20/11/2024
Hier soir, j'ai regardé « Le doc Quotidien » sur le thème des chiens (« Le doc Quotidien – Les Chiens : qui tient vraiment la laisse ? », sur TMC). J'ai été ravie d'y entendre s'exprimer des pointures du comportement animal comme Sarah Jeannin ou Claude Béata, dont le livre « La Psychologie du chien », que j'ai lu il y a 20 ans, m'a passionnée et a été incontestablement la petite porte qui m'a permis d'entrer dans le monde complexe de l'éthologie canine (aujourd'hui, le propos du livre n'est plus du tout d'actualité, l’ouvrage est très ancré dans son temps et traite toute problématique à travers le prisme de la dominance interspécifique, mais à l'époque, je l'avais adoré).
Malheureusement, toute ma joie est retombée d'un coup quand le journaliste en charge du sujet a choisi de filmer des binômes humain/chien se rendant à un cours d'éducation canine. J'ai eu l'impression de faire un bond 25 ans en arrière, quand j'ai intégré un club canin pour la première fois. Il est évident que le journaliste n'avait pas énormément de connaissances en matière de chiens, et je veux bien entendre qu'il n'ait pas su distinguer un éducateur aux méthodes dépassées d'un éducateur à jour de ses connaissances. Mais je trouve dangereux de laisser un individu prônant la hiérarchie interspécifique (théorie scientifiquement réfutée depuis des années) asséner des pseudo-vérités au grand public. Alors, même si mon post ne sera pas aussi visualisé qu'une émission diffusée sur TMC, je me permets de rétablir ici quelques faits, en toute objectivité.
Non, marcher au pied n'est pas « la base » de l'éducation. Marcher au pied peut servir ponctuellement, lorsqu'on croise une personne sur un trottoir par exemple. Mais cet apprentissage devrait être purement sécuritaire, comme lorsque qu'on tient un enfant par la main. En promenade, le chien a besoin d'explorer, de renifler, et rappelons que, naturellement, il ne marche pas, mais trottine. Lui imposer de marcher constamment à côté de nous l'épuise physiquement et mentalement, mais ne garantit pas une dépense qualitative.
Non, « l'autorité de Madame » (entendez par là, « autorité insuffisante ») n'est pas la cause du manque d'écoute de son chien. Le manque d'écoute d'un chien peut être dû à de nombreux facteurs différents : des besoins non comblés, une méconnaissance des lois de l'apprentissage, un manque de cohérence dans l'éducation inculquée au quotidien, une mauvaise communication entre l'homme et le chien... Malheureusement, en tant que femmes, nous sommes souvent pointées du doigt par certains éducateurs de sexe masculin, parce que « trop maternelles » (propos adressés par un professionnel à une amie il y a encore quinze jours), n'ayant « pas assez d'impact » sur le chien (propos que l'on m'a adressés personnellement), et évidemment, « pas assez d'autorité ». Hélas, si l'autorité est le seul outil que l'éducateur sait utiliser pour éduquer un chien, il est évident qu'il sera vite limité dans ses enseignements.
Non, l'éducation positive ne produit pas des chiens-rois, et n'est pas la cause de l'augmentation du nombre d'abandons. Si les refuges sont pleins aujourd'hui, c'est parce que les Français ont de plus en plus de chiens, et que l'accès au chien est beaucoup trop facile. Sans aucune connaissance, on peut acquérir un Malinois ou un Cane Corso. D'autre part, notre société actuelle est peu adaptée à la vie avec un animal : il y a peu d'espace pour les sortir, le travail prend trop de temps dans la journée pour qu’on puisse être suffisamment présent pour un chien, nos animaux domestiques manquent d'espace vital et d'autonomie. L'éducation positive n'est pas synonyme de laxisme : une personne laxiste n'éduque pas, tout simplement.
Non, l'éducation positive n'a pas de limites : tout comme Fantasia, vous pouvez essayer de l'explorer tout entière, vous n'en ferez jamais le tour. Ses possibilités sont infinies, même avec des chiens dont le cas est prétendument désespéré. On entend souvent parler de ses « méfaits » (de la part de personnes qui n'en ont pas compris les principes) : mais on parle beaucoup moins souvent des méfaits de la violence éducative ordinaire sur les chiens. J'en ai ici un parfait exemple, mon pauvre vieux Border que j'ai récupéré quand il avait quatre ans parce que, victime d'une éducation coercitive, il avait fini, à cours d'options alternatives, par mordre son propriétaire. Ces chiens finissent souvent euthanasiés, parce qu'on pense qu'ils ont « pété un plomb » et qu'ils mordront à nouveau, sauf que -surprise- dans un environnement où ils sont enfin écoutés, ils cessent de produire des comportements d'agression.
Je pourrais continuer ma liste un bon moment, mais je pense que mon article est suffisamment long, et je remercie tous ceux qui m'ont lue jusque là. Si vous souhaitez voir des vidéos de chiens rééduqués sans violence, il y en a plein les réseaux, contrairement à ce que peuvent prétendre les coercitifs (je vous invite à vous rendre sur la page de Cynotopia ou Animal Académie...). Ne vous laissez plus avoir par des discours vieux comme le monde qui banalisent la violence faite aux chiens. Formez-vous, gardez l'esprit ouvert, et vous découvrirez un monde extraordinairement riche où les cris et les colliers étrangleurs n'ont pas besoin d'exister.
Elsa Weiss / Cynopolis
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