30/04/2024
Quel avenir pour les animaux de cirque?
Il y a plus de trois ans, le Parlement français a voté la loi n° 2021-1539 du 30
novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le
lien entre les animaux et les hommes.
En vertu de cette loi, la présentation des animaux de cirques non domestiques
dans des spectacles itinérants sera interdite à partir de 2028. Pour que la loi
devienne applicable, des décrets d’application doivent être adoptés par le
gouvernement. Dans ce cadre, cela fait bientôt trois ans que syndicats de cirques
et associations rencontrent les autorités gouvernementales en vue de mettre en
œuvre la loi. On nous a récemment annoncé que le décret serait adopté
maintenant, au printemps, difficile de ne pas penser qu’il y a derrière cette
annonce des considérations électoralistes.
Or, en l’état des travaux en cours et des conditions tellement restrictives que l’on
veut imposer à notre profession, cela ne fait plus aucun doute, la seule solution
que le gouvernement envisage est le versement de primes à l’abandon sous
condition de placement des animaux dans des refuges, alors qu’une partie des
circassiens demandent à bénéficier d’un véritable accompagnement de transition
pour garder leurs animaux. La loi n’établit des interdictions que pour les
spectacles itinérants.
Surtout que les solutions d’accueil de nos compagnons de vie, la seule voie
aujourd’hui, en fait, proposée par le gouvernement, est totalement impossible et
inenvisageable à mettre en œuvre.
Il est, en effet, d’abord apparu, après le vote de la loi, sans sérieuses études
d’impact effectuées au préalable, qu’il n’y avait pas assez de places dans les
refuges animaliers de notre pays pour accueillir nos animaux, peut-être même
pas 10 %, puisque pour 1835 animaux de la faune sauvage référencés dans le
fichier dédié conçu par l’Etat, il existe à ce jour à peine 150 places en refuges.
De même, il n’existe pas assez de personnels dument formés pour en assurer
leurs soins. En France, pour détenir des animaux non domestiques, il faut être
titulaire d’un diplôme d’Etat de capacitaire, quasiment seuls les personnels de
cirque détiennent ce diplôme qui nécessite une connaissance intime de ces
animaux que l’on n'acquiert qu’après des années de vie commune à leurs côtés.
Ensuite, malgré l’importance des subventions publiques et des dons populaires
que reçoivent les refuges, la question de la pérennité de ces derniers se pose
néanmoins toujours constamment au regard des moyens très importants
nécessaires pour la construction et l’entretien de structures fixes d’accueil,
rémunérer le personnel, nourrir les animaux et leur dispenser les soins
vétérinaires, si l’on n’évoque que les seules conditions matérielles. Car si l’on
songe à la dimension psychologique et affective que revêt un acte d’abandon à
de tels refuges, nous ne pouvons qu’être pessimistes et déchirés. Séparés de leur
soigneurs, privés d’une vie animée et de leur famille, les animaux ne s’en
remettent quasiment jamais et ne survivent pas longtemps dans les refuges,
quand avec nous ils vivent de longues années. Nos animaux ne sont pas des
objets, ils sont des membres à part entière de la famille circassienne qui vit et
s’exprime sur les routes du divertissement et du merveilleux de la communion
entre les hommes et les animaux.
Adopter ce décret d’application dans sa rédaction actuelle pose ainsi la question
à laquelle il n’est pas répondu : que vont devenir les animaux de cirque dans un
tel contexte de carences béantes ?
Car il faut bien voir aussi que, dès à présent, les municipalités rejettent tous les
cirques présentant des animaux, même des animaux domestiques qui ne sont
pourtant pas concernés par cette loi. La situation s’explique, bien sûr, beaucoup
par la pression qui a été mise sur les édiles municipaux pour les convaincre que
partager une vie de spectacle avec les animaux, c’est mal. La quasi-totalité des
communes de France refusent ainsi désormais d’accueillir les cirques
traditionnels avec animaux dans leurs villes alors que quand les cirques
parviennent encore à y installer leur chapiteau, le public répond toujours
présent !
Comment les professionnels du cirque pourront-ils continuer à nourrir et à
soigner leurs animaux sans pouvoir exercer leur profession, qui est légale
jusqu’en 2028, avec des maires qui ne veulent rien entendre malgré une
circulaire du gouvernement précisant que notre profession est toujours
autorisée ?
Nous avons proposé, comme la nouvelle législation le permet, de créer des
cirques fixes qui seraient des autorefuges, dotés d’un statut équivalent à celui
des refuges animaliers. Les revenus tirés du spectacle permettraient, à terme,
d’assurer la pérennité financière des structures d’accueil, soit une meilleure
garantie que ce qu’offrent les refuges animaliers, sans mépriser l’engagement de
ces derniers, nous savons l’amour qui les animent. Dans les autorefuges, les
animaux ne seraient pas séparés de leur famille et garderaient la vie active et
partagée qu’ils ont toujours connue. Comme nous démarrons de zéro, ce que
nous acceptons de faire, non sans difficultés, pour le bien de nos animaux et la
survie de nos entreprises, nous avons besoin d’un accompagnement de transition
véritablement digne de ce nom. Avec la possibilité d’obtenir des prêts d’Etat
pour financer les structures sédentaires et les mêmes conditions de statut qu’un
refuge animalier, sans discrimination.
Mais aujourd’hui, on en est très loin, et nous ne voyons donc plus quel avenir
offrir à nos animaux.
Où est le bien-être animal voulu par la nouvelle législation ?
Adoptée sans aucune étude préalable, cette loi est bien mal nommée au regard
des conséquences qu’elle a entrainée pour les animaux de cirque.
Notre syndicat rejette le décret rédigé sous la forme actuelle et invite l’opinion
publique et nos élus à interpeller le gouvernement sur ce sujet.
William Kerwich
Président du syndicat des capacitaires d’animaux de cirque et spectacle
Expert animalier auprès du ministère de l’écologie
Membre de la commission faune sauvage captive auprès du ministère de
l’écologie