21/07/2022
"QUAND EST-CE-QUE TON CHIEN DEVIENDRA NORMAL?"
Un membre de ma famille m’a posé cette question il y a peu, et la remarque m’a fait réfléchir à beaucoup de choses, toutes imbriquées les unes les autres. Déjà parce que, forcément, elle met en avant tout ce qu’il reste à changer dans notre vision du chien en général. Ensuite, car cela va faire 2 ans que je travaille avec Moka, et je me suis dis, inconsciemment « c’est vrai, ça commence à faire longtemps que je l’ai, et on n’a encore pas « réglé » telle ou telle chose... ».
Preuve qu’il existe une certaine pression sociale, qui nous vise à atteindre une sorte « d’idéal » avec notre chien, à le « réparer », d’une certaine manière. À se conformer à des attentes, qui ne sont pas forcément les nôtres.
Me sont venues les questions : Peut-être que je ne travaille pas assez ? Peut être que je procrastine ? Peut être qu’on reste dans une « zone de confort » et qu’on pourrait faire « mieux » ? Peut être que je me crée nos propres limites ? Peut être que…. Puis j’ai réfléchi.
Moka ne sera jamais « normal »
… car le chien « normal », s’il existe, n’est pas la norme : c’est l’exception. Ce chien « normal » est cette image idéalisée du compagnon, qui aime tout et tout le monde, va partout, est à l’aise dans toutes sortes de contextes, sait rester seul sans problème, s’adapte à tout changement de routine, d’environnement, vient partout en vacances, n’a pas besoin qu’on le surveille en balade, et j’en passe. Cela représente une petite portion des chiens dans notre société.
Comparés à ce chien idéalisé, tous les autres chiens « ont des problèmes », alors que ce sont eux : la norme. Cela implique une tendance à vouloir « tout travailler », à considérer comme pathologique tout comportement qui dévierait du modèle qu’impose cette vision qu’on a du chien idéalisé.
Un chien normal, est un chien : avec ses préférences, des choses qu’il n’aime pas, d’autres qui peuvent lui faire peur, qui a des besoins spécifiques, qui gère certaines situations, et pas forcément d’autres. Qui peut être sélectif dans ses préférences, car c’est un individu.
Connaissez-vous un seul humain, qui n’ait peur de rien, qui aime tout, qui soit à l’aise partout ? On ne se rend pas compte qu’on évite, au quotidien, un certain nombre de situations, de choses qu’on n’aime pas, simplement parce qu’en tant qu’humain : on a le choix. Ce qui n’est pas le cas de nos chiens !
« Tout se travaille » oui… mais est-ce qu’on doit tout travailler ?
C’est une vaste et complexe question, sans réponse fixe : est-ce que tout comportement doit être activement modifié ? Est-ce qu’on doit apprendre à nos chiens à « surmonter » tout ce qui leur fait peur, ou est-ce qu’on peut les aider à éviter certaines situations/ stimuli ?
J’ai l’impression, et ce même chez les humains, que « rester dans sa zone de confort » ou « ne pas faire face à ses peurs » en les évitant est perçu comme un problème. Et si c’était, dans certains cas et à un certain degré, quelque chose de sain, et pas forcément pathologique ?
Bien sûr, faire en sorte que nos chiens soient à l’aise dans notre société humaine est une priorité. On doit veiller à leur bien-être émotionnel, et les aider à mieux appréhender certaines choses si cela impact leur qualité de vie et la nôtre. Mais cela ne veut pas dire qu’on doit tout travailler pour autant.
Le management peut parfois être une fin en soi
Le management, la gestion du quotidien/ de l’environnement est souvent perçu comme une forme de « triche », ou de « flemme ». Il est souvent nécessaire en parallèle de toute modification comportementale. Mais il peut aussi être une fin en soit.
Dans ce cas, je perçois le management comme une forme de « compromis » qui permet au gardien et son chien de trouver un juste milieu à leurs propres désirs/ besoins. Par exemple, je ne travaille pas sur le fait d’accueillir des invités à la maison avec Moka, car je n’en reçois que très rarement, et que ce n’est pas mon objectif. Par contre, j’ai travaillé le fait qu’il soit capable d’être relax dans une autre pièce en présence d’invités, et qu’il se repose. Lui, se repose, et moi je profite de mon moment. C’est donc un compromis qui fonctionne pour nous deux, et qui respecte notre bien-être émotionnel, nos limites, nos attentes.
C’est un exemple parmi d’autre, et définir nos propres limites, nos propres attentes est propre à chacun. Il y a quelques questions qui peuvent nous aider à définir nos priorités de travail :
Comment revoir nos priorités ?
- Est-ce que le stimuli/ la situation impacte la qualité de vie de notre chien ou la nôtre ?
- à quelle fréquence est-ce que notre chien doit gérer ce stimuli/ situation au quotidien ?
- Quelle est l’intensité de sa réaction ? Possède-t-il une bonne capacité de résilience ou prend-il du temps à redescendre ?
- Est-ce que sa peur se généralise à d’autres stimuli/ situations ?
- Est-il facile pour nous d’éviter le stimuli/ la situation au quotidien ?
- Est-ce qu’éviter ce stimuli/ situation nous empêche de combler les besoins de notre chien / nos besoins ?
- Est-ce que je travaille en mon propre intérêt, ou en l’intérêt de mon chien ?
Ce ne sont clairement pas des questions auxquelles il est facile de répondre, et les réponses sont propres à chacun.
Un chien « normal » est un chien bien dans ses pattes au quotidien, dont les besoins sont respectés, qui a une bonne qualité de vie, et une bonne santé mentale/ émotionnelle. Ce n’est pas forcément un chien qui n’a peur de rien, qui ne réagit jamais à rien, qui est relax dans toutes situations.
C’est un individu qu’on respecte pour toutes ses singularités, et qu’on accompagne en tant que tel. Il ne sera pas parfait, nous non plus, notre quotidien ne sera pas forcément pile comme ce qu’on avait pu espérer, ou ne ressemblera pas à celui des autres. Mais tout n’est pas toujours pathologique, on n’a pas besoin de chercher à atteindre un « idéal », on peut simplement, profiter de notre chien et l’accompagner, pour ce qu’il est ! Ce n’est pas le « sur protéger » ou se « limiter » , c’est avoir choisi de vivre avec un autre être vivant.
Anaïs Dethou