24/08/2024
S’IL N’EN FAUT QU’UN, JE SERAI CELUI-LA : LA SACREE JOURNEE D’UN SPERMATOZOIDE
REFERENCE : Miller DJ « Review: The epic journey of s***m through the female reproductive tract publié dans la r***e Animal (2018), 12:S1, pp s110–s120 ».
MOTS-CLES : Insémination, Période de reproduction
Par une belle soirée d’été, je me suis retrouvé comme plusieurs millions (10 à 20) de mes copains au niveau du corps utérin, une charmante inséminatrice nous ayant fait franchir avec dextérité un col de 1ère catégorie. En d’autres temps, il m’est arrivé d’avoir été expulsé comme plusieurs milliards de mes compagnons d’infortune au niveau du vagin par un taureau à la libido affirmée. Pleins d’ardeur, je me suis aussi rapidement que possible extrait de cette piscine de mucus (100 ml) particulièrement acide pour attaquer un col de 1ère catégorie aux nombreux lacets glissants recouverts qu’ils étaient d’un mucus qui m’a cependant permis de progresser. Gare à ceux qui n’étaient pas assez entraînés, ils y ont subi l’attaque de neutrophiles et d’immunoglobulines.
Arrivé dans le corps utérin, mon voyage allait devoir se poursuivre durant 6 à 8 heures encore avant d’atteindre ma destination à savoir l’oviducte. Poussé vers l’avant par des contractions de l’utérus induites par des oestrogènes, il m’a cependant été possible de me reposer en me fixant aux cellules endométriales. Mais gare à ceux qui en ont trop profité, ils ont été éliminés par les neutrophiles. Une fois franchie la corne utérine, je n’étais pas au bout de mes peines. A son extrémité, la jonction uterotubaire, se trouvait un tunnel, un rétrécissement musculo-vasculaire. Ce fut pour beaucoup la fin du voyage d’autant qu’ils ne disposaient pas du mot de passe ADAM3, une protéine qui chez la souris devait leur permettre de le franchir. Dans l’isthme de l’oviducte, nombreux furent ceux qui furent entraînés vers l’utérus sous l’effet de contractions par la marée des sécrétions. Les plus chanceux se mirent à se débarrasser de leur casque (acrosome) pour continuer d’avancer vers l’ampoule de l’oviducte. La progression dans le brouillard plus ou moins épais de l’oviducte ne fut pas simple. J’ai cependant vite compris qu’il valait mieux se déplacer en groupes et le long des parois du tunnel pour économiser les mouvements de ma queue. Durant notre traversée, j’ai pu bénéficier des effets positifs sur ma capacitation, de différentes protéines, phospholipides et protéoglycanes. Plusieurs enzymes m’ont protégé des attaques des dérivés réactifs de l’oxygène (ROS). Ma mobilité et viabilité ont été renforcées par une protéine, l’oviductine (OVGP1) qui allait aussi m’aider à me fixer sur la membrane pellucide de ma bien-aimée. L’ostéopontine m’a par ailleurs évité de la féconder à plusieurs (polys***mie). Je passerai sous silence les autres produits dopants tels que les facteurs de croissance et les régulateurs métaboliques ou immunologiques impliqués dans mon développement mais aussi dans la fécondation et les premières étapes du développement de ma descendance.
L’oviducte a constitué une oasis au cours de mon voyage, un véritable réservoir. En adhérant à certaines cellules de ses parois (merci aux glycanes), ma durée de vie s’est trouvée prolongée et le transcriptome de ses cellules s’est trouvé modifié, l’effet étant différent pour les X et les Y. Cette fixation m’a permis par ailleurs de laisser la place nette (aseptique) pour le suivant à savoir l’embryon car elle a induit une réponse anti-inflammatoire par la synthèse d’interleukine, de TGF et de la PGE. J’ai ainsi évité de me faire bouffer par les PMN.
Mais assez rigolé, mon voyage n’est pas complètement terminé. Il m’a fallu rejoindre l’ampoule en me libérant de ce réservoir. Le mécanisme de cette libération demeure un mystère. Serait-elle induite par un facteur en provenance du liquide folliculaire ou du COC ? Résulterait-elle d’une hypermotilité soudainement acquise ? Serait-elle induite par des glycosidases ? Cette libération serait-elle continue ? On ne le sait pas encore.
Quoiqu’il en soit, je suis très content de voir les chercheurs s’intéresser à cette physiologie de l’oviducte. Des solutions pourraient être trouvées pour me permettre d’y séjourner plus longtemps et d’augmenter ainsi nos chances de perpétuer les espèces.