01/02/2025
[SERIE SPECIALE EDUCATION POSITIVE : Episode n°2]
Aujourd’hui on va s’atteler à déconstruire quelques clichés sur l’éducation positive.
1️⃣ L’éducation positive, ça ne marche pas avec les chiens agressifs/avec tous les chiens.
Et on commence ce post avec ce cliché-là, parce qu’il est le pourquoi de l’existence d’In Dog We Trust: montrer qu’on peut (et qu’on doit) rééduquer des chiens présentant des troubles du comportement - notamment des chiens mordeurs - en méthode positive. L’éducation positive est basée, entre autres, sur le respect de l’émotionnel du chien. Et s’il y a des individus dont il faut ABSOLUMENT respecter l’émotionnel, c’est bien ceux qui montrent des comportements agressifs - pas parce qu’on a peur de se faire mordre (ou si aussi… et parce qu’on n’est pas dans le show paillettes démonstration de gros muscles) - mais justement parce que s’ils ont grimpé dans leur échelle de communication jusqu’à l’agression (qui représente la dernière marche), c’est bien souvent parce que leur communication et leurs émotions n’ont pas été respectées avec des signaux plus discrets. Respecter le chien, c’est lui faire progressivement, et à son rythme, reprendre confiance en son environnement, et le faire baisser en intensité dans sa communication, jusqu’à tolérer ou accepter ce qui déclenchait des réactions agressives avant la rééducation.
L’éducation positive est adaptée et devrait être l’éducation à privilégier pour TOUS les chiens: les “agressifs”, les “gentils”, les “têtus”, les jeunes, les vieux…
2️⃣ L’éducation positive fabrique des chiens roi.
C’est probablement la plus grosse incompréhension actuelle de l’éducation positive. Oui, l’éducation positive pose des limites et un cadre, mais ce sont les règles de vie que chaque gardien souhaite mettre, et non des règles de vie basées sur une pseudo hiérarchie humain/chien. Parce que la hiérarchie inter-spécifique n’existe tout simplement pas! L’éducation coercitive trouve ses fondements dans une étude des années 40 sur des loups captifs et qui visait à démontrer l’existence d’une hiérarchie linéaire. Cette étude a été reprise dans les années 70 par le zoologue David Mech qui a popularisé le concept de mâle alpha, concept phare de l’éducation “traditionnelle”. 20 ans plus t**d, David Mech réfuta sa propre étude arguant qu’elle était truffée de biais et d’incohérences, c’était en 1999, soit il y a 26 ans… Il est temps d’évoluer, non? Alors pas d’inquiétude, si votre chien monte sur le canapé, mange avant vous sans s’asseoir au préalable (oh sacrilège!), passe les portes avant vous… il ne vous dominera pas. Non, les chiens ne cherchent pas à dominer le monde, les chats sont là pour ça ;) Le chien n’a donc pas à “craindre” son humain pour le “respecter”: crainte n’est pas respect. L’éducation positive vise plutôt à renforcer le lien de confiance et la coopération.
Deuxième démystification: nul besoin d’asséner un “non” pour tenir un cadre, pas même besoin de faire la grosse voix, ni de froncer les sourcils avec le doigt levé. Le “non” n’a pas de valeur éducative, c’est le signe d’un souci dans le processus d’éducation: un comportement mal ou pas appris, une exigence impossible à tenir pour le chien, un mauvaise anticipation de l’humain ou une erreur dans la gestion de l’environnement. Le “non” apprend au chien à craindre la colère de son humain à l’instant T, c’est tout… Alors on ne vous dit pas non plus que vous allez traumatiser votre chien en lui disant non parce qu’il vient de voler un bifteck sur la table et sous vos yeux! Vous avez le droit de ne pas être contents sur le moment. Mais conscientisez juste que votre chien n’aura pas appris grand chose de très constructif, et qu’il faudra ranger le bifteck la prochaine fois et/ou retravailler ce comportement ;) En éducation positive chaque humain fixera le cadre/les règles de vie de son chien, en lui apprenant un comportement désirable en amont, mais aussi en faisant de la gestion d’environnement (le bifteck!). Parce que oui, souvent c’est à l’humain de comprendre et de s’adapter à son chien, et c’est ce qui fait la grande différence avec l’éducation coercitive.
3️⃣ Les friandises, ça ne marche pas.
On entend parfois dire que les friandises ça ne marche pas. La friandise n’est pas une baguette magique, en réalité, elle n’est qu’un outil dont il faut savoir se servir, et qu’il ne faut pas dégainer à toutes les sauces non plus! Sans un minimum de compréhension, au mieux ça ne marche pas, et au pire vous risquez même d’empirer le problème! Utiliser la friandise, c’est avant tout comprendre les lois de l’apprentissage, et respecter un timing, un ordre, un ratio, une manière de la délivrer, et même une taille et une consistance de friandises! Sans ces connaissances, ça peut être peine perdue, et c’est là qu’on entend le fameux “ça ne marche pas”, souvent associé une mauvaise utilisation de la nourriture. Attention, comme on l’a déjà dit, l’utilisation de friandises par un pro ne signifie pas obligatoirement qu’il est en positif! C’est d’ailleurs souvent chez les “semi-positifs” qu’on retrouve sa mauvaise utilisation. Alors si vous rencontrez des difficultés avec votre chien, on vous incite fortement à consulter un pro correctement formé aux méthodes positives et à jour de ses connaissances. On vous rappelle qu’on tient à jour une carte de professionnels qu’on sélectionne avec soin, et qu’on vous communique volontiers - et gratuitement - les coordonnées de pros dans votre secteur géographique. On a également sur la boutique un webinaire sur les lois de l’apprentissage de la super éthologue et éducatrice Margot Fortin, qui pourrait vous aider à faire passer vos entraînements à la vitesse supérieure!
4️⃣ Mon chien n’aime pas les friandises, je ne peux pas l’éduquer en positif.
On reste sur le sujet des friandises avec l’opposé du cliché précédent! La nourriture est un renforçateur dit “primaire” parce qu’il comble un besoin biologique (manger). C’est donc un très bon renforçateur, majoritairement utilisé en éducation positive. En premier lieu, avant de décréter qu’un chien n’aime pas les friandises, il faut en tester plusieurs, plusieurs fois, et dans un endroit calme et connu du chien (dans un environnement trop stimulant ou stressant, il n’est pas rare que le chien ne prenne pas la nourriture). Et si loulou ne s’avère vraiment pas gourmand, il existe d’autres renforçateurs secondaires qui fonctionnent très bien, comme le jeu par exemple: L'éducation positive ne se limite pas à la friandise, loin de là ! Il y a toutes sortes de renforçateurs, et le chien n’apprendra que mieux s’il en a une multitude… Mais le sujet des renforçateurs mériterait un article entier, ce qui nous amène à l’idée reçue suivante!
5️⃣ Le chien n’obéit plus si je n’ai pas de friandises/j’achète mon chien/il va devenir obèse.
On continue avec les friandises qui décidément, soulèvent bien des interrogations! Alors non, on ne va pas gaver le chien de friandises toute sa vie, pour le récompenser d’un même comportement. La friandise va être utilisée dans la phase de construction du comportement (en renforcement transitoire) jusqu’à généralisation/acquisition complète du comportement: donc, pas toute la vie. On passera ensuite sur un renforcement aléatoire (c’est à dire qu’on ne renforce plus systématiquement le comportement, mais une fois sur deux, puis une fois sur trois, puis de temps en temps seulement) et/ou sur des renforçateurs secondaires (c’est à dire qui ne comblent pas un besoin vital, comme la nourriture), tel que le jeu, une caresse (pour ceux qui aiment ça), un tricks ou du baby talk. Bref, n’importe quoi que le chien apprécie : soyez observateurs et inventifs ;)
Dans le processus d’apprentissage du comportement, on paie effectivement le chien: personne ne part bo**er le matin pour un simple “c’est bien”, non? C’est pareil pour le chien: il n’obéit pas pour l’amooooour de son humain (désolée de briser le mythe ;), mais parce qu’il y trouve SON intérêt (par contre, avec une bonne relation, passer un moment avec son humain trooop fier de lui pourra tout a fait devenir une récompense, une fois le comportement acquis)!
Concernant une éventuelle prise de poids, il suffit d’adapter la ration: on peut simplement déduire les friandises de la ration quotidienne, ou utiliser une partie de la ration améliorée avec des ‘tits bouts de jambons, par exemple!
6️⃣ L’éducation positive ça prend beaucoup (trop) de temps à l’humain et/ou pour voir des résultats.
Alors déjà, pas forcément: parfois, il s’agit juste d’aménager l’environnement (bruits blancs, brise vue…), d’ajuster son attitude humaine (posture, position, déplacement…) ou de changer de matériel (harnais ergonomique plutôt que collier aversif, longe longue à la place d’une laisse courte, etc). Ces modifications sont bien souvent rapides à mettre en place, avec un impact parfois instantané sur le comportement du chien.
En revanche, lorsque notre chien présente des comportements associés à des difficultés émotionnelles (peur, colère, frustration, anxiété, excitation, etc), l’éducation positive prend effectivement plus de temps, puisqu’elle est justement basée sur le fait de comprendre d’abord les causes multi-factorielles (soucis de santé, génétique, environnement, relationnel, besoins non comblés…) qui se jouent au-delà de la face visible de l’iceberg, plutôt que de s’attacher uniquement à modifier les comportements visibles, qui en sont symptomatiques.
Par ailleurs, modifier l’état émotionnel du chien face à ce qui génère ces émotions, ne peut se faire QUE de manière progressive (sorry, les solutions express n’existent pas en la matière, si on vous fait croire le contraire, fuyez!). Un humain ne dépasse pas sa phobie des araignées depuis qu’il a 4 ans en 1h chez le psy… Il a besoin d’un accompagnement graduel sur le long-terme pour y parvenir: pour le chien, c’est exactement la même chose! Ça prend du temps oui, mais savoir que notre chien a développé des compétences durables et se sent plus serein face à des situations qui le mettaient en grosse difficultés ou détresse auparavant, c’est un cheminement qui en vaut la chandelle!
Et en dehors du comportement, si on parle juste d’éducation, il faut savoir que les performances d’apprentissage en positif sont bien meilleures qu’en coercitif: le chien apprend mieux et plus vite. Pourquoi? Entre autres, parce qu’il y trouve son intérêt et qu'il ne subit pas de stress. Vous le voyez ce golden qui, tout bébé tout mignon, sautait sur les invités pour leur dire bonjour, mais qui rendu à 35kg entendra toute sa vie, des “paaas bougeeeeer” quand les invités arrivent (parce qu’il saute toujours sur les-dits invités)? C’est pourtant rapidement solutionnable en positif, via la modification du comportement et/ou la gestion de l’environnement. Au final, on gagne beaucoup de temps à prendre le temps de mener un apprentissage en positif correctement, plutôt que de passer sa vie à vociférer sur son chien parce qu’il n’adopte pas le comportement souhaité. On gagne aussi du temps à se faire accompagner avec son chiot par un bon pro qui saura vous guider, plutôt que de devoir faire une rééducation comportementale une fois adulte, parce qu’on n’a pas vu les problèmes pointer le bout de leur truffe, quand loulou était une boule de poils trop mignonne. Mieux vaut prévenir que guérir !
7️⃣ L’éducation positive ne ”confronte” pas le chien à ses difficultés, donc il ne pourra jamais progresser.
Il y a une grande différence entre IMMERGER le chien dans une situation où on sait déjà qu’il ne sera pas capable de gérer vs l’EXPOSER GRADUELLEMENT à une situation, après l’avoir aidé à bâtir des compétences pour savoir comment la naviguer sereinement, sans le mettre en difficulté. Mettre volontairement le chien dans une position où ça va être trop dur pour lui, non seulement c’est contre-productif et vraiment pas bienveillant, mais en plus ça peut aggraver la problématique par effet rebond.
L’idée est d’exposer aux difficultés, en restant sous le seuil de tolérance du chien. Imaginez que vous avez peur de l’eau: est-ce que ça vous aiderait vraiment d’être balancés de force dans la piscine de 4m de profondeur dès votre premier cours? Ou est-ce que ce serait pas plus facile de ne plus avoir peur si on vous laisse d’abord observer la piscine de loin, avant de vous donner la possibilité de vous en approcher à votre rythme, de vous asseoir sur le rebord, puis de tremper les orteils, puis les chevilles, puis de marcher dans l’eau du petit bassin en vous y avançant petit à petit, jusqu’à pouvoir y plonger votre corps sans paniquer? Nous on dit, “la question est vite répondue”…
8️⃣ L’éducation positive, c’est juste ignorer les mauvais comportements.
Voilà aussi un des grands arguments des éducateurs en traditionnel, ou de ceux qui n’ont pas tout bien compris. Non, on ne se contente pas d’ignorer les mauvais comportements: parce que ça ne marcherait souvent pas, et que dans certains cas, ça risquerait même de générer de la frustration, qui peut devenir colère, et donc potentiellement dangereuse. Comprendre l’origine et le but du comportement qui nous dérange, combler les besoins du chien, empêcher le chien de se renforcer dans ce comportement, gérer l’environnement et enseigner un comportement alternatif, c’est un peu plus qu’ignorer!
Pour résumer, avec l’approche positive, c’est pas *juste* le résultat observable qui compte (les comportements visibles du chien, donc); mais *comment* on parvient à ce résultat (un chien bien dans ses pattes et sa tête, et un humain devenu allié)! Parce que, si on se pose la question 2 secondes: est-ce que ça vaut VRAIMENT le coup que notre chien semble “parfait” en apparence, si au fond de lui il est malheureux/souffre physiquement/est totalement résigné sur le fait qu’il ne peut pas compter sur son propre humain pour l’aider quand il en a besoin?
Voilà pour ce tour, sûrement pas exhaustif sur les idées reçues autour de l’éducation positive; dites-nous en commentaire si on a oublié des clichés ;)
📷 Avec en photo d’illustration notre Monmon national (toujours à l’adoption) sur le canapé et allongé sur une mini humaine (oh mon dieu, c'est foutu, il la domine !).
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Céline et Oriana au clavier