoin d’être « saturé d’activités ». Si les missions sont omniprésentes dans sa vie, ses patrons-moteurs n’auront plus de place pour s’imposer à lui. Cela semble d’une logique implacable. Notre couple va donc arpenter les clubs canins et surentraîner son chien de berger. Une pléthore de loisirs lui est proposée. À la maison, des plateaux cognitifs sont à sa disposition. On l’emmène courir. On l’assailles de tricks. On lui permet même de « troupeauter » de temps à autres. On développe son endurance, les besoins grandissent avec elle. La famille s’épuise et paradoxalement, son berger empire. Il s’élance sur tout et même à la maison, son impatience devient impossible à gérer au quotidien.
- Apprendre à ne rien faire -
L’excès n’est jamais l’issue et saturer un chien d’activités, cela s’appelle du surmenage. Les besoins en activités doivent être satisfaits, c’est sûr, car ils placent le chien en mode « exigence » (lire article sur la sécurisation). Mais ici, personne n’a expliqué à ce couple qu’il devait aussi apprendre à son berger « à ne rien faire » en parallèle des activités et à l’intérieur même de ces activités. En cumulant les demandes, en multipliant les missions, en développant l’endurance, les adoptants ont aggravé tous les comportements de leur chien au point qu’il est aujourd’hui incapable de rester sans bouger. Il était génétiquement hyperactif. Il est aujourd’hui un hyperactif hyper-stimulé.
Il est essentiel à mon sens de préciser ici que ni la famille, ni les éducateurs qui croisent la route de ce genre de chiens, ni le chien lui-même n’est responsable de tels comportements. Le problème est génétique. Elle s’impose à tous et ici, l’éducation et la gestion comportementale d’un tel chien doivent évidemment être démarrés le plus tôt possible avec l’aide d’un éducateur comportementaliste expérimenté. Conscient de la réalité génétique de telles lignées de bergers, ce professionnel devrait enseigner en parallèle l’activité et l’inactivité, l’exécution d’une demande et la cessation dans l’exécution, la satisfaction du besoin éthologique et l’acceptation de l’attente pour satisfaire ce besoin. Il faudrait encadrer la prédation et trouver la juste mesure entre la permettre et la réorienter. Il faudrait structurer ce chien et lui apprendre que la patience est opérante alors que la frustration n’apporte rien. Il faudrait veiller à ce qu’il se promène simplement, entouré des siens. Il faudrait l’habituer doucement à notre société tout en lui permettant régulièrement d’être sans contrôle de manière sécurisée. Mais surtout, il serait souhaitable de garder à l’esprit que rien n’est gagné. La génétique sera toujours là, prête à s’imposer. C’est extrêmement difficile. Voilà pourquoi ce genre de berger, issu d’une lignée mal sélectionnée, n’aurait jamais du atterrir chez des particuliers. On ferait mieux ici de parler de gestion comportementale au quotidien et non de rééducation définitive.
- Mensonge ou naïveté? -
Faire croire à des familles novices que l’éducation canine est omnipotente est vraiment impardonnable. Céder un tel chien accompagné d’un simple « si vous l’éduquez ça ira » est totalement irresponsable. Les gens le croient. Parfois je me demande s’il s’agit d’une mauvaise foi manifeste de la part de certains professionnels ou d’une grande naïveté liée à l’inexpérience. Ne croyez pas les éleveurs qui vous rassureront en vous disant que l’éducateur est la clef. Et nous, en tant qu’éducateurs, il est de notre devoir d’informer immédiatement nos clients sur les limites de l’éducation canine face à la génétique du chien. Je suis horrifiée d’entendre des professionnels de l’élevage affirmer régulièrement que les comportements canins ne sont pas génétiques et que seuls l’éducation et l’environnement du chien sont déterminants. Un chien de berger issu d’une lignée de bergers actifs restera toute sa vie un berger actif, même sans berger, même sans mouton, même sans bergerie et même si vous l’éduquez. Bien sûr, le chien de berger pourra évoluer grâce à un bon éducateur. Bien sûr il pourra devenir une meilleure version de lui-même. Oui, vous apprendrez à le gérer sur un plan comportemental. Mais ni l’éducateur, ni vous, ne le transformerez en un chien placide et sans instinct. Je terminerais en précisant que toutes les lignées de bergers ne sont pas affectées. Il existe de vrais éleveurs-sélectionneurs génétiques qui produiront des chiens de bergers sains sur un plan physique et comportemental. Ces éleveurs passionnés choisissent méticuleusement leurs géniteurs sur leurs comportements avant tout. Ils sélectionnent en fonction de leur objectif qui varie selon les élevages : chien de famille ou chien de travail. J’élimine volontairement les lignées de beauté. Au moment de l’adoption, posons les bonnes questions et n’achetons surtout pas sur un coup de tête un chien dont la lignée génétique ne correspond pas à notre train de vie.
Tiré du livre "Le chien, cet animal qui nous échappe" d'Audrey VENTURA, en vente ici : https://amzn.to/3goAOjq ou en dépôt dans la publication épinglée en haut de la page Cynoconsult
Crédit photo
Mathilde Pavot avec OKAMI
AUDREY VENTURA
Comportementaliste
Éducatrice
Valenciennes
Cynoconsult
0681065599