10/10/2023
[la réactivité, ou le deuil de la "vie parfaite"]
Nombre d'entre nous avons grandi entourés de chiens. Pour beaucoup idéalisés par les souvenirs d'enfance, nos chiens nous renvoyaient une image de facilité et d'apaisement.
Puis, nous adoptons notre compagnon de vie actuel, et le monde s'effondre autour de nous. Sa sensibilité, son émotivité, nous mettent à mal dans notre quotidien. Bouleversent, voire annulent nos projets.
La réactivité est une problématique multifactorielle, et qui présente un réel impact sur l'humain :
🍁 Les comportements intenses qui caractérisent la réactivité sont lourds à assumer et le regard d'autrui pèse fortement sur nos épaules. Dans une société encore fortement vissée sur ses idées de "chien gentil" et "chien méchant", les réactifs sont inévitablement placés dans la seconde catégorie par le commun des mortels. Pire encore, les méthodes éducatives du gardien sont très souvent mises en cause.. sans surprise, par des personnes peu ou mal formées, qui crient au laxisme et à l'incompétence.
Les décisions prises par les gardiens, qui ont vocation à protéger autrui et à préserver le chien (muselière, prise de distance, balade dans des endroits déserts, etc) sont souvent allègrement critiquées. On leur reproche d'éviter le problème, voire de l'aggraver. Spoiler : le meilleur moyen d'aggraver une réactivité est d'y aller en mode bulldozer, au mépris des émotions du chien qui ne fera que les inhiber.. pour mieux les voir exploser.
À tous les gardiens de chiens réactifs : oui, avant, pendant et après la rééducation, exposer le moins possible son chien à des situations stressantes est la bonne voie à prendre. Persévérez.
🍁 L'isolement social est une véritable problématique chez les gardiens de chiens réactifs, et parfois, une véritable souffrance. Si certaines personnes s'accommodent très bien d'une vie relativement solitaire ou avec un cercle social restreint, d'autres pensaient, en adoptant leur chien, tisser des relations avec d'autres personnes partageant leur amour des animaux, rejoindre un groupe de balades, se promener mains dans les poches en bavardant.. mais la réalité les rattrape vite.
La réactivité, même rééduquée, demande une attention permanente, un respect inconditionnel de la zone de confort du chien, fait vivre de véritables montagnes russes émotionnelles (spoiler n°2: le chien vit les mêmes au même moment...).
S'il est fréquent de voir un chien tolérer, voire apprécier certains congénères ou humains à la fin de sa rééducation, nos réactifs sont et resteront à vie des individus sensibles, émotifs et pouvant rétropédaler vitesse grand V en cas de stress important. De ce fait, il n'est pas rare de devoir annoncer aux gens, en tant que professionnel du chien et particulièrement de la réactivité, que leur mode de vie devra probablement être repensé, adapté à la sensibilité de leur animal, et de les y accompagner et préparer.. avec plus ou moins de difficulté et de charge émotionnelle
🍁 Tout projet ou changement dans la vie des gardiens de chiens réactifs doit être sérieusement pensé à travers le prisme de la sensibilité du chien.. et ce constat pèse lourd dans la vie de ceux qui le vivent.
Des projets aussi intimes et chargés émotionnellement qu'avoir un enfant deviennent source de questionnement et d'angoisse : comment le chien va-t-il s'adapter à ce changement ? Quel est le degré de risque dans cette affaire? Serai-je en mesure de garder une vigilance constante et infaillible ?
Dans certaines situations, des choix doivent même être faits, extrêmement douloureux pour certains. Des replacements surviennent, ou le renoncement à certains projets pourtant profondément investis. Il est essentiel, en tant que professionnel ou même entourage de personnes vivant ce type de dilemmes, d'être toujours bienveillant et respectueux : dans un cas comme dans l'autre, ce type de décisions suscite un déferlement de culpabilité et de tristesse. Juger, c'est aggraver, et ce n'est aider personne, pas même le chien
🍁 Les émotions que suscitent en nous les déclenchements de nos chiens nous mettent parfois à mal de façon extrêmement difficile à vivre. La colère, l'incompréhension, parfois la haine (disons les choses comme elles sont) que nous pouvons parfois ressentir sont des émotions que personne ne s'attendait à ressentir en adoptant un chien.
Perdre patience, crier, voire réprimander physiquement sont des réactions impulsives et incontrôlées qu'ont vécues plus d'un gardien de réactif, quand bien même il ne l'avouerait jamais.. bien souvent par peur d'être jugé. Mais nous sommes des humains. Nous avons le droit à l'erreur. La peur, la colère, l'adrénaline, font prendre de mauvaises décisions, qui ont vocation à soulager immédiatement notre inconfort, mais ajoutent au problème. L'essentiel, c'est de le réaliser, et de se ressaisir. Être faillible n'est pas gravissime. Ce qui l'est, c'est de refuser de reconnaître ses erreurs, de se remettre en question et d'avancer dans ses connaissances pour aider son chien.
En fonction de son degré de gravité et du contexte social et émotionnel de l'humain référent, la réactivité peut être extrêmement lourde à vivre au quotidien. Humains de chiens réactifs : aucun professionnel ou membre de votre entourage ne devrait jamais vous faire ressentir de la culpabilité, vous humilier ou vous faire croire que vous êtes laxiste et incompétent.
Votre détresse et votre découragement sont réels et doivent être pris au sérieux. Nous sommes de plus en plus nombreux à vous comprendre. Ne lâchez rien.
Juliette Sastre
Yes We Dog - Education & Comportement canin