23/04/2021
Help, mon Staffie n'aime pas ses congénères !
Quand j'ai débuté dans l'éducation canine, je n'imaginais pas à quel point la race influait sur le tempérament du chien. Je considérais la race comme un type morphologique canin figé dans le temps, avec certains traits comportementaux spécifiques liés à l'usage pour lequel elle avait été créée à l'origine. Je me doutais qu'un Beagle était plus doué pour la chasse qu'un Coton de Tuléar, mais je n'imaginais pas à quel point ce talent pour la traque et les conditions de vie afférentes à cette activité influençaient le caractère de cette race. J'ai compris que le tempérament indépendant, les difficultés à rester seul, les capacités de communication interspécifique très développées et la tendance à se jeter sur la moindre miette de nourriture (avant que sa « meute » ne la lui vole!) chez le Beagle étaient liés à son atavisme de chien de chasse en groupe.
Je me suis émerveillée, et je m'émerveille toujours, de ces tendances comportementales qui s'expriment chez telle ou telle race. Au fil des années et de mes observations, j'ai pu découvrir les traits comportementaux les plus récurrents chez le Berger Australien, le Labrador, le Malinois, le Boxer, le Golden Retriever, le Cane Corso, et bien d'autres... J'ai pu comprendre pourquoi certains « problèmes de comportement » (mais ce terme est-il vraiment pertinent, dans la mesure où ces soi-disant problèmes sont liés à une sélection artificielle et donc volontaire de la part de l'Homme ?) étaient plus courants au sein de certaines races plutôt que d'autres : comportements de poursuite intempestifs chez le Border Collie, agressions interspécifiques chez les races initialement destinées au combat, agressions de distancement chez les races de défense, etc. Bien sûr, tous les comportements ne dépendent pas de la génétique du chien. Chaque individu est différent, et l'impact de son environnement sur son développement comportemental est bien évidemment énorme, mais la race influence sans doute aucun le comportement du chien.
Parlons maintenant de celui qui m'inspire ces lignes : le Staffie ! Quand j'ai commencé l'éducation en tant que professionnelle en 2015, le Staffordshire Bull Terrier n'était pas aussi répandu qu'il ne l'est aujourd'hui. Il fait maintenant partie des grands chouchous des Français. Pourtant, beaucoup de propriétaires de Staffies sont déstabilisés par certains des comportements que présentent leurs toutous adorés, surtout quand ils approchent de l'âge adulte. Chiot, le Staffie est souvent une adorable petite chose au bidon proéminent, qui ferait fondre même le plus insensible des membres de l'espèce humaine. Il aime généralement tout le monde, chiens et humains, et il adore s'amuser avec ses congénères, dont il n'a aucunement peur. Son caractère de terrier est déjà bien présent. Il est turbulent et obstiné, et quand il veut jouer avec un autre chien, il n'hésite pas à être insistant, même si l'autre toutou n'a plus envie de s'amuser.
Cette tendance au « harcèlement », même s'il est motivé par le jeu, a tendance à jouer des tours au Staffie lorsqu'il arrive à la puberté. Le « laisser-passer » du chiot arrive alors à expiration (les chiots ont le droit de faire à peu près tout ce qu'ils veulent sans être rabroués violemment par les adultes, ce qui n'est plus le cas quand l'animal atteint l'âge adulte), et le Staffie, son enthousiasme débordant et son côté envahissant ne bénéficient plus de la tolérance des autres chiens. Le Staffie se fait alors corriger, une fois, deux fois, trois fois, et il arrive qu'il n'accepte pas ces réprimandes. D'un peu trop actif, il devient alors réactif : il passe, peu à peu, du statut de celui qui se fait repousser, à celui qui agresse. Ce sont ses difficultés de communication, et non un « gène de l'agressivité », qui le poussent à s'en prendre à ses congénères. Ajoutez à cela un passé de chien de combat, chez qui la phase de menace a été atrophiée, voire supprimée, et la tendance à l'agression proactive qui caractérise ce type d'animal, et vous pouvez parfois obtenir un mélange détonant. Attention, cependant : je ne cherche pas à faire une généralité de tous les membres de cette race. Certains Staffies sont parfaitement sociables. Je parle là d'une tendance, ce qui signifie que ce type de comportement est souvent retrouvé au sein de la race, sans que tous les individus le présentent.
Une bonne socialisation peut-elle inhiber les comportements « indésirables » du Staffie ? Oui et non : la socialisation est TOUJOURS indispensable, elle permet au chiot de mettre toutes les chances de son côté pour devenir un adulte équilibré. Mais elle ne doit pas être pratiquée n'importe comment, surtout avec un chien comme le Staffie qui a naturellement tendance à se laisser déborder par ses émotions. Les groupes trop grands sont à éviter ; les chiens et chiots mis en présence du Staffie doivent être particulièrement calmes. On veillera à ne pas laisser son petit Staffie monter en excitation, et on interrompra le jeu dès que ce dernier commencera à perdre patience ou à s'énerver. Et surtout, si, une fois arrivé à l'âge adulte, le jeune chien n'est plus à l'aise en présence de ses congénères, on triera soigneusement ses « partenaires » et on ne cherchera pas à en faire un chien qui aime tout le monde ! On oubliera aussi le fameux « Tel maître, tel chien », cet adage idiot qui a fait culpabiliser plus d'un propriétaire de toutou, persuadé d'être incapable d'éduquer son compagnon. Vous l'aurez compris si vous avez lu mon article jusqu'ici : les choses sont un peu plus compliquées que cela...
Si le Staffie n'est pas toujours le plus doué en matière de communication interspécifique, il est cependant un grand amoureux de l'espèce humaine (ce qui ne signifie pas qu'il doit tout tolérer de votre part ou de celle de vos enfants...), à tel point qu'il est souvent très mauvais chien de garde (il aime tous les bipèdes !). Pour conclure, s'il y a une certitude que l'on peut avoir au sujet du Staffie, c'est celle-ci : choisir de partager sa vie avec lui, c'est s'assurer l'amitié inconditionnelle d'un petit toutou au cœur énorme !
Elsa Weiss / Cynopolis
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