26/05/2023
Qu'on se le dise !
LA POSTURE PARFAITE A CHEVAL (attention pavé dans la mare)
A force de voir fleurir quantité de stages de postures, avec ou sans simulateur, avec ou sans grand ponte de la posture, avec ou sans cheval, j'ai eu vraiment envie (besoin) de partager mes réflexions d’enseignant de yoga adapté sur le sujet.
A chacun des stages de yoga cavalier que j'anime, je demande à chacun sa motivation lors d'un tour de tapis, et 5 élèves sur 10 me disent "j'aimerai améliorer ma posture".
Les 5 autres de me dire en murmurant "j'ai des douleurs partout j'aimerai les soulager, la posture serait un plus mais si déjà j'ai moins de douleurs ce serait bien".
Donc la moitié viennent pour avoir une "bonne posture" voir " la posture parfaite", et une autre moitié souffre clairement des effets de la pratique de l'équitation.
Et 100 % ont essayé pendant plusieurs mois, semaines ou années de progresser dans cette fameuse posture, à grand renfort de "redresse toi / descend tes talons / cambre toi un peu / recule ta jambe / tes épaules vers l'arrière", sans parler des changements de selles, d’étriers, de séances de mise en selle et autres joyeusetés.
La plupart n'ont jamais atteint ce fameux Graal, et ceux qui l'ont approché souffrent parfois terriblement de douleurs lombaires, d'épaules, de contractures dans le dos, de cervicales bloquées.
De là à faire le rapprochement entre la pratique de l'équitation et les douleurs il n'y a qu'un pas trop facile à franchir.
Par contre on peut aisément comprendre, avec un soupçon de connaissance biomécanique du corps humain, que le concept de posture parfaite est totalement néfaste pour le corps du cavalier (et son ego, soit dit en passant).
Dans ce post je ne m'étendrais pas dans les détails sur toutes les notions biomécaniques, ça risque d'être indigeste pour une première approche, par contre j'avais très envie de partager mes axes de réflexions sur le sujet.
Selon la discipline qu'il pratique, chaque maître, chaque professionnel, chaque enseignant, chaque cavalier aura sa version de LA bonne posture en fonction des enseignements qu'il a reçus, son niveau de technicité à cheval, son sens de l'esthétisme... En partant de ce postulat, il n'y a donc pas une mais une multitude de postures existantes, et potentielles.
Il est difficile de parler de toutes les postures, ne serait ce que du fait du nombre de disciplines spécifiques (dont je n'ai pas connaissance de tous les détails ou particularités) aussi je vais me limiter à la posture "classique" des cavaliers utilisant des selles anglaises ou montant à cru, version "Fédération Française d'équitation" puisque c'est la base d'enseignement la plus répandue en France.
Tout comme le cheval n'est pas physiologiquement adapté pour porter un humain sur le dos, l'humain n'est pas physiologiquement fait pour passer des heures à cheval. Sauf que dans les faits, c'est ce qui arrive, et il paraît juste logique de préparer les corps de ces 2 protagonistes à cette pratique.
Hors, on observe une VRAI préparation physique du cheval afin de lui permettre de porter le cavalier et de performer en tant qu'athlète , on cherche à adapter son entraînement, son matériel, et on prévient les déséquilibres physiques potentiels par des séances de shiatsu, d'ostéo, de stretching, des distributions de compléments, l'utilisation massive du solarium et des guêtres rafraîchissantes....
Quid du cavalier qui n'a parfois même pas la possibilité de s'échauffer au démarrage! Un petit coup d'osteo après les chutes, parfois du pilates chez les cavaliers pro, et un bon bain chaud après les séances d'hiver?
J'ose aussi pointer du doigt le matériel. Aujourd'hui on arrive quasiment tjs à adapter la selle au cheval, pour qu'il puisse fonctionner de manière optimum. Il y a des selles adaptées à la longueur du dos, à la hauteur du garrot, à la conformation de l’avant main…
Les Saddles fitters font un travail remarquable, les fabricants sont à la pointe de la technologie avec des arçons dynamiques, des panneaux rembourrables en 8 minutes chrono sans parler des tapis où on peut mettre des cales de manière hyper précise ou des sangles pour ne pas gêner le fonctionnement thoracique.
Et j'observe encore trop souvent des cavaliers enfoncés dans des selles de dressage trop creuses, parfois avec des taquets qui bloquent les genoux, une verticalité artificielle et une cambrure désastreuse sur quelqu'un qui a des psoas contractés. Parfois à haut niveau. Et tant qu'à faire avec une culotte à fond de peau pour optimiser ses chances de rester coller au fond de la selle.
Et ces mêmes personnes qui arrivent en cours de yoga cavaliers en me confiant tourner aux anti-inflammatoires pour continuer à monter à cheval.
C'est le système entier qui ne fonctionne pas, il est indispensable de préparer et d'entraîner les chevaux ET les cavaliers, de former les enseignants à la biomécanique du cavalier, d'expliquer aux Saddle fitter comment optimiser le choix des selles en fonction des cavaliers (certains le font… parfois les demandes inadaptées viennent du cavalier)et d'exercer leur oeil à déceler les compensations, de faire évoluer la manière de juger la posture dans les concours, de réécrire les bouquins de la FFE....
Ceci étant dit, je vais me permettre de donner MA définition de la bonne posture : (Prêt?feu? Partez!)
> Le bonne posture permet au cavalier de fonctionner à cheval sans risque pour son intégrité physique à court, moyen et long terme et permet au cheval d'exprimer son potentiel sans être gêné dans sa locomotion ni souffrir physiquement. Point.
Comment en ayant tous un corps spécifique, avec un cheval spécifique qui possède des allures qui lui sont propres pouvons nous penser qu'il existe 1 posture unique qui va convenir à tous les chevaux ET tous les cavaliers?
C'est presque drôle de voir les élèves se faire placer comme des Playmobils, à l'arrêt, de leur demander de conserver cette même posture au pas, puis au trot et au galop. Et de voir les jambes s'avancer et remonter telles des ressorts en pleine crise d'adolescence, les épaules s'avancer en même temps, le dos se vousser complètement avec un cavalier qui arrête de respirer, concentré à réparer cette posture “tellement nulle”que les enseignants accueilleront avec un soupir et les yeux au ciel.
Je ne parle même pas des effets des émotions, de la fatigue, de la saison, des pensées, qui impactent tout le système énergétiques et physiques dudit cavalier.
Cet article n’est pas là pour décrier un système (quoique?), mais simplement pour jeter un pavé dans la marre et peut être vous permettre de vous questionner sur ce qui vous a été transmis et ce que vous pensez être "juste" pour vous et votre cheval.
La posture, ça se vit sur plusieurs plans.
En apprenant à connaître son corps, ses fonctionnements, sa propre mécanique.
En étant conscient que travailler sa posture, c’est déjà prendre conscience de son mode de vie, ses autres activités et leurs impacts, ses besoins.
C’est aussi poser sa peur du jugement de l’autre et écouter son corps, sa zone de confort, sa zone d’inconfort.
Et savoir observer l’état de sa posture intérieure : les émotions, l’alignement, l’état de son ancrage, la manière dont on vit sa séance à cheval.
Enfin, la posture, ça commence à pied. Ca se poursuit à pied. Ça se comprend (majoritairement) à pied. Et surtout, surtout, ça se travaille à pied.
Sandra Fabritz - Equi Yoga Om