07/07/2022
Lettre de IBOO à son adoptant :
Moi, c’est IBOO, le chiot borgne aux oreilles asymétriques. Je reviens de l’enfer, j’ai été brulé au troisième degré sur le corps, ma peau a fondu. Je n’avais que quatre mois, et j’ai connu dans le huis clos d’un appartement de Marseille l’humain sous son jour le plus sombre.
F.r.a.p.p.é, m.u.t.i.l.é, brûlé, et quand je n’ai plus réagi, que ce n’était plus drôle et il m’a jeté aux ordures, comme un déchet, un jouet qui n’aurait plus de batterie.
Sauf que moi, je vis, je ressens, j’aime, je suis chien, j’ai des émotions et ce que j’ai subi est indigne et je perçois qu’il y a autre choses : des odeurs, des arbres, des campagnes, des gamelles, des paniers , des caresses …
Des effluves d’amour, moi IBOO, j’en ai besoin pour cicatriser, et pas seulement sur le corps, mais aussi dans mon cœur.
Je suis handicapé, les poils ne repousseront pas, et j'ai un œil unique certes, mais qui veut découvrir.
Mais moi, IBOO, j’ai peur, que ça recommence : je ne supporte pas la solitude et j’ai tendance à être destructeur.
C’est la double peine : et celle de la souffrance passée et celle de la vie qui s’ouvre, oblitérée, hypothéquée par mon passé.
Mais moi, IBOO, je promets de belles choses à qui saura me comprendre, m’accepter, à qui aura la patience de m’aimer.
Ce sera une revanche sur l’adversité, menée à deux, mon humain et moi, main dans la patte pour la vie, pour dire à celui qui est incarcéré que non, il ne m’a pas détruit, qu’un véritable maître va restaurer ma confiance, cicatriser les blessures de mon cœur, qu’il va le faire pour moi, pour inverser mes débuts ténébreux, et pas à pas, petit à petit, m’amener vers le bonheur.
Un humain qui m’accompagnera, que j’accompagnerai et qui puisera dans le regard de mon œil unique de la joie et le réconfort de la gratitude.
Moi le chien cabossé et borgne au dos nu j’ai droit à une nouvelle vie, près de celui qui saura me guider, me protéger, me comprendre, m’apprendre, me cajoler plus qu’un autre, ne pas me gronder, ne pas crier, m’offrir une chance d’être heureux.
Et cet humain-là, je sais qu’il existe, le vent tourne, l’un a voulu me t.o.r.t.u.r.e.r et me t.u.e.r, un autre saura me sauver.
J’y crois : il parait que je viens d’être adopté.
📷: Isabelle Gharbi-Terrin
Nicole Quichot