25/08/2022
Récemment, je suis tombée sur une story d’une ancienne stagiaire qui mettait en avant la pet sitter qui prend en charge son chien.
Je suis toujours intéressée par la connaissance des pro qui s’installent sur le territoire où je travaille. Cela permet de construire des réseaux et donnent aussi des solutions pour des demandes de clients.
je pose donc quelques questions à son sujet pour avoir des informations supplémentaires. Et là, quelle ne fût pas ma surprise d’apprendre qu’en fait de pet sitter, il s’agissait finalement d’une particulière qui fait de la garde à domicile ou en pet sitting, sans aucune formation, et en s’asseyant allègrement sur les conditions légales d’exercice.
Que la garde d’animaux soit investie par des particuliers pour arrondir leurs fins de mois, j’aurais tendance à dire que cela fait partie du décor. Je ne le cautionne pas, mais dans la mesure où les pro et les non pro ne proposent pas le même service en termes de qualité et de sécurité, que les clients sont au courant, ils choisissent en leur âme et conscience.
En revanche, qu’un-e non pro s’affuble de tous les outils de communication pour proposer un service décrit comme en tout point identique à ce que pourrait offrir un-e profesionnel-le, j’avoue que cela m’a surprise (j’ai presque étais admirative du courage à se tenir bien droite face à l’URSAFF, aux syndicats pro et autres possibilités de dénonciations…) et aussi particulièrement agacée.
Et ça, c’était un sentiment nouveau à ce sujet pour moi.
Je suis présidente de l’association Qualipet Sitting qui vise à promouvoir une charte qualité dans le domaine du pet sitting, et à proposer un référentiel commun à ce métier qui est un peu laisser en pâture à tout et n’importe quoi : des particuliers qui font ça pour finir le mois, des pros non formés au pet sitting qui pensent que leurs compétences peuvent se transférer sans mal à une pratique pro, des géants internet qui proposent des plateformes de mise en relation entre particuliers pour un service payant, se jouant de la règlementation sans que cela ne perturbe le moins du monde l’Etat ou les syndicats pro…
Je suis également formatrice de futurs pet sitter, éducateurs-traces canin, consultant-e-s en comportement canin et félin (Agricampus 40 - Cfppa des landes Cercle Canin de l'Entre Deux mers).
Je ne cesse de tenir un discours clair sur la nécessité de travailler son éthique à l’égard des animaux et des clients. Dans des domaines professionnels qui ne sont pas règlementés, c’est aux professionnel-le-s eux mêmes de se forger des pratiques et des postures qui tendent à développer un métier respecté, respectable, cadré. C’est ce qui protège le pro lui-même, le client, et l’animal. En tout cas c’est l’idée.
Les pet sitter pro se débattent tous les jours avec un besoin de reconnaissance de leur métier, face aux clients, aux autres pros du secteur - comme si le pet sitting était la dernière roue du carrosse, ce job que n’importe qui peut faire après tout - à leurs syndicats qui lorsqu’ils ne les oublient pas tout simplement, ont bien du mal à les intégrer dans leurs plans d’action. Tous les jours il faut lutter contre la tentation de lâcher l’affaire parce que la concurrence est de plus en plus rude, des offres toujours plus basses impliquant une guerre des prix qui devient ridicule, la nécessité de faire toujours plus d’heures pour avoir un chiffre d’affaires décent. La seule arme qui reste pour se démarquer des non pro, c’est le savoir-faire, les compétences acquises d’expérience ou par la formation, toujours travaillées, et mises à jour.
Alors, oui, j’ai été agacée, par cette particulière qui a son compte insta, ciblée pet sitting, ses posts de « pros » son discours rodé de présentation pour la pension familiale qu’elle propose ou le pet sitting « de qualité ». Les photos de chiens bien choisies, de chats, les stories qui vantent le service... Les tarifs de pros également qu’elle propose.
Le beurre, et l’argent du beurre. Et la crémière n’est pas loin.
Oui, j’ai été agacée que cette ancienne stagiaire mette en avant sa « pensionneuse, pet-sitter » : « parce qu’elle fait un super boulot » et parce qu’elle voulait l’aider à se lancer.
Mais d’où c’est possible que le métier de pet sitter soit si peu valorisé qu’un particulier peut se permettre de faire ça, d’être mis en avant sur un compte de pro d'une des ses clientes, sans que cela ne choque aucune des 2 ?
Pire : que ce soit mes questions qui soient choquantes ? Parce qu’évidemment, j’ai contacté la « pet sitter » pour avoir des infos. Aucun souci à faire du travail non déclaré, sous couvert d’une méconnaissance crasse du domaine d’activité et de ses obligations, une peu de naïveté aussi, et clairement un cynisme accompli.
Pour rappel, pet sitter, c’est un métier avec des obligations minimales
- détenir l’ACACED, délivrée par la préfecture du lieu d’exercice
- une assurance pro
- un numéro siret
C’est donc, un investissement financier (l’ACACED et éventuellement la formation non obligatoire mais de plus en plus choisie par nombre de professionnel-le-s), le matériel nécessaire à l’exercice des services proposés, la communication, des frais de gestion inhérents à toute activité de service. Ce sont aussi des charges Urssaf, assurance. Bref, être un pro, avant de rapporter, ça coute.
Que ce soit en activité principale ou secondaire (nombre d’éducateurs canins et consultant en comportement félin font du pet sitting) la relation à la clientèle a été travaillée, questionnée, cadrée et encadrée. Il y a un ensemble de responsabilités et de devoirs propres aux métiers de service dont s’acquitte le professionnel.
Toutes choses sur lesquelles s’assoie littéralement le particulier qui propose ces services :
pour le pet sitting : aucune assurance en cas de problème au domicile ou avec l’animal ; aucun médiateur de justice non plus
pour les pensionnes : aucun respect des règles et règlementations dédiées à la pratique de la pension en termes de nuisances sonores, dégradations écologiques, recyclages des déchets organiques, gestion sanitaire, respect des protocoles sanitaires
pour le pet sitting et la pension : carences notables en termes de connaissances éthologiques sur la gestion d’une collectivité de chats ou de chiens
Alors oui, il y a de mauvais professionnels. Evidemment. Mais qu’il y ait de mauvais professionnels ne dédouane pas une pratique de non professionnel, surtout une qui s’affiche sans vergogne et chie littéralement sur les pros qui luttent tous les jours pour que l’on reconnaissent leur travail et qui essaient d’en vivre dignement.
Le comprendre, c’est déjà un premier pas. Le rappeler, c’est presqu’une nécessité. L’afficher, c’est le petit pas de plus qui manque tant au domaine des services en lien avec les animaux domestiques. Si nous, professionnel-le-s nous étions plus au clair avec notre éthique, le cadre de nos métiers, peut-être, je dis bien peut-être que nous aurions un peu plus de cette reconnaissance professionnelle et politique qui nous manque tant.
ps : au cas où cela effleure quelqu'un en lisant ces lignes, il n'est pas question, jamais, ici, d'entamer une travail de dénonciation de qui que ce soit. Je n'ai jamais pensé que cela serve à quoique ce soit. Il s'agit bien d'une réflexion sur ce que cela signifie de travailler en réseau, de la construction d'une éthique pro et sur le cadre des métiers que l'on souhaite
Poils&Love
Brunilde Ract-Madoux - Ethologue
Ma Pet-Sitter
Noémie Goury
Maudanimo Services - Comportementaliste Félin
Ruiz