13/03/2025
Un article fort bien documenté par plusieurs vétérinaires sur la stérilisation des chiens. A partager à tous vos contacts!
Evolutions dans la pratique de la castration et stérilisation chez le chien
mars 2, 2025
Victoria
En tant que vétérinaire, il est crucial de rester à jour avec les dernières recherches et recommandations pour offrir les meilleurs soins à nos patients. En juin 2024, la World Small Animal Veterinary Association (WASAVA, ou en français l’Association Mondiale Vétérinaire des Petits Animaux) a publié un dossier sur la castration et la stérilisation des chiens, apportant de nouvelles perspectives sur cette pratique courante. Cet article explore ces recommandations, met en lumière les risques potentiels associés à ces interventions, et discute des alternatives disponibles pour les mitiger.
Recommandations de la WASAVA
La WASAVA souligne que la castration et la stérilisation doivent être considérées au cas par cas, plutôt que comme une procédure systématique pour tous les chiens. Cette approche individualisée prend en compte plusieurs facteurs, dont l’âge, la race, le mode de vie et la santé générale du chien. Le but est de maximiser les bénéfices pour chaque animal tout en minimisant les risques potentiels.
Définitions
Gonadectomie : consiste à retirer les glandes génitales qui produisent les gamètes et les hormones sexuelles ; chez les femelles il s’agit des ovaires, chez les mâles des testicules.
Stérilisation : suppression de la capacité de procréer, s’applique au mâle et à la femelle, ne nécessite pas forcement la castration.
Castration : ablation ou destruction d’un organe nécessaire à la reproduction (ovaires ou testicules).
Quels risques sont associés à la castration et à la stérilisation ?
Problèmes Orthopédiques
Dysplasie de la hanche et des coudes : Les études montrent une corrélation entre la gonadectomie précoce et une incidence accrue de dysplasie de la hanche et des coudes, surtout chez les grandes races.
Rupture du ligament croisé antérieur (LCA) : La castration surtout si elle est précoce (c’est-à-dire avant la fin de la croissance), peut également augmenter le risque de rupture du ligament croisé antérieur (LCA), une blessure grave nécessitant souvent une intervention chirurgicale coûteuse.
Cancer
Sarcome hémangioendothélial : Certaines races, comme le Golden Retriever, le Labrador Retriever et le Berger Allemand, présentent un risque accru de développer ce type de cancer après la castration.
Lymphome : Il existe une relation entre la castration et une incidence plus élevée de lymphome chez certaines races, notamment les Boxers, les Rottweilers et les Terriers Écossais.
Ostéosarcome : Ce cancer des os est plus fréquent chez les grandes races castrées précocement, comme les Dogues Allemands, les Léonbergs et les Rottweilers.
Mastocytome : Certaines études suggèrent que la castration peut augmenter le risque de mastocytome chez certaines races, notamment les Labradors et les Golden Retrievers.
Cancer de la prostate : Chez les mâles, bien que la castration réduise le risque d’hypertrophie bénigne de la prostate, elle semble légèrement augmenter le risque de cancer prostatique.
Troubles comportementaux
Agressivité et réactivité : Contrairement à la croyance populaire, la castration ne réduit pas l’agressivité ni la réactivité. Elle élimine uniquement les comportements liés à la reproduction.
Modifications cérébrales : Il a été démontré que l’absence d’hormones sexuelles entraîne des modifications neurologiques. La gonadectomie peut ainsi accroître les comportements peureux, agressifs et réactifs.
Anxiété et peur : Certains chiens castrés présentent une augmentation de l’anxiété et des comportements de peur.
Problèmes de prostate chez le mâle
Hypertrophie : Après la castration, certains mâles peuvent développer une hypertrophie de la prostate, cela peut parfois conduire à des problèmes urinaires tels que difficulté à uriner.
Une légère augmentation du risque de cancer de la prostate est constatée chez les chiens castrés.
Problèmes urinaires
Incontinence urinaire : Bien plus fréquente chez les femelles, l’incontinence urinaire peut affecter les chiens suite à la castration ou ovariectomie. Selon certaines études, une chienne sur cinq développera une incontinence urinaire après la castration, avec un risque accru avec l’âge du chien. Cela peut avoir un impact significatif sur la qualité de vie du chien ainsi que sur celle de sa famille.
Infections urinaires : Les chiens peuvent être plus prédisposés aux infections urinaires en raison de modifications hormonales affectant la réponse immunitaire (chez les femelles) ou des changements de la concentration des urines (chez les mâles).
Cystite : Une inflammation de la vessie (cystite) peut survenir chez les chiennes castrées.
Obésité
L’obésité est un problème courant chez les chiens castrés. Les facteurs contribuant sont les suivants :
Modification du métabolisme basal : réduction du métabolisme et besoin de moins de calories pour maintenir un poids corporel stable.
Changement de composition corporelle : les modifications hormonales peuvent favoriser la prise de poids, en particulier une augmentation de la masse grasse.
Modification du comportement alimentaire : une augmentation de l’appétit ou une tendance à manger plus sont observés chez certains chiens.
Activité : il est important de ne pas diminuer le niveau d’activité après la castration, cela peut contribuer à un bilan énergétique positif et à la prise de poids.
Autres maladies associées
La gonadectomie est également associée à une augmentation du risque de certaines maladies métaboliques et immunitaires :
Diabète : Une prédisposition accrue au diabète a été observée chez certains chiens stérilisés, possiblement en lien avec les changements hormonaux.
Hypothyroïdie : L’absence d’hormones sexuelles peut influencer le métabolisme thyroïdien, augmentant ainsi le risque d’hypothyroïdie.
Allergies : Des études suggèrent que la castration peut affecter la réponse immunitaire et favoriser l’apparition d’allergies.
Maladies auto-immunes : Certaines maladies auto-immunes, comme la polyarthrite ou les dermatites auto-immunes, pourraient être plus fréquentes chez les chiens stérilisés.
Conclusion
Personnellement, je prends la position qu’il ne faut pas castrer un chien ou une chienne en bonne santé si la personne peut être responsable (« RPO » selon la WSAVA – Responsible Pet Owner).
Aujourd’hui, nous devons sérieusement nous poser la question de l’éthique de cette pratique. En Scandinavie, la castration est considérée comme non éthique et n’est pratiquée que pour des raisons médicales avérées. Il est essentiel de se demander pourquoi une telle approche a été adoptée et quels enseignements nous pourrions en tirer pour améliorer le bien-être de nos animaux.
Les avantages de la stérilisation, avec ou sans gonadectomie
Contrôle de la population
Historiquement, la castration et la stérilisation ont été pratiquées principalement pour contrôler la population animale et éviter les portées non désirées. Ces interventions ont permis de limiter la prolifération des chiens errants et de réduire les abandons. Aujourd’hui, elles restent un outil de gestion efficace, bien que de plus en plus de réflexions émergent sur leurs implications à long terme pour la santé des animaux.
Réduction des risques de maladies reproductives
La gonadectomie réduit considérablement le risque de développer des maladies reproductives telles que les infections utérines (pyomètre chez les femelles) et certains maladies infectieuses chez les reproducteurs.
Réduction des comportements indésirables
Chez les mâles, la castration peut réduire la fuite en quête de partenaires.
Chez les femelles, la stérilisation peut prévenir les comportements liés aux chaleurs, tels que l’agitation, les tentatives d’évasion, et les vocalisations excessives, ainsi que les grossesses nerveuses.
Réduction des risques de certains cancers hormonodépendants
Avec la suppression des ovaires ou testicules, on élimine le risque de développer des cancers ovariens, ou testiculaire. La stérilisation peut, dans certains cas, réduire le risque des tumeurs mammaires ; cependant, pour bénéficier d’une réduction du risque, l’ovariectomie doit être réalisée avant la première chaleur, ce qui implique une intervention très précoce et augmente les risques mentionnés précédemment (orthopédiques, comportementaux et métaboliques).
Techniques de stérilisation de la chienne
Si toutefois vous souhaitez stériliser votre chien, il est essentiel de bien comprendre les différentes techniques disponibles ainsi que leurs avantages et inconvénients. Chaque méthode présente des implications spécifiques en matière de santé, de bien-être et de gestion des risques associés à la gonadectomie. Il est important de noter qu’il est contre-productif de pratiquer la stérilisation durant la croissance, car cela peut aggraver certains des risques évoqués précédemment, notamment sur le plan orthopédique, métabolique et comportemental.
Ovariectomie vs Ovariohystérectomie vs Hystérectomie pour les chiennes
La décision entre l’ovariectomie (retrait des ovaires) et l’ovariohystérectomie (retrait des ovaires et de l’utérus) ou l’hystérectomie (retraite seulement de l’utérus) nécessite une attention particulière :
Ovariectomie
Cette procédure retire uniquement les ovaires, stoppant la production d’hormones sexuelles. Elle est moins invasive, mais peut augmenter le risque de cancers comme le sarcome hémangioendothélial et l’incontinence urinaire due à la baisse des œstrogènes.
Ovariohystérectomie
Cette procédure retire à la fois les ovaires et l’utérus, éliminant ainsi les risques de pyomètre. Les implications hormonales sont similaires à celles de l’ovariectomie, avec des risques accrus de certains cancers et de troubles orthopédiques.
Hystérectomie (Ovary-Sparing Spay)
L’hystérectomie consiste à retirer l’utérus tout en laissant un ou les deux ovaires intacts. Cela maintient la production hormonale naturelle, réduisant les risques associés à la suppression des hormones tout en éliminant le risque de pyomètre.
Autres alternatives à la castration du chien
Pour atténuer les risques associés à la suppression des hormones, plusieurs alternatives à la gonadectomie sont disponibles :
Vasectomie pour les mâles
Une vasectomie coupe les canaux déférents, rendant le mâle stérile tout en conservant sa production hormonale. Cela permet de contrôler la population sans affecter les niveaux d’hormones sexuelles, réduisant ainsi les risques orthopédiques et de cancer.
Castration chimique et temporisée
Utiliser des méthodes non permanentes comme des injections ou des implants pour réduire temporairement la fertilité permet d’observer les effets avant de prendre une décision permanente.
Gestion Reproductive
Dans tous les cas, que l’animal soit entier, vasectomisé ou hystérectomies, une gestion stricte de la reproduction, comme la surveillance des cycles de chaleur et la prévention des accouplements accidentels, peut être une alternative viable à la stérilisation.
Conclusion
La castration et la stérilisation des chiens restent des interventions importantes dans la gestion de la population canine et la prévention de certaines maladies. Cependant, les nouvelles recommandations de la WASAVA nous rappellent l’importance d’une approche personnalisée et informée. En évaluant soigneusement les risques et les bénéfices pour chaque animal, et en considérant les alternatives disponibles, nous pouvons mieux servir nos patients canins et leurs propriétaires. La solution ne réside pas dans la gonadectomie de tous les chiens.
En tant que vétérinaires et propriétaires des animaux, nous devons continuer à nous éduquer et à adapter nos pratiques pour refléter les dernières recherches et recommandations. C’est ainsi que nous pouvons assurer la santé et le bien-être optimaux de nos compagnons à quatre pattes.