20/08/2022
*** LE COÛT (DUR) DU CHIEN ***
Dans ma pratique professionnelle, je suis souvent démunie d’entendre des personnes s’étonner (voire s’offusquer) de ce que l’éducation ou la rééducation de leur chien va leur coûter. Au-delà du coût même de la rééducation, elles rejettent tout simplement l’idée de dépenser pour leur chien plus que ce qu’elles ont déjà payé, à savoir son prix (dixit) « pharamineux » ou « exorbitant ». C’est un peu comme si, en payant leur chien à l’éleveur, elles avaient tout donné.
Elles ont « fait tapis ».
Elles ont payé le prix fort (et c’est souvent normal lorsque l’on traite avec un éleveur qui sélectionne sérieusement), elles ont parfois économisé longtemps pour ça. Elles ont budgétisé au lance-pierre le prix de la croquette (le plus souvent des gammes peu ragoûtantes conseillées aujourd’hui encore par certains élevages pour des raisons qui m’échappent toujours) et le coût de la vaccination. La réflexion s’arrête à peu près là. J’exclus immédiatement du débat les professionnels consciencieux qui trient leurs adoptants sur le volet, qui réalisent des entretiens où les familles sont informées des coûts inhérents au fait de prendre un chien en charge, tous ceux qui analysent véritablement la capacité de ces personnes à assumer toute sa vie ce petit qu’ils ont mis tout leur coeur à faire naître.
Les conséquences de cette légèreté, du côté de certains adoptants comme de certains naisseurs, sont dramatiques pour l’espèce entière. Ces clients-là ne sont pas la majorité mais ces quelques cas, trop réguliers à mon goût, laissent entrevoir le nombre de personnes qui ne s’informent pas des coûts du chien avant son acquisition. Au bout, c’est le risque d’abandon qui pointe, quand le berger de type montagne que l’on a adopté devient adulte et représente un véritable gouffre financier. Oui car aujourd’hui les gens « craquent » pour un bouvier bernois, un berger blanc suisse, un chien-loup tchèque, un cane corso, un beauceron, etc. La liste est longue mais de plus en plus, il s’agit de grandes races ou de races molossoïdes aux besoins énormes. Alors dans cet article, j’ai essayé de calculer le coût moyen d’un chien de cet acabit, dès sont achat et lors de sa vie, en prenant un chien-type de 40 kg environ. Aucune race n’est particulièrement ciblée et aucune marque ne sera citée. Seront immédiatement supprimés les commentaires ayant pour but de faire du placement de produit.
>>> LES COÛTS PONCTUELS MOYENS
- Adoption en refuge : environ 150 à 250 euros.
- Achat dans un élevage sérieux : environ 1500 euros en fonction des races (les femelles sont souvent plus chères). Certaines races coûteront bien plus cher jusqu’à 3000 euros parfois. Mais attention : le prix d’un chien s’apprécie en fonction du travail de sélection effectué, de stimulation précoce, de la compétence et de l’expérience de l’éleveur sur plusieurs générations. C’est le travail de l’éleveur sélectionneur que l’on rémunère et c’est normal. Donc, des chiots vendus très cher pour de très mauvaises raisons (croisement entre deux races pour en créer une troisième et en faire un phénomène de mode, la couleur ou la particularité physique rare) ou produits à la va-vite et en série sans beaucoup d’investissement en termes de stimulation et de socialisation, que l’on vous cède à 8 semaines ne devraient pas vous attirer autant.
Pour un chien de 40 kg :
- Stérilisation (pour ceux qui en font le choix) : Pour un mâle : entre 120 et 200 euros selon les cliniques / pour une femelle : de 180 à 350 euros selon les cliniques.
- Cage de transport : environ 150-200 euros.
- Harnais ergonomique anti-traction et de randonnée : environ 40-80 euros selon les matériaux (le nylon est peu cher et s’use vite, le polymère est inusable et plus coûteux).
- Balise GPS : 50 euros à l’achat et environ 4 ou 5 euros/mois pour l’application reliée au smartphone. La balise est une garantie de ne pas perdre son chien lorsqu’il est libéré. Elle garantit sa sécurité et votre tranquillité.
- Longe de 10 mètres (forêt, champs, prairies, plage, travail du rappel) : 20 euros environ pour le nylon / 40 euros environ pour le polymère.
- Longe de 5 mètres (parcs, travail de la suite en laisse, etc.) : 15 euros environ pour le nylon / 25 euros environ pour le polymère.
- Longe de 3 mètres (ville, travail de la suite en laisse, etc.) : 10 euros environ pour le nylon / 20 euros environ pour le polymère.
- Laisse de travail : de 10 à 30 euros selon les matériaux et le nombre d’attaches.
- La muselière : de 30 à 60 euros selon la qualité de la muselière (confort pour le chien, matériaux utilisés). La muselière est obligatoire pour tous les chiens dans le train.
La sellerie est une dépense inéluctable. Il n’est pas possible d’adopter un chien sans lui offrir une sellerie de qualité (légère, ergonomique, non irritante, solide, facilement nettoyable.).
>>> LES COÛTS DE L’ÉDUCATION
La plupart des éducateurs, ré-éducateurs comportementalistes ou non proposeront des tarifs allant de 30 à 60 euros/heure environ pour une séance individuelle de coaching. L’étude comportementale est souvent proposée entre 50 et 80 euros/heure. Le prix peut varier en fonction de l’expérience du professionnel, de son niveau de formation, des infrastructures qu’il propose.
>>> LE CONSOMMABLE OU COÛT MENSUEL
- Pour un chien adulte de 40 kg environ, nourri avec une alimentation industrielle qui ne sera pas nommée, dite « premium » sans céréale et « hypoallergénique » et selon les quantités indiquées sur le sachet : 75 euros environ pour le sac de 12 kg. Cette marque qui sert d’exemple a été choisie car elle est très connue et bénéficie d’une excellente image marketing (dans lequel est d’ailleurs reversé une bonne partie du prix payé). Pour notre chien de 40kg, la ration quotidienne sera en moyenne de 500 grammes par jour. Vous en aurez donc pour 24 jours (500 x 24 jours = 12 kg soit 75 euros mais pour 31 jours = 96 euros/mois).
- Pour un chien adulte de 40 kg au régime barf (ration quotidienne calculée sur un chien adulte de 40 kg à 2 % du poids = 800g/jour soit environ 150e/mois selon la nature des viandes choisies (les différences sont grandes) et les prix proposés par l’un des principaux fournisseurs de viande garantie française. Le pourcentage varie pour un chien adulte de 2 à 3 % du poids selon les besoins du chien basés sur son activité générale. Le coût chute de manière drastique pour les viandes achetées chez les enseignes « low cost » mais évidemment, la qualité aussi. Les barfeurs expérimentés font fortement baisser les coûts tout en conservant la qualité en stockant de grandes quantités de viande qui font beaucoup baisser le prix global. C’est la raison pour laquelle on entendra souvent que le prix mensuel d’un barf est rarement plus élevé que le prix mensuel du nourrissage industriel. Cependant il faut avoir la possibilité de stocker.
Je précise ici que comparer le coût de l’alimentation industrielle transformée avec celui de l’alimentation crue reste un exercice simpliste et toujours faussé. Pour être juste, il faut étudier le rapport qualité/prix/bénéfice santé. De même pour être juste, j’ai évité de comparer une croquette de supermarché bas de gamme avec une alimentation barf. La différence de prix est évidemment gigantesque. Il faut comparer ce qui est comparable.
- La mastication quotidienne : Elle est trop souvent perçue comme du « luxe » et rapidement écartée du budget - à tort - dans la mesure où cette activité indispensable de l’éthogramme du chien est de nature à elle-seule à le protéger d’une liste impressionnante de troubles comportementaux de compensation. La mastication garantit son bien-être et nourrit ses patrons-moteurs de morsure (indispensable). Je ne vous parle pas des horreurs vendues dans les supermarchés, animaleries et jardineries, peu appétentes, dangereuses et source de tartre. L’activité masticatoire doit s’exprimer sur des friandises séchées de qualité, sans ajout et dont la taille devra être adaptées au gabarit du chien. Pour notre chien de 40 kg, l’activité masticatoire quotidienne reviendra à environ 50-100 euros/mois si on lui propose régulièrement des pattes de chevreuil, nerfs de boeuf ou peaux de buffle ou encore un lickimat bref, des occupations de longue durée, saines et variées. Dans ses études, le comportementaliste aura recours sans trop d’exception à l’activité masticatoire pour aider le chien à se détendre, à vaincre l’ennui, à gagner en autonomie, à ne plus détruire, à se calmer, etc. Entendre que c’est trop cher est difficilement acceptable lorsque l’on observe la race qui a été achetée, son niveau de mal-être et que l’on connaît ses besoins fondamentaux. Et sans parler de race, parlons juste de l’espèce. Un chien ne peut pas vivre sans activité masticatoire. C’est comme vouloir un cheval et s’étonner ensuite de devoir régler le coût du centre équestre.
>>> LES SOINS (affichés chez les vétérinaires).
Je n’entre pas ici dans le débat du « naturel » versus « chimique » ou « pro-vaccination » versus « antivax » ou « pro-vacci-check ». Le sujet de l’article étant le coût, je peux juste dire qu’il est évident qu’un traitement naturel de fond et une vaccination raisonnée coûteront moins cher qu’un traitement chimique mensuel et des rappels annuels. C’est évident.
- La vaccination = environ 60 euros par an à multiplier par deux la première année + 40 euros environ la consultation selon les cliniques, leur localisation.
- Le contrôle vétérinaire = environ 40 euros selon les cliniques, leur localisation.
- Le traitement anti-parasitaire chimique (puces, tiques, vers) = 30 euros la boîte (de 30 à 60 kg de poids en général toutes 4 semaines (selon les recommandations vétérinaires).
Je rappelle que les coûts vétérinaires varient parfois fortement en fonction de la situation géographique dans laquelle vous vous trouvez. Certaines cliniques proposent également des coûts bas pour les publics en difficulté. Elles sont rares mais elles existent.
Pour les chiens qui ont une activité de loisir hebdomadaire (agility, mantrailing, cavage, hooper, troupeau, etc.), il faudra rajouter le coût de l’inscription et des séances qui varient énormément selon les installations, le mode individuel ou collectif.
Je n’ai pas encore mentionné les coûts de la pension de vacances, trop variables d’un lieu à un autre selon que la pension est familiale ou en mode box. Mais ce coût est à ne surtout pas oublier et à prévoir absolument avant d’envisager d’adopter un chien. Compte tenu du nombre d’abandons à la période estivale, c’est un pré requis à répéter et à marteler, à moins évidemment que vous n’emmeniez votre chien avec vous.
Pour les coûts durs (accidents, maladies chroniques, chirurgies, etc.) que personne ne peut budgétiser, il existe l’assurance, vivement recommandée lorsque l’on adopte un chien, qui-plus-est une grande race et elle me semble essentielle quand on en adopte plusieurs. Les coûts d’une assurance varient en fonction de ce que vous souhaitez couvrir évidemment. Le prix des assurances a baissé depuis quelques années. Une bonne couverture ne coûte finalement pas si cher. Une couverture à 60% (chirurgie dont hospitalisation, accident, maladie, diagnostic dont analyses, radio, écho, scanner et IRM, vaccination et frais de stérilisation, frais de pension sur forfait) coûte en moyenne 25 euros/ mois. Pour une prise en charge à 100%, il faut compter environ 50 euros/ mois. Mieux vaut prendre une mutuelle quand le chien est encore jeune et ne pas attendre qu’une maladie se déclare pour y penser. Aucune société ne vous prendra en charge si votre chien est déjà malade. Par contre, certaines mutuelles accepteront votre chien jusqu’à ses 10 ans. Il est très important de bien les étudier avant de faire son choix. Assumer un chien c’est le soigner jusqu’au bout, la vieillesse n’étant pas une maladie. Si les gens optaient plus souvent pour une mutuelle, nous entendrions sûrement moins souvent, « il commençait à vieillir et ça revenait beaucoup trop cher alors nous avons opté pour l’euthanasie ».
Une grande race peut vivre jusqu’à 15 ans, les races géantes dépassent rarement les 10 ans. Pour qu’un chien vive le plus longtemps possible en bonne santé et bien dans ses pattes, il vous faudra l’éduquer et l’entretenir décemment. Le gîte et le couvert ne suffisent pas. Il vous faudra assumer tous ces coûts et vous investir également en temps et en énergie. Financièrement, mieux vaut avoir les reins solides et au niveau temps, mieux vaut être disponible à côté de sa profession. Rêver d’un grand chien est une chose, l’assumer correctement est une autre histoire.
Ne minimisez jamais le coût que représente un chien auprès de qui que ce soit ou pour vous-même. À bien y regarder, si l’on met tout bout à bout, sa charge sanitaire, sociale, financière n’est pas très éloignée de celle d’un enfant. Enfin, si des personnes vous disent que leur grand chien ne leur coûte pas si cher que ça, il n’y a que deux explications : soit elles sont financièrement très à l’aise et peuvent assumer largement les coûts inhérents à la possession d’un grand chien, soit les coûts ont été réduits à leur strict minimum, ne pouvant ainsi pas garantir son bien-être.
Le livre « Le chien, cet animal qui nous échappe », d’Audrey Ventura est disponible ici : https://bit.ly/3t0W9ED
Audrey Ventura
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