10/17/2021
Vétérinaire comportementaliste à suivre
Corrélation vs causalité : confusion
Un chien Malinois mâle de 18 mois est réactif (agressif) aux autres chiens. Sa T4 est basse : il est suspecté hypothyroïdien. L’hypothyroïdie et la réactivité sont en corrélation.
Question : l’hypothyroïdie est-elle la cause de la réactivité ? Un traitement avec des hormones thyroïdiennes change l’état général du chien, sa fatigue, ses crises émotionnelles, mais pas sa réactivité aux chiens. Conclusions : l’hypothyroïdie n’est pas la cause de la réactivité.
Quand on examine la réactivité-chiens dans la lignée, on se rend compte que les parents et la fratrie sont réactives aux chiens. Il y a corrélation entre la réactivité dans la lignée et la réactivité du chien. Il y a une héritabilité apparente de la réactivité. Conclusion : la réactivité aux chiens a une cause génétique. Oui, mais probablement pas exclusivement.
Quand on examine plus encore, on se rend compte que la réactivité a commencé après une attaque par un chien adulte, à l’époque où notre Mali avait 7 mois. Il y a une corrélation entre le début de la réactivité avec une attaque (trauma) et l’adolescence (génétique ? Hormones sexuelles ?). Il est logique d’imaginer que les hormones sexuelles à la puberté ont accéléré la réactivité sociale et agressive de notre Mali ado, devenu impertinent et mal poli, et facilité l’attaque par une autre chien. Il y a corrélation entre la puberté et l’attaque (être attaqué). La puberté est causée par l’expression (épi)génétique à un moment pertinent du développement.
L’hypothyroïdie est dans 80% des cas liée à une thyroïdite auto-immune, d’origine… génétique, et débutant à l’adolescence / jeune adulte. Et l’hypothyroïdie est en corrélation avec une plus grande réactivité (agressivité) vis-à-vis des humains, avec des crises neurologiques (et émotionnelles) avec de l’instabilité d’humeur…
Et la réactivité-chien est gérable par contreconditionnement et désensibilisation, des protocoles d’apprentissage. Les capacités d’apprentissage sont elles-mêmes corrélées à un certain profil génétique.
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L’origine des (problèmes de) comportements est multifactorielle. On retrouvera de nombreuses corrélations dans une analyse de temps linéaire, sans savoir si ces corrélations sont des facteurs déclencheurs, causatifs, ou… inopérants, sur l’expression du comportement en un temps donné.
Il est impossible de déterminer LA cause du problème : tout au plus on peut tenter de déterminer LES causes (et déclencheurs) probables en établissant une formule de probabilité :
Problème = % génétique + % environnement externe + % (non) apprentissage + % hormones (thyroïdienne, sexuelles, surrénaliennes…) + % neurologique + % X +% Y + % Z.
X, Y et Z sont des inconnues, qui pourraient être la nutrition, les médicaments, des interventions chirurgicales, de la douleur…
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À retenir : l’analyse des corrélations est intéressante pour émettre des hypothèses de causalité et proposer des modèles d’intervention sur ces causalités. Cependant seule l’expérience thérapeutique viendra confirmer si les hypothèses des causalités étaient (plus ou moins) plausibles.
A ne pas retenir : Si on faisait une analyse (statistique) de la réactivité-chien dans la population des chiens, on devrait décorréler les variables liées (corrélées) pour obtenir les composantes principales (indépendantes) : on appelle cela une analyse en composantes principales. Notre cerveau crée des probabilités (par algorithmes) d’approximation simplistes : il imagine des causalités là où il n’y a que corrélation, et il organise (induit) le futur sur ses croyances.
Clin d’œil : cette approche corrélation / causalité multifactorielle (multivariée) est applicable à tous les événements de la vie, y compris dans la pandémie de covid : vaccination et gestion de la pandémie : corrélation ou causalité ? Seul l’avenir nous le confirmera. 😉
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Dr Joël Dehasse
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