22/01/2024
Au moment où j'écris ces quelques lignes, donc plusieurs semaines avant que cette publication ne soit postée, je reviens d'une balade avec Shani. Il pleut, nous avons fini la promenade sous le crachin. La longe est humide, mes doigts glissent un peu. Je revois la scène et je me pose la question : « qu'a-t-on pu penser de moi ? » D'ordinaire, je suis détachée de toutes ces considérations, du regard d'autrui, alors que le comportement d'une de mes chiennes prêterait à un commentaire désagréable. Mais pas aujourd'hui. La faute à la fatigue, probablement.
C'est la première fois que Shani déclenche aussi fortement contre un congénère depuis des semaines. Pendant la balade pourtant, tout se passait pour le mieux. Enfin, avant qu'elle ne se fasse peur en tombant à l'eau. A la suite de cet événement, elle était bien plus haute en émotion qu'elle ne l'est d'ordinaire. Elle n'arrivait pas à prendre des odeurs, à s'apaiser. Je l'ai senti et malgré mon aide, il lui a été impossible de redescendre totalement. Lorsque nous avons croisé un premier congénère, tout s'est bien passé. En revanche, un second chien derrière le premier est arrivé, bien plus grand, beaucoup plus tendu aussi. Et c'est à ce moment-là qu'elle a déclenché. Des aboiements en pagaille, un manque d'assurance visible face à ce chien qu'elle ne connaissait pas.
Sur le moment, j'ai avant tout pensé à elle et nous nous sommes éloignées. Pas de beaucoup mais suffisamment pour qu'elle reprenne son calme et qu'elle puisse observer le congénère de loin. Elle n'a pas réussi à lui tourner le dos, visiblement méfiante de ce chien dont elle a perçu la tension à plusieurs mètres. J'ai éprouvé de la culpabilité en premier lieu, parce que Shani ne s'est pas sentie en sécurité. Cette fois-ci, ce n'était pas une simple réactivité par frustration qu'elle pouvait parfois avoir auparavant, non ici c'était plus profond que ça. C'est aussi la raison pour laquelle la situation m'a autant atteinte. Avec le fait que sous n'importe quelle forme, sa réactivité s'était énormément apaisée depuis assez longtemps.
Je me suis surprise à penser que c'était fini, que ma chienne n'aurait jamais plus ce comportement, que tout ce travail fait à ses côtés lui avait permis de croiser des congénères sereinement. Sur un seul moment, de quelques secondes seulement, mes certitudes ont été ébranlées, le château de certitudes s'est effondré dans un ramdam assourdissant. Puis sont venus les doutes : « que va-t-on se dire si on voit que ma chienne réagit de cette façon ? Et si on sait que je suis professionnelle ? » Peu importe ce qu'on peut dire ou croire, les chiens d'un(e) professionnel(le) du comportement canin sont sa vitrine pour une personne lambda. Quelqu'un qui me croise dans la rue et qui voit Shani surréagir comme elle l'a fait cet après-midi ne fera probablement pas appel à moi.
Et pour être tout à fait honnête, après réflexion, ça me soulage de savoir que ce genre de personne ne me contactera pas. Car comme je l'écrivais hier à propos du livre de Susan Garrett et de sa définition du succès, ce ne sont pas mes compétences qui sont visibles à travers le comportement de ma chienne quand elle surréagit mais son état émotionnel sur le moment. Je ne fais pas peser mes succès personnels sur Osa ou Shani, quel poids ils représenteraient alors pour elles ! Non, au lieu de ça, me voici posée, devant l'ordinateur, à écrire ces quelques lignes, à vous dire aussi que les chutes les plus rudes sont celles qui se produisent alors qu'on n'était plus tombé(e) depuis longtemps. Je ne décrirai pas ce moment comme un raté, même si j'ai pu le penser, mais comme une invitation à l'humilité. Ce n'est pas parce qu'un comportement ne se produit pas pendant un certain temps qu'il ne peut pas ressurgir plus t**d et si c'est le cas, tout va bien, vraiment. Ce sont des choses qui arrivent, je vous le dis à vous autant que je me le suis répétée plus tôt : votre chien n'est pas parfait, il ne le sera jamais, et quand bien même vous observerez de beaux progrès, il y aura probablement parfois ce que vous penserez être des ratés dont vous tirerez des leçons. Tout ce qui compte, c'est que ces moments ne vous définissent pas, ni vous, ni votre chien.
© Toutougether - Nicoline Droogmans
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