18/12/2025
BELGIQUE
« Des communes me disent qu’elles ne paieront jamais » : une clinique vétérinaire bruxelloise risque la faillite à force de sauver les animaux errants blessés.
Source RTL infos du 18/12/2025
Aujourd’hui, quand un animal est découvert blessé sur la voie publique en Région bruxelloise, c’est soit la police locale, soit les pompiers, via leur Animal Rescue Team, qui interviennent. Si son propriétaire n’est pas facilement et directement identifiable, il est emmené dans une des deux cliniques vétérinaires de la Région qui sont ouvertes 24h/24. « Là, ils vérifient si l’animal est pucé ou pas », explique le porte-parole des pompiers de Bruxelles, Walter Derieuw.
Alors que tous les animaux de compagnie sont censés être pucés car il s’agit d’une obligation légale en Belgique, « souvent, les animaux amenés par les pompiers ou la police n’ont pas de puce ou de puce enregistrée », déplore Patrick Vandervliet, hospital manager de la clinique vétérinaire Champ du Roi à Etterbeek, la plus centrale des deux. « Les soins, on doit les faire, mais si on veut être rémunérés, il nous faut avoir un destinataire de la facture éventuelle », explique-t-il.
Selon la loi en vigueur, ce sont les communes qui sont responsables en la matière. Les cliniques réclament donc « un réquisitoire de la police ou un fax d’intervention des pompiers », explique le responsable, car le lieu où l’animal a été trouvé, donc la commune concernée, y figure. Des procédures parfois longues qui immobilisent les services de secours un certain temps, comme cela nous a été dénoncé via notre bouton orange Alertez-nous.
"J’ai des communes qui me disent qu’elles ne paieront jamais" - Patrick Vandervliet, hospital manager de la clinique vétérinaire Champ du Roi à Etterbeek
Mais le véritable problème, selon Patrick Vandervliet, c’est que lorsque sa clinique facture les soins aux communes, toutes ne respecteraient pas leur obligation de rembourser. Seule la Ville de Bruxelles collabore parfaitement. « Nous avons trouvé avec elle un accord de tarification depuis un an. On pensait que ça allait inspirer d’autres communes mais il y en a au moins 15 qui posent problème », dénonce-t-il.
« C’est un bras de fer permanent et j’ai des communes qui me disent qu’elles ne paieront jamais sans ordonnance » qui les y oblige. « Elles se retranchent derrière le fait qu’elles ne nous ont pas choisi comme prestataire », explique le manager. « Il fut un temps où elles réglaient les factures sans se poser de question, mais le bien-être animal est devenu l’échevinat du pauvre. »
Déjà plus de 100.000€ jamais récupérés
Si la situation ne trouve pas de solution rapidement, « le risque, c’est qu’un jour on ferme les portes », prévient-il. Car sauver un animal blessé ou même l’euthanasier « représente des coûts extrêmement importants, notamment en médicaments » et en personnel. À titre d’exemple, si pour un humain, « un scanner coûte 70€ » grâce à la sécurité sociale, « il coûte entre 500 et 1.000€ pour un animal en fonction des zones scannées. »
Aujourd’hui, Patrick Vandervliet estime que la clinique vétérinaire Champ du Roi a déjà « offert plus de 100.000 € à titre gracieux. Je ne connais pas d’autres professions dans le même cas. Avant, il y avait 5 ou 6 cliniques 24/7 en Région bruxelloise mais les autres ont abandonné pour ça ».
Un projet de code de la Région bruxelloise est en cours… depuis des années
La solution est pourtant à portée de main, mais elle est politique. Un décret existe en effet déjà en Wallonie et en Flandre, qui impose aux communes la gestion des animaux blessés ou errants. Cela implique d’avoir un budget pour cela et de nouer des conventions avec des prestataires de soins. Les communes avancent l’argent nécessaire aux soins urgents et prennent ensuite à leur charge de répercuter ces factures sur leurs propriétaires. Mais à Bruxelles, « il y a un problème : on n’a pas de gouvernement » pour proposer et faire adopter une ordonnance similaire, dénonce le manager.
L’administration publique bruxelloise qui s’occupe du bien-être animal, Bruxelles Environnement, confirme qu’un projet de code animal, qui compilerait les futures ordonnances et arrêtés en la matière, a bien été entamé « il y a plusieurs années concernant la prise en charge des animaux domestiques », y compris ceux blessés. Mais il est toujours en cours.
« Des réunions de coordination sont fréquemment organisées via le programme Awibru qui vise justement à réunir autour de la table les acteurs liés au Bien-être animal au sein de la Région, en particulier les zones de police et les communes », assure Pascale Hourman, la porte-parole de Bruxelles Environnement. Une fois adopté, ce code tant attendu forcera chacune des 19 communes à « établir une procédure et la rendre publique, ce qui n’est pas le cas actuellement », détaille-t-elle.
Un accord provisoire pas encore trouvé non plus
En attendant, Bruxelles Environnement avait été interpellée par une des cliniques pour apporter une solution temporaire et a mis en place « un groupe de travail l’an passé, afin de faciliter la vie de tous les acteurs concernés par cette problématique et de clarifier le rôle de chacun » au travers d’un « accord-cadre ».
Celui-ci n’est cependant toujours pas finalisé et contient encore des zones d’ombre, comme qui sera réellement en charge du budget : « A priori, soit les zones de police, soit les communes seraient responsables du budget sur leur territoire », détaille Pascale Hourman.
Le problème, c’est qu’un accord-cadre n’a pas de valeur contraignante, comme souligne la porte-parole. « Libre à chaque commune ou zone de police d’y souscrire ou pas, à charge pour elle de mettre en place son propre système si elle le souhaite, sachant que certaines communes fonctionnent déjà de manière indépendante. »
Une tâche pour le ou la prochain(e) ministre
Voilà pourquoi « j’aimerais qu’il y ait un gouvernement et que ce code soit voté (…) pour que nous puissions, après soins, facturer le minimum vital pour la survie de la clinique », résume Patrick Vandervliet, qui estime le coût annuel d’une telle politique à « 300.000 à 400.000€ à l’échelon de toute la Région bruxelloise ».
À charge donc pour le ou la futur(e) ministre ou secrétaire d’État bruxellois(e) au Bien-être animal de régler le problème… si un gouvernement bruxellois voit finalement le jour.