25/08/2024
*** LA SUR-ADAPTATION QU’EST-CE QUE C’EST ? ***
La sur-adaptation est un mécanisme insidieux et destructeur à long terme, dans lequel un chien se retrouve contraint de modifier son tempérament, ses besoins et ses limites émotionnelles pour s'adapter aux exigences d'une situation régulièrement subie. Ce travers dans lequel beaucoup de particuliers tombent, découle de la croyance qu’un chien doit toujours progresser, surmonter, s’adapter.
Si nous sommes d’accord sur le fait qu’il est possible d’aider un chien à s’adapter à certaines situations, je ne suis pas favorable à ce que des particuliers se lancent dans la gestion environnementale sans aucun accompagnement. La sur-adaptation est en effet l’un des plus grands écueils de la gestion environnementale, pourtant la seule qui peut aider un chien à se sentir mieux en dehors de chez lui, à condition qu’elle soit réalisée correctement.
Le résultat d’une mauvaise gestion environnementale est souvent le même : au bout de quelques semaines, le chien présente de nouveaux symptômes comportementaux qui traduisent un épuisement mental à cause de la sur-adaptation qu’il s’impose à lui-même, en partie pour satisfaire cet humain d’attachement qui attend tellement de lui. Cela signifie que le chien « prend sur lui », constamment. Il n’apprend pas à se connaître, ni à comprendre ses limites et ses besoins personnels. Ce qu’il fait, il ne le fait pas pour lui.
JE SUIS UN BON CHIEN
« Si je m'adapte, mon humain est content. J’aime quand il est fier de moi, il me donne des récompenses. Alors je vais m'adapter tout le temps, pour absolument tout, et parfois, jusqu’à tolérer l’inacceptable ». Le chien entre en conflit avec lui-même, il est fatigué et devient en colère ou irritable.
Ici, pas de culpabilisation des gardiens. La sur-adaptation, ce n’est pas l’immersion. La sur-adaptation ne provoque pas l’impuissance acquise. Elle provoque le surmenage, l’excitabilité, l’irritabilité croissante, la perturbation du sommeil et souvent, des « coups de mou » que le gardien aura du mal à comprendre. S’il n’est pas vraiment difficile de saisir qu’un chien ne réagit plus parce qu’il a perdu tout espoir d’agir sur son environnement (la détresse acquise), il est plutôt difficile de prendre conscience qu’un chien est en sur-adaptation.
De même, si aujourd’hui, il est devenu évident d’anticiper qu’un professionnel éloigné de toute notion de psychologie est en train de nous conseiller un protocole d’immersion nauséabond, les particuliers dont le chien est en sur-adaptation se doutent rarement de ce qui se passe. Ce sont des personnes volontaires et impliquées, plutôt rompues à la gestion environnementale, assez bien renseignées sur la psychologie du chien, et sa communication. Elles se sentent souvent capables de tout gérer seules. Parfois, elles le sont réellement. Parfois, non. Et parfois, même si elles sont accompagnées, elles en font trop.
LE MIEUX EST L’ENNEMI DU BIEN (ET DU CHIEN)
Ces personnes volontaires, parfois « volontaristes » sont animées des meilleures intentions. Et il est vrai que leur chien a fait des progrès, et augmenté sa tolérance. Mais à quel prix ? Au point de s’oublier lui-même. Depuis peu, son comportement évolue à la maison, dans la mauvaise direction. Des comportements, conduites et habitudes nouvelles apparaissent. Le chien est énervé et excitable. Il est moins tolérant, et se montre irritable. Il dort moins, ou moins bien. Il s’éloigne, ou cherche à s’isoler. La famille dira qu’elle sent que son chien est « borderline ». Après s’être assuré que tout va bien sur un plan médical, il faut envisager la sur-adaptation en faisant une étude de tout ce que le chien fait, tous les jours, du matin au soir.
- Tous les jours ou presque, le chien sort de chez lui pour travailler dans la gestion environnementale en suivant un programme que l’humain s’impose à lui-même pour des raisons personnelles.
- Tous les jours ou presque, le chien se concentre, observe, analyse, surmonte, s’adapte. Son gardien est heureux de cette réussite qui semblait impossible il y a encore quelques semaines. Le chien est fier d’être gratifié, félicité par son gardien, son parent, son humain d’attachement.
- Tous les jours ou presque, la gestion environnementale se montre cavalière. Souvent, la faiblesse est la même : si aujourd’hui on sait que la distance est nécessaire, la trajectoire elle, reste la grande oubliée (ou négligée), et la distance n’est pas toujours cohérente.
- Tous les jours ou presque, l’humain, lui aussi, s’inflige un travail, une obligation de progression, une contrainte. S’il pleut, s’il est malade, s’il n’a pas envie, il se fait violence et sort avec son chien, car il craint d’être estampillé « mauvais gardien » pour son animal qui a tant de difficultés émotionnelles.
- Tous les jours ou presque, lentement mais sûrement, le chien apprend à oublier ses besoins et ses limites, car son humain s’inflige la même pénitence. Il faut s’adapter. S’adapter c’est rester ouvert, sociable, être accepté par les autres…
OÙ SE TROUVE LE SALUT ?
À chaque fois, les deux êtres émotifs sont fatigués. Il m’arrive régulièrement de prier certains de mes clients de ralentir, de faire une pause, de réfléchir, voire de tout arrêter jusqu’à nouvel ordre, et surtout, de profiter de leur chien autrement. Mon travail consiste aussi à soulager le binôme de cette charge mentale incroyable qu’il s’impose, et à l’aider à retrouver la notion de plaisir.
Pour vaincre ou lutter contre la sur-adaptation, il n’existe que deux solutions, deux amis qui s’invitent souvent avec grand bonheur, pour le chien et son humain : le repos émotionnel régulier (pour éviter l’épuisement et retrouver l’apaisement) et la sécurisation.
Plus notre chien est protégé, entendu, écouté, compris, plus il se sent digne d’être apprécié comme il est, avec ses difficultés, et plus le risque de sur-adaptation s’éloigne. Il va naturellement accueillir et respecter ses besoins émotionnels. En parallèle, à nous de veiller à les lui assurer. Plus notre chien nous verra répondre à ses besoins, moins il accèdera à la croyance qu’il doit subir. Nous l’aiderons ainsi à atteindre la sécurisation.
Je ne dis pas de ne rien faire. Ce que je viens d’expliquer n’a rien à voir avec le fait de ne rien faire. Je passe pourtant beaucoup de temps à expliquer en étude à quel point il est fondamental de protéger nos chiens, sans pour autant les couver comme de petites choses fragiles. Cela peut être complexe à comprendre. C’est la raison pour laquelle un coach individuel en comportement peut être utile pour trouver la mesure.
Ainsi, aujourd’hui, avec les réseaux et les formations ultra techniques en trois jours, tout le monde peut apporter son conseil, donner un tuyau, des exercices complexes, ou des "trucs" pour « faire travailler le chien et son gardien ». Un coach individuel en comportement ne devrait jamais devenir un éducateur qui donne du travail difficile à la maison pour justifier ses tarifs ou faire montre de ses compétences. Il n’est pas là pour vous apprendre à donner des ordres, ou pour vous faire suivre des protocoles tout tracés qui vous donneront le sentiment d’agir et d’accomplir. Il est présent pour vous accompagner, vous guider, vous rassurer, et vous conseiller avant tout dans l'intérêt émotionnel des deux protagonistes.
Et oui, parfois, il vous conseillera de ne pas faire, de ralentir, de savoir raison garder.
Ne le consultez pas trop t**d. La sur-adaptation est une conséquence d’un trop-plein de gestion environnementale, de renforcement positif, d’entraînement, et surtout d’attentes. Pourtant, la gestion environnementale, le renforcement positif, et l’entraînement sont des vertus à part entière, à condition qu’ils placent en priorité le bien-être du binôme. Et malheureusement, l’humain du chien sera le premier à s’infliger ce trop-plein personnellement…
Audrey Ventura /
- Mon chien, mon coach et moi : https://shorturl.at/cFIV1 = Pour connaître l'émouvant parcours de 20 rééducations humain-chien, entre autres dans l'hypothyroïdie, l'hyperandrogénie, l'hyperactivité-hypersensibilité, la dépression, l'hyper-réactivité...
- Le chien, cet animal qui nous échappe : https://shorturl.at/eLNT2 = Pour mieux connaître le chien, son éthologie, sa psychologie, ses besoins, ses envies, ses lubies, sa génétique, et réussir à construire une relation stable et épanouie, avec tout ce joyeux désordre.
:-)