09/12/2024
Je n’ai heureusement jamais été confrontée à ce cas de figure. Je rencontre parfois des personnes qui se surprennent d’une émotion autre que la peur pour comprendre un comportement agonistique ou simplement une frustration. Il est évident qu’il faut s’assurer d’une bonne pédagogie afin de ne pas abuser de termes tels la jalousie, la rancune qui s’appliquent aux chiens mais pas toujours comme nous l’imaginons de première intention. C’est pour cela que nous sommes là. Pour vous guider dans l’observation fine de toutes ces émotions et humeurs que nos loulous peuvent vivre ♥️
LA CULTURE DU MENSONGE POUR LE BIEN DE TOUS ?
UNE POSTURE À VOMIR...
J’ai reçu ce week-end un message d’une professionnelle qui m’exprime son incompréhension quant au fait que j’écris que « le chien est autant capable de vengeance que d’amour, capable de jalousie et de désir, capable aussi d’entretenir une relation toxique avec la personne qui partage sa vie, capable de manipuler… ».
Je m’attendais, en la lisant, à ce qu’elle contredise mes propos et argumente. Mais non, à mon grand étonnement, elle me confie qu’elle pense exactement la même chose que moi, sauf qu’elle ne le dit pas à ses clients. Et si elle ne leur dit pas, c’est pour une bonne raison selon elle, c’est parce qu’elle a peur de la maltraitance ou de détruire la relation ténue qui existe entre le chien et son gardien. Alors, elle ne comprend pas que moi, sur une page aussi lue que la mienne, je me permette de tenir de tels propos.
En somme, elle ne me reproche pas de penser que le chien est capable d’en vouloir à son gardien, elle m’en veut de le dire.
Et elle précise évidemment, méthode de manipulation et de désinformation vieille comme le monde, qu’elle n’est pas la seule à le penser...
Alors, j’écris ici pour tout le monde.
M’exprimer publiquement n'est pas un problème.
Moi, ce qui m’effraie ce sont ses propos.
Je suis sidérée.
D’abord, le monde n’attend pas après moi ou après cette page pour savoir que le chien est un mammifère intelligent, et que le cerveau et la cognition des mammifères non humains ne sont pas différents des nôtres, et que par conséquent, les sentiments qu’ils éprouvent, qui leur font parfois adopter des conduites déviantes et objectivement critiquables, sont une réalité de cette intelligence justement. D'éminents éthologues comme M. Bekoff ou F. De Waal ou J. Goodall l’ont écrit avant moi. Je vous invite à les lire si ce n’est pas encore fait. Et des textes de portée internationale et scientifique comme la Déclaration de Cambridge (2012) ou celle de New York (2024) énoncent par exemple les capacités de plaisir, déplaisir, estime de soi, conscience, etc. et pointent du doigt l’habitude prise par les mammifères humains de sous-estimer les capacités cognitives des mammifères non humains, et de leur interdire l'accès à certains sentiments. Je précise que ces deux textes ont réuni des experts en neurosciences, psychologie, biologie évolutive, et un astrophysicien - Stephen Hawkins, excusez du peu - qui y ont inscrit l’existence d’une subjectivité et de l’expérience subjective par la conscience et la reconnaissance de soi et de sa propre existence, chez tous les mammifères humains ou pas. Et ce n'est qu'un infime condensé du contenu de ces deux déclarations.
Ensuite, je suis révoltée.
C’est peut-être la journaliste en moi qui crie au scandale, mais jamais de la vie je ne ferai de la rétention d’information ou affirmerai le contraire de ce que je pense profondément, juste pour contrôler le comportement ou la réaction d’un public. Jamais je ne mentirai sur les capacités cognitives du chien parce que je crois que certaines personnes ne sont pas prêtes à l’entendre. Si notre métier est d’accompagner, d’informer, et de sensibiliser alors nous devrions être capables d’aborder un sujet sensible de manière entendable et pédagogique pour le propriétaire, sans le juger, sans juger son chien. Nous devrions vulgariser et le préparer à entendre ce qu’il a besoin d’entendre : la réalité du monde intérieur de son chien.
Pourquoi ?
Parce que sinon son chien n’ira jamais mieux et les deux ne s’entendront jamais.
Tant que les sentiments profonds du chien ne sont pas compris par l’être qui l’a sous sa garde, jamais le chien n’accèdera au bien-être et à la paix. Il ne sera jamais disponible pour considérer son propriétaire comme un véritable ami, un parent, un gardien digne d'écoute, d'intérêt, de confiance.
Alors, infantiliser un particulier qui paie un professionnel pour obtenir de l’aide et sciemment, ne pas lui apporter notre véritable analyse, autrement dit, lui mentir parce qu'on pense qu'il n'est pas prêt, c’est agir comme les gouvernements avec leur peuple, d’une manière paternaliste et déresponsabilisante. C’est manipuler, contrôler l’opinion parce qu’on pense qu’elle est trop bête, avec en plus la croyance que c’est pour de bonnes raisons.
C’est inadmissible.
Cette professionnelle, aussi touchante soit-elle dans ce message qui transpire l’incompréhension et surtout l’inexpérience, me révolte parce qu’elle sous-entend qu’on est « bienveillant » quand on ment. Que parfois, pour le bien de tous, mieux vaut tenir des propos auxquels on n’adhère pas et laisser la vérité de côté. Transposez ça sur un enfant et son parent, avec son enseignant ou son pédopsychologue, et vous constaterez le résultat.
J’aurais été moins choquée si cette personne m’avait dit qu’elle ne pense pas une seconde que le chien soit capable de tout ça. En gros, aujourd’hui, on pense que le chien est intelligent et émotif et sensible et blablabla, mais d’une manière plutôt réductrice et manichéenne. Dès qu’on aborde le côté obscur du chien, on se voit opposer l’étendard de l’anthropomorphisme. Et là, c’est la fête de l’Humanité horrible et en perdition. Seuls les cruels humains sont capables de sentiments aussi bas… C’est un peu lassant mais c’est surtout un biais cognitif. Si l’on refuse au chien les capacités cognitives d’un humain, on les lui refuse toutes. Sinon, c’est une offense à sa cognition. Mais au moins, le débat existe (facilement démontable cela dit), et l’on peut en parler.
Mais là…
Ce postulat qu’il faut cacher l’information pour le bien du chien et de son gardien, me sidère.
Et venir me dire que je devrais me taire…
Je n’ai certainement pas quitté la censure régulière du monde du journalisme pour accepter ça ici.
Dans mon travail, j’essaie de comprendre le coeur de la relation qui unit mon client à son chien. Je ne travaille que pour ça… C’est tout ce qui m’intéresse… Transmettre à la personne à quel point son chien est complexe et passionnant, lui dire qu'il a des choses à exprimer qui peuvent être difficile à entendre, mais qu’il mérite d’être accepté comme il est, à condition évidemment de comprendre qui il est, et de ne pas l’enfermer dans une image polissée, et toujours indigne de lui. Tant de relations ont été développées et assainies de cette manière !
À l’inverse, combien de personnes se plaignent d’avoir été menées en bateau ? Me disent qu’un temps fou a été perdu juste parce qu’on n’a pas su leur dire que leur chien leur en veut, ou que leur chien ne leur fait pas confiance ou que leur chien se sent totalement mésestimé, inaccompli, insécurisé sur le plan affectif, ou que les comportements problématiques du chien sont parfois des conduites conscientes, adoptées intentionnellement pour passer un message au principal intéressé : VOUS.
Le chien n’est pas forcément un petit être sans défense, anxieux et peureux, qui ne se rend pas compte de ce qu’il fait et qui n’a que de bonnes intentions et des pensées ultra-positives pour son gardien et les humains en général. Et ce n'est pas grave. Il mérite tout autant d'être entendu. Mais c’est puéril de le croire.
Notre chien nous parle, et à l’heure où je constate avec plaisir que de plus en plus de particuliers sont capables de l’entendre, demandent de l’aide pour le comprendre mieux, j’apprends que certains professionnels du comportement (et uniquement du comportement du coup) reculent et ventilent dans leurs écrits ou dans leurs cours, que non, le chien n’est finalement pas si intelligent, pas si complexe, pas si développé sur un plan cognitif. Tout ça, ce serait de l’antropomorphisme… Cette démarche d’analyse et de compréhension non béhavioriste ne doit pas s’adresser au chien, qui est un être simple, un benêt qui nous aime envers et contre tout, et qui est incapable de déviances quelles qu’elles soient. Les processus mentaux et conceptions psychologiques, la notion, les conduites, les sentiments, les intentions, le psychisme, etc. sont uniquement réservés aux humains qui sont eux, vraiment intelligents, avec une cognition sur-développée. Et Terre est plate.
Cynoconsult / Audrey Ventura
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