26/10/2022
Lorsqu'il s'agit d'entraîner un chien face aux soins, je ne choisis pas toujours les soins coopératifs.
Il y a des posts comme celui-là où on a le sentiment qu'on va se tirer une b***e dans le pied. Alors quand il s'agit d'un truc populaire comme les soins coop', c'est carrément le fusil à pompe qu'on a l'impression de dégainer. 😅
Mais vous le savez, j'ai toujours été honnête, alors faisons un tour d'horizon de ce que je fais concrètement au quotidien et de ce qui a changé dans ma pratique. Oui, c'est un peu long, mais être honnête, c'est aussi être précise, et je pense que vous méritez cette précision. 🧐
Avant tout, je tiens à rappeler ce que je suis au plus profond de mes tripes : Je suis une éducatrice de la vulgarisation et de la démocratisation. Concrètement, qu'est-ce que ça veut dire ? Je veux faire avancer les familles, TOUTES les familles, qu'importe d'où elles démarrent sur le chemin de l'éducation canine. Ca veut dire que je suis amenée à travailler avec de nombreux profils de personnes, certaines déjà bien convaincues par mon approche, d'autres pas encore sur ce chemin mais prêtes à l'emprunter et enfin d'autres pas encore prêtes mais que j'accompagne en douceur dans cette direction. 🤝
Lorsque l'on aborde spécifiquement l'entraînement aux soins, il existe différentes techniques et approches qui le permettent. Si les soins coopératifs ont une théorie à l'éthique incomparable (on ne peut à ce jour clairement pas faire mieux), j'ai pu constater au fil des mois que cette théorie ne passait pas toujours l'épreuve du feu d'un point de vue pratique. Souvent, oui, mais pas toujours :
⏱ Quand les délais sont courts entre le moment où l'on fait appel à mes services et le moment où le chien doit impérativement être soigné. Les soins coopératifs impliquent un délai plus ou moins long d'entraînement de la posture de consentement, de généralisation de celle-ci dans différents contextes et de conscientisation comme comportement feu vert/feu rouge. Régulièrement, ce délai, nous ne l'avons pas.
💉 Certains soins/contextes ne se prêtent pas aux soins coopératifs, en tout cas pas dans des délais raisonnables. Peut-être que oui, en théorie, tous les chiens de tous passifs, vivant dans tous les foyers, pourraient aller chez le vétérinaire et donner leur consentement plein et entier pour rester statique pendant un soin douloureux dans un contexte aussi riche, stimulant et potentiellement anxiogène, mais dans la réalité concrète du terrain, pour de nombreuses raisons, ce n'est pas aussi simple.
👨👩👧👦 Je l'ai exprimé précédemment, j'ai accompagné en éducation de nombreux profils de personnes, dont des personnes qui n'avaient au départ aucune connaissance ou compétence dans ce domaine ou pour qui les enjeux/perceptions du chien étaient très différentes des miennes. Conseiller de travailler en soins coopératifs, c'est parfois faire une proposition à des années lumières de ce que le foyer est prêt à travailler à ce jour, des arguments qu'il est prêt à entendre. Le renier, c'est passer à côté d'un accompagnement vraiment adapté aux besoins de cette famille (et aux besoins de ce chien, nous en reparlerons plus bas) et la voir aller ailleurs (ou ne pas l'entraîner du tout) en ayant voulu en demander trop d'un coup.
👩⚕ Parce que je suis formatrice également auprès d'ostéopathes, corps de métier qui a d'autres enjeux que moi : iels ne peuvent pas se permettre de ne toucher les chiens que s'ils sont consentants, doivent trouver des solutions à chaque séance pour rendre la séance la plus agréable possible, certes, mais sans pour autant refuser de soigner tant que le chien n'est pas à 100% ok (on peut parfois potentiellement ret**der d'une séance ou deux, mais le refus de soin tant que ce n'est pas parfait n'est pas la solution).
🐶 Aussi taboue que soit cette idée, je suis à ce jour convaincue que demander leur consentement à certains chiens (pour certains soins du moins) n'est pas toujours pertinent. Certains chiens se sont montrés inconfortables voire anxieux lorsqu'on leur demande d'être à l'initiative du soin, de choisir dans certaines situations. Être encadré par l'humain·e, ne pas "avoir à réfléchir", pouvoir se laisser porter par ce qui arrive semble avoir un vrai impact de réassurance chez ces profils. Je vis au quotidien avec l'un d'entre eux et ai pu constater son soulagement lorsque j'ai arrêté de lui demander de gérer certains soins.
Oui, je suis d'accord que dans un monde idéal, tout le monde est proactif et ne se fait pas surprendre par la vie avant de vouloir entraîner son chien, a des compétences de fou en éducation canine et est pleinement convaincu de l'intérêt de respecter l'intégrité physique, émotionnelle et mentale de son chien en toute circonstance. Dans un monde idéal, on serait basiquement tous éducateurs canins, on aurait tous le temps et les moyens matériels et financiers de travailler parfaitement avec son chien, et je ne serai pas là pour vous présenter mon travail, n'ayant plus de client·es en difficulté à accompagner.
Car les client·es, iels sont le cœur de mon métier, plus encore que les chiens, car ce sont elleux qui font appel à moi. C'est ainsi que je clos ma boucle, en résumant ma pensée comme suit : Imaginons une échelle de 0 à 10, 0 étant de ne jamais entraîner ou soigner son chien et 10 étant d'absolument tout entraîner et soigner avec son consentement plein et entier. Entre ces deux chiffres, il y a des milliers de familles aux profils, envies, besoins, connaissances, compétences et moyens très différents. Si l'on se base sur la courbe de Gauss, en théorie, les personnes qui se situent sur ces extrêmes représentent chacune une part infime de la population totale des familles qui vivent avec un chien, la plupart se trouvant dans la moyenne. Ainsi, si, imaginons, je ne travaillais qu'exclusivement en soins coopératifs, je ne toucherai que quelques pourcents de la population, le reste ne se sentant absolument pas concerné. Inventons une statistique toute pétée et imaginons qu'il s'agit de 5% de la population. Ça veut dire que les 95% restants ne viendront jamais chercher mon aide (ou repartiront aussi sec) laissant leur chien sans aucun entraînement ni accompagnement face aux soins.
Je suis persuadée qu'on ne change pas le monde en convainquant les déjà-convaincus et que je ne rendrais pas service à 95% des chiens si je venais à avoir une approche du "tout ou rien" avec leurs familles. Je préfère leur faire faire un pas, même petit, en direction d'une meilleure écoute de leur chien, même si pour le moment il n'a pas son consentement à donner. Je préfère cent familles qui font du medical training, même un peu, même imparfaitement, que 5 familles qui font uniquement des soins coop.
Plus je sensibiliserai de familles à la nécessité d'entraîner leurs chiens à être manipulés, mieux je me porterai.
Ainsi, je travaille avec une boîte à outil variée, dont l'enseignement d'une posture de consentement n'est qu'une part :
🔹 Ce que l'on appelle communément le "medical training" : Le chien n'a pas le choix du démarrage du soin, on lui demande de tenir une position avec un signal verbal/gestuel, mais il est entraîné à le recevoir par désensibilisation progressive/contre-conditionnement pour ne pas être surpris/anxieux lorsqu'il sera vraiment soigné. On peut ne pas lui laisser le choix de l'arrêt du soin (en redemandant poliment la posture si le chien la quitte, après lui avoir laissé faire une pause s'il en avait besoin) ou faire un travail "hybride" en lui demandant de venir mais en le laissant partir quand il ne veut plus, sans insister.
🔹 L'utilisation d'exercices parallèles qui n'ont pas l'air d'être liés aux soins mais le sont : Banaliser le contact au collier, profiter de séances de câlins pour préparer à la manipulation, apprendre à jouer avec son chien pour rendre le contact amusant, enseigner au chien à donner seul ses pattes et s'équilibrer, à monter sur un support et à venir se faire porter, enseigner une position solide et que le chien saura tenir dans différents contextes...
🔹 La désensibilisation des stimuli qui gravitent autour du soin lui-même : Des personnes qui parlent, un bruit surprenant, des odeurs, la blouse d'un vétérinaire, l'ostéopathe qui se penche sur le chien couché, le cabinet vétérinaire lui-même... Je l'ai déjà dit dans une précédente publication, mais sous son air banal, je pense sincèrement que cet aspect est trop peu considéré.
🔹 L'enseignement de compétences annexes qui seront utiles le jour où le chien pourrait se retourner en cas de douleur : Banaliser la contention et le contact par surprise, enseigner au chiot à gérer la puissance de sa mâchoire, enseigner le port d'une muselière...
🔹 L'enseignement de la lecture corporelle du chien pour prendre connaissance de son potentiel inconfort. Car même en medical training "basique", évidemment que si le chien n'est pas à l'aise, on arrête, c'est l'essence même de la désensibilisation progressive. Je ne travaille jamais en immersion.
🔹 L'utilisation et l'entraînement (car oui, ça s'entraîne) de solutions pansement pour détourner l'attention du chien pendant qu'il est soigné.
🔹 Et, donc, l'enseignement et la solidification de postures de consentement pour donner au chien la possibilité de s'exprimer pleinement face à son soin. Postures dans lesquelles il vient seul, sans aucun signal de notre part, et qu'il quitte seul dès qu'il en a marre pour quelque raison que ce soit (ennui, douleur, anxiété, appréhension, inconfort sensoriel ou émotionnel...).
Mon travail, il est le combo de toutes ces approches, chaque combinaison unique étant adaptée aux besoins précis d'un foyer spécifique pour un instant T. Dans tous ces combos, parfois, il n'est même pas question de demander son consentement au chien, car ce n'est pas le sujet à ce moment précis. Ainsi, j'ai veillé à corriger mon site afin que vous sachiez que je peux effectivement vous accompagner avec un immense plaisir en soins coopératifs (j'ai toujours un énorme respect pour cette approche qui a chamboulé ma vision du chien) mais que je ne fais pas que ça. Ça n'a jamais été le cas, mais ça a tendance à l'être encore moins qu'avant, pour les 95% de chiens qui restent.
Ceci étant dit, ma vision de ce travail ne se veut en opposition à personne. Chacun·e fait ce qui lui semble juste, je me contente de vous présenter mon travail pour que vous sachiez concrètement ce que je vous propose lorsque vous faites appel à mes services.
Prenez soin de vous, prenez soin de vos chiens.
Des bisous sur vos truffes. 😘
Aura - Céline Herrant.