02/06/2022
il n'y a pas des "méthode miracles" !
il y a les lois de l'apprentissage, les divers types de conditionnement, les renforcements, la patience, la complicité, la sécurité, ... et avec ca , tout va bien pour le monde canin.
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LES ÉDUCATEURS AUX « MÉTHODES MIRACLE »
Je me suis installée en tant qu’éducatrice canin en 2015, et j’ai exercé mon métier avec passion pendant six ans, avant de me tourner vers une autre voie. Je ne propose plus aujourd’hui de séances d’éducation, ayant décidé de me consacrer à mon travail de bergère et aux formations. Cependant, je reste bien entendu en contact avec le monde (pas toujours rose) de l’éducation et du comportement canins, car je continue de dispenser des enseignements à ce sujet, et aussi tout simplement parce que j’y porte encore beaucoup d’intérêt, à titre personnel. Je constate avec joie que les sciences du comportement et de l’apprentissage ont fait un immense bond en avant ces dix dernières années, et qu’elles sont dispensées par de nombreux éducateurs canins à l’heure actuelle, pour le bien-être des animaux et celui de leurs propriétaires. Avec regret cette fois, je remarque aussi que certains professionnels y sont encore entièrement réfractaires, ou alors, ne connaissent même pas leur existence, ce qui fait des ravages sur les animaux dans les deux cas. Ce sont les éducateurs aux « méthodes miracle ».
Ces éducateurs, souvent des hommes (n’y voyez aucun sexisme de ma part, il s’agit d’une constatation) semblent avoir un problème avec l’autorité. Peut-être notre société actuelle ne leur offre-t-elle plus la possibilité d’étaler leur virilité aux yeux du monde (peut-être devrait-on militer pour le retour des joutes médiévales !), mais ils semblent avoir trouvé la solution à ce problème en soumettant à leur volonté les chiens qui passent entre leurs mains. Bien sûr, ils s’exposent de préférence avec des chiens puissants (un petit Shih Tzu en bout de laisse, c’est trop la honte), souvent des bergers, qui apprennent vite et constituent une belle « vitrine » pour les soi-disant professionnels qu’ils sont. Bizarrement, on ne les croise jamais avec un Anglo-Français, un Griffon Vendéen ou d’autres races avec lesquelles il est beaucoup plus difficile d’obtenir un rappel en un claquement de doigts ou une marche au pied militaire. Ces éducateurs veulent des chiens totalement sous contrôle, pas des animaux qui expriment les besoins propres à leur espèce, manquerait plus que ça, tiens !
L’éducateur aux « méthodes miracle » est réfractaire aux sciences de l’apprentissage. Souvent, il ne sait même pas que l’apprentissage dépend de lois scientifiques. Après tout, on s’en fout, parce que sur TF1 ou sur YouTube, c’est pas vendeur, la science. « L’éducateur » est donc contre l’apprentissage lié à la récompense (« acheter » son chien avec une croquette ? C’est pour les fragiles), contre les méthodes douces, contre le besoin de temps nécessaire à l’animal pour assimiler un nouveau comportement. Lui, il est efficace et va vite. Il ne met pas trois mois pour rééduquer un chien réactif : en deux séances, c’est plié. Le pire, c’est que souvent, les propriétaires sont enchantés (au début), et ont l’impression qu’il s’est produit un petit miracle et que leur chien, de chrysalide ingrate, s’est changé en un joli papillon. Quand ses ailes se flétrissent au bout de quelques semaines, ils déchantent.
Il est facile d’éteindre un comportement. Mais il y a plusieurs façons de le faire, certaines sont éthiques et durables, d’autres sont catastrophiques pour l’état mental de l’animal et souvent éphémères. Prenons l’exemple d’un Malinois qui agresse les passants (l’exemple n’est pas choisi au hasard, ce type de chien servant malheureusement souvent de faire-valoir à ces éducateurs « magiciens ») : vous obtiendrez très rapidement une extinction de ce comportement d’agression en faisant mal au chien chaque fois qu’il se déclenchera (secousses violentes sur le collier, décharges électriques, coups de laisse…), le chien cherchant naturellement à éviter une conséquence désagréable, comme tout être vivant sur cette planète. Très vite, votre chien n’osera plus exprimer le moindre comportement et vous aurez l’impression que sa conduite s’est nettement améliorée. Mais ses émotions, elles, seront toujours présentes. S’il agressait par peur, il est probable que désormais, si quelqu’un s’approche, il passe directement à la morsure, ayant appris qu’il n’a pas le droit de « prévenir ». Si ce n’est pas le cas, il exprimera son mal être d’une autre façon, par exemple en développant des TOC. Bridez un comportement lié à une forte émotion, et il s’exprimera inévitablement d’une autre manière : le stress, l’anxiété, la peur, seront toujours présents, et ne disparaîtront pas en un coup de collier étrangleur (ou plusieurs).
Travailler avec un éducateur aux méthodes éthologiques, c’est parfois plus long. Cela peut prendre des mois. Parce que c’est le temps qu’il faut pour changer une émotion négative en une émotion plus positive. Il y a des moments de découragement, de doute. Les progrès se font petit pas par petit pas. Le coup de collier, on a parfois envie de le mettre, parce qu’on se dit que tout cela pourrait être réglé en une séance. Mais ce serait reculer pour mieux sauter. On aurait l’impression de régler le problème, et on se rendrait compte par la suite des dégâts psychologiques causés sur l’animal par ces gestes violents. Je me demande souvent pourquoi le chien (et le cheval) sont les victimes de ce besoin de contrôle de l’être humain sur l’animal. Bien d’autres espèces subissent de la maltraitance, mais il n’y a que le chien qui subit nos frustrations chaque jour qui passe, et qui, s’il n’est pas transformé en « chiffe molle », n’est pas considéré comme un « bon chien ».
Ne vous laissez pas berner par ces éducateurs « magiciens ». Sachez lire entre les lignes, et dites-vous que plus la personne en question étale sa vie, se dit « spécialiste » de tel ou tel domaine, bref, cherche à impressionner le public, plus il y a de chances que vous ayez affaire à ce genre de charlatan. Méfiez-vous aussi des avis élogieux laissés par sa communauté crédule et adepte des « J’en ai pris des tartes moi, quand j’étais gosse, ça m’a jamais tué » (ou plutôt « Jen é pri dé tarte moi, kan j’été gosse, sa ma jamai tué » Deviendrais-je mauvaise langue ? Oui, et je l’assume, allez !). Ce n’est pas parce que cet éducateur publie des vidéos de chiens trèèès dangereux devenus doux comme des agneaux sur la vidéo suivante, qu’il est le mieux placé pour rééduquer votre animal. Petit scoop : nous, éducateurs dont les méthodes respectent l’intégrité de l’animal, avons affaire toutes les semaines à des chiens trèèès dangereux, des chiens qui ne rêvent que de nous arracher un morceau de mollet ou de nous envoyer six pieds sous terre. Nul besoin d’avoir des gros muscles ou des méthodes brutales pour les rééduquer.
Ouf, vous n’imaginez pas comme cet article m’a fait du bien ! Je ne l’ai pas écrit pour le plaisir de dénigrer, ni uniquement pour vider mon sac, mais avant tout pour ouvrir les yeux de certains propriétaires de toutous qui seraient tentés par une rééducation « musclée » de leur compagnon. Pensez qu’un traumatisme marque l’animal, et qu’il est très difficile de revenir en arrière après coup. Ces « professionnels » sont des showmen et n’ont « d’éducateur canin »que le nom. Si vous avez besoin d’aide avec votre chien, tournez-vous vers une personne formée, qui suit régulièrement des stages et met ses connaissances à jour régulièrement. La rééducation de Médor sera peut-être plus longue que vous ne l’auriez espéré, mais les fondations en seront solides et fiables. Sur quinze ans de vie canine, cela en vaut la peine, n’est-ce pas ?
Elsa Weiss / Cynopolis
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