13/12/2023
Une importance capitale !!
Quand on cherche du foin à volonté c'est qu'on tend déjà vers le bien être de son cheval.
Mais l'accès au foin n'est pas toujours disponible pour ceux "en bas de l'échelle" et ça peut vite devenir la catastrophe.
À l'élevage on fait toujours un tas par cheval, et deux ou trois de plus, et bien éloigné, ce qui permet d'être sûre que chaque cheval aura accès au foin
👉SOUFFRANCE ALIMENTAIRE : QUAND FRANCHIT ‘ON LE SEUIL ?
🎓 Aujourd'hui je suis en colère. Aujourd'hui je suis en colère parce que c'était la goutte d'eau qui a fait déborder le vase ! Aujourd'hui je suis en colère parce que je ne sais plus comment faire mon métier sans rencontrer de la douleur, sans écouter des propriétaires en pleurs, sans rencontrer de la résistance au changement, sans me battre contre des habitudes et des croyances, contre de l’herméticité de pensée…
🍲 Je vais vous raconter l'histoire d'une cliente, que l'on nommera pour le bien du récit PLUME. PLUME est une propriétaire investie qui possède une jolie jument d'un grand gabarit et qui a passé des années dans des écuries en hébergement traditionnel (box/paddock) mais toujours avec du foin à volonté. Sa jument ayant une pathologie de locomotion, il était plus que nécessaire qu’elle puisse bouger à loisir.
Elle a de plus en plus senti cette pression sociétale du cheval qui doit vivre en extérieur, elle a subi des remarques blessantes, insistantes, elle a fait le dos rond, elle a réfléchi, elle s’est documentée et elle a ensuite décidé, que pour le bien-être de sa jument, il valait mieux changer de mode d'hébergement.
🍀 Plume retourne toutes les hypothèses, part en chasse du lieu idéal, parcours des kilomètres des étoiles plein les yeux, se questionne, bouillonne, analyse et prend enfin sa décision : sa jument ira dans un beau paradis avec équipistes (cela aurait pu être une pension pré classique ou tout autre hébergement, là n'est pas l'objet du post). Elle pourra vivre avec des congénères et s’éclater !
Alors bon, s’éclater c’est bien ce qui s’est passé ! La jument a été intégrée dans 1 troupeau de 18 équidés, et elle a très mal vécu ce changement.
Passer d'une situation ou l'humain décide de tout à une situation où elle doit se prendre en charge et devenir autonome c’est loin d’être évident ! Il a fallu apprendre à parler cheval, éviter les conflits et les coups/morsures, se faire une place. Tout cela prend du temps et peut être plus ou moins compliqué selon chaque cheval. Sauf que la réalité sur le terrain est beaucoup plus complexe que cela.
Dans cette écurie pour 18 équidés, 2 râteliers à foin de 8 places sont à disposition !!! Comment espérer une quelconque intégration quand le simple fait de devoir manger est un enjeu de survie au quotidien ! Et bien entendu quand un des râteliers est vide on attend que le 2ème soit vide aussi avant de remettre une botte. Ce qui fait que par moment il n'y a plus qu’un seul râtelier en fonction pour 18 équidés.
La jument de PLUME a donc perdu du poids. Au début, PLUME met cela sur le compte du changement d'environnement, avec une vie H24 dehors. De plus, c’est un grand gabarit donc tout à fait plausible qu’elle puisse avoir du mal à s’adapter.
PLUME se pose de plus en plus de questions, elle observe des scènes d’agacement entre chevaux, des « chaises musicales » fréquentes autour des râteliers avec des chevaux faisant clairement de la protection de ressources.
Elle en parle à l’équipe de gestion, aux autres pensionnaires mais se fait rabrouer : nul besoin selon eux de point de foin supplémentaire, elle se fait traiter de propriétaire « casse pieds », elle s’isole et s’enferme dans son silence. Et pourtant certains chevaux ce cette écurie ont besoin de 8L d’aliment/jour pour rester en état, ce qui veut bien dire que la quantité de foin qu’ils ingèrent n’est pas suffisante.
Elle m’appelle pour recueillir mon avis sur la question et comprendre pour quelles raisons sa jument maigrit (alors que sur le plan nutritionnel elle est suivie). Et quand la première chose que je lui demande c’est : a-t-elle accès tout le temps au râtelier ? combien de points de foin pour combien de chevaux ? Elle s’effondre en larmes et s’aperçoit que toutes ses hypothèses étaient donc bonnes, que les gens l’ont traitée de f***e alors que c’est elle qui avait la bonne intuition…
Le fait d’être confortée vient de la mettre sur un nouveau chemin : celui de trouver un nouveau lieu où le fourrage sera réellement distribué en continu et ce 14-16h/jour.
🍀QUE RETENIR DE CETTE HISTOIRE ?
Le budget temps d’un cheval c’est de manger 14-16h/jour. Avant de choisir un lieu d’hébergement il faut surtout veiller à ce que ce budget temps soit possible.
Virtuellement avoir du foin visible en permanence n’en fait pas une réalité de consommation pour chaque cheval. Si un cheval se fait chasser du râtelier plusieurs heures/jour il passe forcément plus de 4h l’estomac vide.
S’il ne mange pas ses 14-16h/jour, il n’avale pas les calories nécessaires pour rester en état suffisant au foin seul et donc une ration devient nécessaire. Et si le nombre de points de foin n’est pas suffisant cela génère, en plus de la restriction calorique, du stress comportemental.
En box c'est encore pire car la plupart du temps les rations de foin nécessaires pour être à volonté sont très volumineuses et que visuellement avec un gros tas de foin on a déjà l'impression d'en mettre beaucoup.
Quand comprendra-t-on qu’aujourd’hui une grande partie des rations que l’on donne ne servent qu’à compenser un stress (le stress fait brûler des calories) ? Quand allons-nous ouvrir les yeux sur ce fond de souffrance alimentaire ?
Tous les jours je me dis que le monde change, mais tous les jours j’écoute aussi, le cœur meurtri, ces récits personnels de propriétaires démunis devant cette montagne d’individus aux pensées fermées…
EDIT: l'idée du post n'est pas d'opposer propriétaires et gérants de structures, hébergement en box ou dehors. Je suis la première à mettre en avant les systèmes d'hébergement en extérieur pour favoriser le mouvement, la socialisation et une alimentation au plus proche des besoins. L'objet est de remettre la connaissance et l'observation au coeur des pratiques. Je vois de la souffrance alimentaire dans tous types de structures équestres et c'est bien avant tout une affaire de remise en cause des pratiques.
Côté gérant, il faut aussi se dire que les demandes des propriétaires sont parfois tellement saugrenues que des réponses d'opposition sont faites de manière systématique. Tout est question de communication et d'objectifs clairs de part et d'autre de la table. Dire ce que l'on veut et ce que l'on ne veut pas, dire ce que l'on peut ou ne peut pas faire. Demander des précisions quand il y a du flou, argumenter quand il faut aider.
C'est pour cela qu'avec EquiBEE nous formons tous les ans de plus en plus de gérants de structures (et de particuliers aussi) à créer des lieux où la communication entre espèces et à l'intérieur de l'espèce est une base. L'écologie personnelle du gérant est aussi un paramètre à prendre en compte. Mais le travail d'un gérant de pension est avant tout de fournir une alimentation adaptée à la physiologie de l'espèce. Tout le reste peut être discuté, mais pas le fourrage en quantité adaptée à chacun.