07/03/2024
Il faut absolument cesser de justifier les abattages et les empoisonnements de chiens errants par une volonté d'assurer la santé publique. Il n' y a qu'une seule solution prouvée efficace pour éradiquer la rage et résoudre le problème de surpopulation canine : le TNVR. La Turquie et l'Inde l'ont mis en place: à quand le Maroc ?
Bientôt une traduction en arabe et anglais
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Chaque année, environ 140 000 chiens errants sont abattus, un nombre non négligeable qui pourtant, ne représente que 5% de la population canine errante estimée à 2 millions.
L’abattage des chiens errants, que celui-ci se fasse à la vue de tous au poison ou au fusil ou en catimini dans des fourrières, reste cruel. Ces chiens qui ne sont aucunement responsables de leur errance mais punis à cause d’elle meurent dans des conditions atroces : les plus chanceux y échappent ou meurent sur le coup, d’autres malheureux agonisent pendant des jours avant de mourir dans l’indifférence la plus complète. Ces méthodes sont de plus, inefficaces puisqu’elles consistent à vider un territoire de sa meute et ce, seulement temporairement. Celui-ci est vite repeuplé par de nouvelles meutes issues de milieux différents qui s’affrontent, très souvent par des morsures, ce qui constitue un risque accru de transmission de la rage. Les chiens voient aussi leur instinct de survie renforcé : pour compenser la perte de chiens adultes, ils feront des portées plus larges. Les refuges sont trop peu nombreux et très souvent saturés et demandent des budgets astronomiques pour fonctionner.
L’abattage et la création de refuges ne peuvent donc pas prétendre se substituer à des campagnes de stérilisations et de vaccinations. Le problème doit être résolu à la source par le biais de campagnes TNVR dans l’ensemble du royaume (Trap ou Capturer/ Neuter ou Stériliser/ Vaccinate ou Vacciner/ Release ou Relâcher) accompagnées de campagnes de sensibilisation. La stérilisation peut s’avérer plus coûteuse qu’une b***e ou un morceau de viande empoisonnée ; cependant sur le long terme, il s’agit d’un investissement judicieux. Par exemple, en 2017, 65000 personnes ont reçu une prophylaxie-post exposition à la suite d’un contact avec le virus ; la prise en charge d’un exposé coûte environ entre 400 et 1200 MAD, dépendant de la prise ou non d’immunoglobulines : cela fait un budget d’environ 28 millions de MAD par an en moyenne dédié uniquement aux vaccinations antirabiques. La stérilisation permet en outre d’assurer la stabilité de la couverture qui doit être au minimum de 70% pour éradiquer la maladie. Par ailleurs, une chienne peut avoir une vingtaine de chiots par an : la stérilisation chirurgicale est le moyen permanent le plus efficace pour contrôler la population canine. De plus, la stérilisation peut limiter voire éliminer les comportements agressifs liés à la reproduction : le besoin de défendre sa portée, les bagarres entre mâles non-castrés, … Les chiens bouclés, c’est-à-dire stérilisés, vaccinés et identifiés, agissent comme de véritables agents sanitaires qui empêchent d’autres meutes, potentiellement porteuses de zoonoses, de s’installer dans leur territoire : leur présence est absolument indispensable à l’éradication de la rage.
La rage au Maroc est causée, dans 94% des cas par des contacts avec des chiens. Il convient également de noter que la quasi-totalité des morsures de chiens résultent de provocations, d’agressions ou de comportements inadaptés souvent liés à une incompréhension entre le chien et l’humain. En apprenant aux populations à risque, notamment les enfants de moins de 15 ans, comment se comporter avec les chiens, le nombre de morsures, ainsi que le taux de transmission de la rage, peuvent être grandement réduits.
Les événements de cette semaine ne représentent malheureusement pas des cas isolés et reflètent bien la mauvaise gestion de la population canine errante et ce, depuis plus d’un siècle : en 1913, le protectorat français au Maroc mettait déjà en place une brigade destinée à capturer les chiens errants suspects d’être porteurs de la rage. Aujourd’hui, en 2022, la rage persiste au Maroc, révélant ainsi l’inefficacité des méthodes archaïques utilisées jusqu’à ce jour, avec une vingtaine de morts humaines chaque année recensées dans les structures sanitaires, nombre cependant sous-estimé à cause d’un manque de sensibilisation à la maladie et de mauvais diagnostics de cas de rage paralytique. Le programme national de lutte contre la rage de 2017 espère éradiquer la rage au Maroc d’ici 2025 ; cet objectif semble irréaliste au vu des mesures prises actuellement. La gestion de la surpopulation canine et de la rage ne pourra se faire qu’à travers des initiatives de TNVR à l’échelle gouvernementale et des changements de comportements de la population.
Stériliser et vacciner, ne serait-ce qu’un chien, constitue un pas en avant vers l’éradication de la rage au Maroc et une cohabitation harmonieuse entre les humains et les chiens : il est primordial de participer et d’encourager les initiatives dans ce sens. Il est également vital de sensibiliser les populations les plus vulnérables au respect de l’animal, aux bons comportements à adopter et aux précautions à prendre en cas de contact avec le virus. Plus encore, il faut militer, auprès de nos élus, pour l’expansion du TNVR dans tout le pays pour un Maroc sans rage et dénoncer ces tueries qui ne sont qu’un moyen de réduire au silence les plaintes des citoyens.
Vers une gestion à la fois humaine et efficace de nos chiens errants,
Pas touche à mon chien beldi
Sources :
1. Archives Nationales du Maroc, Fonds A 1398, Lettre du 27 octobre 1913 de l'Administrateur, Chef des Services Municipaux à Monsieur le Commissaire Résident général de la République francaise au Maroc sur les mesures d'hygiènes prises par la municipalité, p. 1 & 2.
2. Darkaoui S. Lutte contre la rage au Maroc : opportunité d’amélioration et perspective pour une nouvelle stratégie. Doctorat National, Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II, Rabat, Maroc, 2017.
3. Leung, T., & Davis, S. A. (2017). Rabies Vaccination Targets for Stray Dog Populations. Frontiers in veterinary science, 4, 52. https://doi.org/10.3389/fvets.2017.00052
4. Smith, L. M., Hartmann, S., Munteanu, A. M., Dalla Villa, P., Quinnell, R. J., & Collins, L. M. (2019). The Effectiveness of Dog Population Management: A Systematic Review. Animals: an open access journal from MDPI, 9(12), 1020. https://doi.org/10.3390/ani9121020
5. Tligui, N., Bouziani, N., Khayli, M. & Fassi-Fihri, O. Epidémiologie de la rage au Maroc et programmes de lutte contre la maladie. Bulletin de l’Académie Vétérinaire de France, 173-1, pp 111-116, 2020.