
10/02/2025
Idées reçues et interrogations sur le travail de la prédation
- "Le chien a moins d'intérêt pour la faune après avoir travaillé la prédation "
Oui et non
En travaillant la prédation en positif ou de manière bienveillante, on ne supprime pas de comportements car on travaille sans punitions.
Les comportements de prédation restent donc présents MAIS peuvent paraître moins intenses pour les raisons suivantes :
-> On apprend à reconnaître, gérer et à créer du lien autour des comportements de prédation les plus subtils. On travaille en réalité la gestion des comportements de prédation afin que ces derniers prennent moins de place pendant les balades.
-> Un des axes de travail est de développer d’autres activités en extérieur ; on élargit donc le répertoire de comportements du chien en balade. Si votre compagnon ne pensait qu’à chasser en extérieur, effectivement vous pourrez observer une diminution de son intérêt pour la faune.
-> S’il y avait une composante réactivité à la prédation de votre chien, vous observerez une diminution des comportements de prédation avec le travail global (réactivité et prédation).
Mais globalement; un chien chasseur restera intéressé par la faune !
- "Plus la séquence de prédation est complète, plus il est difficile de travailler la prédation "
Oui et non
Qui dit séquence complète dit mise à mort de l’animal.
Oui, il est plus difficile émotionnellement de travailler la prédation quand le chien met à mort car le moindre défaut de gestion peut mener à une issue fatale. Et c’est encore pire si votre chien considère le bétail ou les chats du voisinage voire du foyer comme des proies.
En outre, si le chien produit des comportements de mise à mort sans course-poursuite ou pistage préalable, il se peut qu’il tue des animaux fragiles ou peu sauvages (chats, pigeons) même en laisse de 3m en pleine ville, malgré vos efforts de gestion. Dans ce cas, je vous conseille vivement la muselière.
En revanche, si le chien met à mort un pigeon en ville sans avoir à courser, chercher ou pister, ces derniers comportements ne seront pas forcément renforcés car ils ne feront pas partis de la séquence. Ça n’impactera pas nécessairement le travail global.
Ainsi, on peut vite voir des progrès sur la prédation globale chez les chiens qui mettent à mort et à l’inverse stagner avec des chiens qui ne présentent qu’une recherche à vue et un comportement de course-poursuite.
En bref, la longueur de la séquence et le nombre de comportements de prédation produits par le chien ne prédisent en rien de la vitesse des progrès ou la longueur du travail à effectuer.
- “Le plan d’entraînement va dépendre de la race du chien”
NON !
Il n’existe pas de comportement qu’on n’observerait que dans une race.. Tout comportement qu’on attribue généralement à une race est forcément présente au sein de l’espèce canine, dans son éthogramme. Ça vaut donc aussi pour les comportements de prédation.
Ainsi votre husky peut ramper tel un border collie pour approcher ses proies et votre berger allemand peut avoir une posture d’arrêt digne d’un braque allemand.
Ce qui est important est de reconnaître les comportements de prédation de VOTRE animal et parmi eux, ceux qui le motivent le plus.
La race de votre chien ne va donc pas être pertinente pour décider du plan d’entraînement.
Dans une publication récente*, les comportements de prédation ont été rassemblés sous 4 grandes fonctions : Chercher - approcher - poursuivre - mordre. Dans chacune de ces catégories peuvent rentrer plusieurs comportements dont des comportements plus spécifiques qu’on attribue généralement à des races précises. Ce qui permet de sortir du modèle de Coppinger et Coppinger de 2002, dans lequel l’eye et le stalk (fixation visuelle et l’approche lente) prenaient beaucoup de place, alors que ce ne sont pas des comportements très courants.
- "Donner de l'intérêt à la faune va renforcer la prédation de mon chien"
Oui et non
À travers la synchronisation, on donne forcément de l’intérêt à la faune et on renforce les comportements de prédation qui sont inoffensifs, c’est un fait. Mais si la prédation de votre chien vous pose souci au quotidien, l’intérêt est déjà là. Vous n’observerez donc pas un intérêt grandissant pour la faune avec votre chien chasseur en travaillant la prédation de cette manière (voir slide 2).
En revanche, si la prédation de votre chien ne vous pose que très rarement souci, s’il est juste opportuniste et court après un lapin quand il détale à 2m, ça ne vaut peut-être pas la peine de travailler la prédation de cette manière. Le risque étant de développer une recherche active de gibier et des comportements tels que le pistage, un scan excessif de l’environnement ou de la vigilance en milieu giboyeux alors que votre chien ne présentait pas ces comportements à la base.
Dans ce cas-là, travailler le rappel d’urgence ou les demi-tours / changements de direction peuvent largement suffire (là où ce ne sera pas suffisant pour votre chien chasseur).
- "Jouer à travers les comportements de prédation renforce la prédation envers la faune"
Non
Il n’y a pas de preuve que de s’amuser à travers les comportements de prédation renforce la prédation envers la faune (même via les jeux de lancer !).
Il n’y a pas non plus de preuve que l’utilisation de jeux (substituts) qui imitent les comportements de prédation permette de limiter la prédation envers la faune.
Alors pourquoi on aime les utiliser ? L’intérêt est multiple à mon sens :
-> Jouer avec des chiens qui a priori n’aimaient pas jouer, à travers des comportements très motivants.
-> Améliorer la connexion en situation excitante.
-> Enrichir le quotidien du chien et développer son répertoire de comportements en extérieur.
Attention, néanmoins, gardez en tête que vous pouvez développer les compétences de votre chien pour certains comportements de prédation à travers le jeu (liste non exhaustive) :
-> Une endurance sur la course-poursuite avec les jeux de lancer.
-> Une ténacité dans le pistage, une très bonne détection d’odeurs avec le mantrailing ou le travail du flair en général.
Le but du jeu est de renforcer la connexion avec son chien et d’enrichir son quotidien, pas forcément d’en faire un chien extrêmement compétent sur une tâche. Attention donc au piège de vouloir toujours compliquer la recherche d’objets ou les pistes, par ex.
- "Mon chien est parfait en longe, ça ne sert donc à rien de travailler en longe"
NON !!
Vous travaillez la prédation depuis plusieurs mois et votre chien ne montre plus de comportements de prédation en longe ; il peut regarder les lapinous détaler à 5m sans bouger d’un poil. Vous décidez donc naturellement d’enlever la longe. Malheureusement, son comportement en liberté s’avère complètement différent.
Ce n’est pas rare qu’un chien change radicalement de comportement quand on enlève la longe. Ce n’est pas une raison pour en conclure que ça ne sert plus à rien de travailler en longe !
Plusieurs raisons peuvent expliquer ce changement de comportement :
-> L’historique de renforcement dans les comportements de prédation est encore frais pour le chien. Dézoomez un peu ; certes votre chien est parfait depuis 2 mois en longe mais avant ça pendant combien de temps s’est-il renforcé en suivant la moindre piste en forêt ? L’historique de renforcement peut encore peser lourd dans la balance.
-> Parfois, enlever la longe est tout simplement signal pour le chien de partir courir loin et longtemps. Dans ce cas, plusieurs étapes intermédiaires peuvent être envisagées pour changer cette association.
*Anna Broseghini, Miina Lõoke, Cécile Guérineau, Lieta Marinelli, Paolo Mongillo, Ethogram of the predatory sequence of dogs (Canis familiaris), Applied Animal Behaviour Science, Volume 279, 2024