29/02/2024
Je viens de finir Son odeur après la pluie. En dehors de toute considération littéraire, en dehors de l’histoire communément partagée par les gardiens de chien, une tranche de vie entre deux êtres ; je me suis dit « c’est marrant comme cette histoire n’a rien à voir avec la mienne ». Parce que oui, avoir un chien c’est aimer un autre être vivant. C’est apprendre à comprendre une personne qui n’a pas le même langage. Mais ce qui diffère de ces histoires, celles que je lis, celles des chiens parfaits ou presque, c’est que la notre est aux antipodes de tout ce que j’avais fantasmé.
Alors aujourd’hui je voudrais écrire pour toutes ces histoires compliquées, ces histoires qui ont nécessité du temps, ces histoires qu’on ne raconte jamais.
Avec Zaj, ce ne fut pas l’amour au premier regard. Ni au deuxième ou au troisième d’ailleurs. Avec Zaj, cela a été des journées, des nuits à essayer de calmer son agitation, des semaines entières à ne dormir que quelques heures.
Les premières balades nous ont offert la musique des hurlements ; a tel point que nous avons fini par ne faire que des sorties hygiéniques dans le garage de l’immeuble.
Je regardais cet être si différent de ce que j’avais projeté, et je savais que nous étions liés à vie. Et au lieu de me remplir de joie, cela me terrifiait.
J’étais une coquille vide, et elle, était là. Eminemment présente, trop présente, trop anxieuse, trop agitée, trop bruyante. Mais surtout, elle avait besoin d’être aidée, apaisée et accompagnée. Et moi, j’en étais incapable. Nous avons donc quitté notre appartement, pour se « mettre au vert », comme on dit. Et nous avons passé les mois suivant à nous regarder, complètement étrangères l’une à l’autre. Faire face à ses propres limites, c’est douloureux. Je m’en suis voulue de l’avoir choisie, je lui en ai voulu d’exister, je m’en suis voulue de lui en vouloir.
Et puis, il y a eu le retour aux études et par là, le retour en ville. Nous rencontrions toujours les mêmes difficultés que les mois précédents. Alors, nous nous sommes fait accompagner d’une façon qui ne nous convenait pas et nous avons fait un virage à 180 degré. J’ai appris à l’observer, comprendre ses besoins et à l’accepter dans son entièreté. J’ai appris à ne plus la voir comme le vilain petit canard. Ses limites étaient devenues les miennes. Et puis, j’ai fait le deuil. Le deuil du chien parfait que j’avais fantasmé et que je n’aurai jamais. Sont apparus alors les premiers partages et la confiance mutuelle. Les prémices d’une relation où je devenais son allier.
Je crois qu’aujourd’hui, elle me fait bien plus confiance que je ne lui fais confiance. Je réapprends à la connaitre chaque jours parce que les croyances s’ancrent bien facilement, surtout lorsqu’elles sont associées à des événements émotionnellement impactants. Ce n’est pas le chien dont j’avais rêvé. Je n’ai plus ma vie sociale d’avant, cela a une incidence sur mon travail, mon temps personnel est réduit par les heures de voiture que je fais chaque jours pour la balader dans des lieux calmes. Et tout cela n’empêche pas l’amour. J’aime ses moments de folie, j’aime qu’elle se retourne vers moi pour voir si je la suis, j’aime ses regards embués quand elle se réveille d’une sieste, j’aime son agilité, j’aime que sa présence me permette de découvrir des coins de nature, j’aime la voir vivre.
Les histoires que nous lisons, ces histoires parfaites, ne reflètent pas la diversité de celles que nous vivons avec nos chiens. Elles ne dépeignent pas les histoires difficiles, les histoires qui remettent en question, les histoires qui nous enferment, les histoires d’amour en dépit de tout.
A nos histoires imparfaites.