11/01/2024
*** SOCIALISATION VERSUS IMMERSION
- PARTIE 2 -
MAIS ALORS, QUE FAUT-IL FAIRE ? ***
Dans l’article publié le 27 décembre dernier, j’expliquais que les pratiques éducatives actuelles consistent malheureusement davantage à placer le chien en situation d’immersion sociale plutôt qu’à maintenir sa socialisation, l’entraînant ainsi de manière répétée dans des interactions toxiques, au gré de balades en groupe régulières et totalement néfastes. D’un point de vue éthologique, personne n’a encore apporté la justification de ces « balades collectives à visée socialisante ». Une invention de notre époque. Cette conduite n’est en effet observée chez aucun chien de cette planète, pour la simple raison qu’il naît social, et qu’il n’a pas besoin de l’homme pour le rester. Par contre, et le constat parle de lui-même, un nombre incalculable de chiots nés sociaux sont devenus totalement infréquentables durant leur première année.
Je vous invite à lire (ou à relire cet article récent qui aborde la dérive du « pet-centrisme », expression du Pr. Deputte). Il y a une dizaine d’années, lorsque j’ai commencé à conseiller d’éviter les écoles du chiot, j’ai été très critiquée. J’ai demandé que l’on m’apporte la justification éthologique de cette pratique qui consiste à regrouper des chiots entre eux. Je l’attends toujours. Aujourd’hui, l’idée a fait un peu de chemin, même s’il y a encore du travail. Davantage de particuliers savent désormais que leur chiot n’apprend rien de bon en côtoyant d’autres chiots dans un enclos. Dix ans après, je suis obligée de réitérer la même sensibilisation, à l’encontre des balades collectives et de cette mauvaise habitude de confronter son chien au premier venu.
POURQUOI ?
Les chiens participants aux balades s’agitent plus qu’ils ne communiquent. La majeure partie du temps consiste en des courses-poursuites ininterrompues, les uns recherchant désespérément la protection des jambes des humains, les autres persistant à poursuivre ceux qui ne savent plus quoi faire pour obtenir une pause. Pendant ce temps, on discute. On rit. On prend tout pour du jeu. On n’intervient jamais. Le professionnel présent raconte absolument n’importe quoi pour tenter de commenter ce qui se passe sous les yeux de ses clients. Si les conséquences n’étaient pas si graves pour le comportement futur des chiens, on pourrait presque en rire.
On apprend à l’étude qu’aucune sélection n’est faite dans le groupe. De nouveaux chiens sont régulièrement ajoutés. On ne les connaît pas. On ne sait pas pourquoi ils sont là, mais ils sont les bienvenus. Ils seront des pièces rapportées dans un schéma déjà très bancal. Quand j’aperçois au loin ce genre de regroupement difforme, je fuis. De toutes façons, rien que la tonalité et le volume des aboiements suffisent pour vous convaincre de faire immédiatement demi- tour.
Sans exception, à chaque fois que j’ai croisé de mes propres yeux une balade groupée, et à chaque fois que je visionne des vidéos prises par mes clients durant leurs balades collectives, je suis forcée de constater un cocktail détonnant de conduites canines délétères et de laxisme ambiant totalement assumé par les humains présents. Sous couvert d’un besoin de liberté et de détente, les chiens vont et viennent, importunent les promeneurs et les chiens qu’ils croisent. Les gens rouspètent, s’accrochent, les chiens aussi évidemment. La réponse se résume à répéter bêtement que les chiens ont besoin d’être en liberté et que s’il y a conflit c’est de la faute du chien qui est en laisse.
Alors je vous pose ces questions :
- Qu’est-ce qu’un chien peut bien apprendre de constructif dans un tel contexte répété régulièrement ?
- Qu’est-ce qui peut bien pousser l’organisateur à multiplier les chiens, et les rendez-vous collectifs ?
- Qu’est-ce qui distingue cette pratique de celle de l’école du chiot ?
MAIS ALORS QUE FAUT-IL FAIRE ?
Un chiot, un jeune chien, un chien adulte apprend considérablement par l’observation des interactions, et l’olfaction. Né social, déjà doté d’une communication spécifique, il a surtout besoin d’accroître sa confiance en lui - et en vous - avant de foncer tête baissée dans des interactions incertaines. Alors, apprenez-lui à rester avec vous, en liberté, ou en longe si c’est trop difficile au départ. Soyez séduisant, et attractif en balade. Gardez votre chien auprès de vous, et observez avec lui, à distance, les congénères qui passent. Permettez-lui de récolter leurs odeurs au sol quand ils sont passés. Et surtout, laissez-le observer aussi longtemps qu’il en a besoin. N’interrompez jamais ce travail. Retenez que le cerveau d’un chien ne mature pas dans le stress environnemental. Pour apprendre et retenir, il doit comprendre. Pour comprendre, il lui faut du calme, de l’observation, de l’analyse. Vous serez le garant de la sécurité dans ce travail considérable que le chien en développement doit accomplir pour parvenir à maturité.
Pour rester sociable, un chien n’a pas besoin de rencontrer des dizaines de chiens par semaine dans des groupes turbulents et sans aucune maîtrise. Dans un premier temps, privilégiez le duo avec un ou deux chiens différents, pas plus. Nous avons tous autour de nous un chien posé, un chien-papi qui communique bien, un congénère tranquille qui explore et communique sans en faire des tonnes, ou s’imposer sans cesse. C’est le chien du voisin, celui d’un copain, ou le chien que l’on croise toujours en balade, et qui finit par devenir un ami pour le nôtre. Si vous n’en avez pas, votre coach individuel en comportement vous aidera à trouver le compagnon de balade adapté à votre chien.
À la lecture de ce texte, j’espère que vous comprenez que notre manière d’appréhender les fréquentations de nos chiens ne devrait pas être très différente de notre façon de concevoir les fréquentations de nos enfants. Quel parent inonderait ses enfants d’interactions sociales par peur qu’ils deviennent bagarreurs ou peureux ? Quelques bons amis choisis suffisent pour maintenir la socialité, l’échange équilibré, le partage, la belle communication.
Dans toute une vie, un chien peut avoir quelques vrais amis, qu’il aura plaisir à retrouver, avec lesquels il s’abandonnera dans des postures de soumission, en pleine confiance, dans des échanges de jeu réel, le jeu qui n’existe qu’avec les chiens qu’il connaît depuis longtemps. Le jeu n’a rien à voir avec le harcèlement. Et le jeu qui n’en finit pas est anormal. Alors, si instrumentaliser l’agression comme unique mode de communication est un vrai problème, instrumentaliser le jeu l’est tout autant.
Les balades collectives ne font définitivement pas partie des besoins éthologiques du chien. Depuis quelques années cependant, les humains semblent avoir besoin de leur chien pour socialiser, et renouer le contact. À méditer…
Audrey Ventura / Cynoconsult
*** ACTUALITÉ ***
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