15/12/2023
La posture du cheval, je vous en parle souvent
Elle impacte tellement sa santé, son équilibre, le votre et la façon de régler et d’utiliser le materiel…
Quelques explications par ma collègue Nolwenn
Réhabilitation posturale- Exploration des profondes connexions entre la posture du cheval, sa performance et son bien-être avec le Dr Karen Gellman
EDIT : La posture de compensation anormale illustrée ici (la chèvre sur son rocher), si elle est accompagné d'un amaigrissement, d'une fonte musculaire ou encore d'une grande fatigue, peut être le signe que le cheval est touché par la maladie du motoneurone. C'est une maladie à traiter en URGENCE. Si vous avez un doute, consultez votre vétérinaire.
Il y a quelques jours, j’ai pu assister à une conférence en ligne autour d’un sujet qu’on aborde peu : la posture du cheval. Elle était dispensée par le Dr Karen Gellman, chercheuse américaine à la tête d’une équipe qui a travaillé durant 20 ans sur la posture des chevaux et des chiens (Maximum Horsepower Research, c’est le nom de son équipe).
Déjà, définissons ce mot qui peut être amalgamé facilement avec d’autres. La posture, c’est la réponse fonctionnelle des différentes parties du corps à la gravité. Lorsque qu’on ajoute du mouvement, on obtient la locomotion. Il ne faut pas confondre avec la position qui est un arrangement conscient des parties du corps (assis ou couché par exemple). La conformation est, quant à elle, définie par la longueur des os et leur arrangement entre eux.
Mais pourquoi s’intéresser à la posture des chevaux ?
Les chevaux, les humains et les chiens ont co-évolué avec nous, accompagnant les changements dans notre mode de vie. Le monde moderne a modifié les conditions d’entretien, la nutrition, la quantité de mouvement et la sélection de nos montures. Modifiant au passage, la posture des chevaux domestiques en comparaison de ceux qui évoluent à l’état sauvage.
Le Dr Gellman définie la posture neutre (NNP) comme étant celle la plus efficace pour combattre la gravité en minimisant les efforts : les canons perpendiculaires au sol et le dos droit. C’est celle qui était communément adoptée par les populations de chevaux sauvages étudiés (deuxième photo)
La posture de compensation normale (NCP) est l’altération interne ou externe qui mène à une posture involontaire. Par exemple, le cheval qui se soulage un pied à cause d’une blessure, le cheval qui joue ou celui qui se tient sur trois pieds pour le maréchal.
Mais venons-en à la partie qui nous intéresse le plus : la posture de compensation anormale (ACP)
Cette posture est en lien avec un disfonctionnement des connexion neurales au système nerveux responsable du contrôle de la posture. Les malformations ou dommages des structures du corps riches en mécanorécepteurs sont les causes les plus communes de posture de compensation anormale :
- Les articulations et muscles cervicaux
- Les membres et plus particulièrement les sabots
- La dentition et l’ATM (articulation temporo-mandibulaire)
La posture de compensation anormale la plus connue est celle de « la chèvre sur son rocher » : les antérieurs campés en arrière, les postérieurs campés en avant, la tête haute (c’est la première illustration). C’est malheureusement une posture omniprésente dans le monde équestre mais cela ne signifie pas qu’elle est normale. Au contraire, ce genre de posture mène à des douleurs fonctionnelles et pathologiques comme des contracture ou des douleurs musculaires et une surcharge chronique des articulations et tissus mous. Ce qui conduit à des ostéoartrites du jarret, des douleurs aux membres, des Conflits de Processus Epineux ou des desmite du suspenseur.
Mais quelle est la cause de ses postures anormales de compensation ?
Il y en a plusieurs. Mais selon le Dr Gellman, l’emploi d’outils provoquant des traumatismes dans les régions de la tête et des cervicales est un facteur important. Tout instrument qui permet d’appliquer une plus grande force sur la nuque est traumatisant pour les structures profondes (enrênements, mais aussi pratique du Rölkur, pression du licol lorsque le cheval tire au renard etc…)
A savoir que la position de la mâchoire joue un rôle essentiel dans la posture (un cheval prognate ou vivant avec une mâchoire décalée verra sa posture modifiée). La position pour manger entre aussi en ligne de compte tout comme le type d’alimentation et la morphologie de la tête. A l’état sauvage, les chevaux mangent à des hauteurs différentes (herbe plus haute ou plus basse en fonction des saisons) et des aliments de dureté variable. Le cheval domestique mange souvent à la même hauteur et la même chose, ce qui limite l’usure de ses dents, raison pour laquelle ils dépendent de nous pour les entretenir.
Les sols et les distances parcourus ne sont pas les même qu’à l’état sauvage non plus. Les chevaux sont exercés de façon intensive pour de courtes périodes au lieu d’une activité modérée toute la journée et manquent d’exposition à des terrains variés pour user la corne. L’environnement domestique altère aussi les réponses comportementales et posturales. L’isolement supprimant les comportements de troupeau ordinaires, causant du stress.
Et concrètement, comment les postures de compensation anormales affectent-elles la vie des équidés ?
Les changements dans les structures ou les relations entre tête, nuque, dos, les problème d’occlusion dentaire et le déséquilibre des pieds affectent de façon critique les signaux neuraux envoyés aux centres responsables de la posture. Les signaux altérés créés des postures compensatoires qui impactent de façon chronique l’équilibre et la locomotion. Le déséquilibre et les allures détériorées mènent à la blessure.
En conclusion :
-L’habileté d’un animal à maintenir une posture neutre est critique pour son intégrité musculosquelettique et ses capacités de guérison.
-Les postures compensatoires anormales affectent la capacité à se tenir debout, la locomotion et la santé émotionnelle.
-La vie domestique et urbaine a un impact significatif sur la santé et le bien-être des chevaux.
Maintenant que vous avez toutes ses notions en tête, concentrons-nous sur l’étude menée par le Dr Karen Gellman pour comprendre comment aider les chevaux à améliorer leur posture. Car oui, contrairement à la conformation, la posture est réversible. (ouf, enfin une bonne nouvelle !)
Dans l’étude réalisée, 8 chevaux sains au pas et au trot mais présentant une posture de compensation anormale « chèvre sur son rocher » ont suivi un protocole de réhabilitation. Même si les chevaux paraissent sains, leurs radios de pieds étaient mauvaises. Sur 8 chevaux, 4 étaient naviculaires et 4 souffraient de dommages liés à la fourbure. Tous avaient des soucis de restriction de mâchoire antéro-postérieur. C’en est suivi un protocole de 18 mois comprenant une correction dentaire tous les 6 mois, 2 cycles complets de pousse de pied avec ajustement à tous les cycles de parage et de 2 à 5 séances de réajustement physio en fonction du cheval. Le tout, dans le but de retrouver un système neural sain et que le cheval soit capable de se tenir en une posture neutre seul. Si les pieds et les mâchoires ne sont pas fonctionnels, aucun travail sur la posture n’est possible. Pour les chevaux âgés, la réhabilitation est beaucoup plus difficile (peu de dents à ajuster et asymétrie profonde), la clef reste la prévention.
L’intervenante a conclu sur un exemple qui m’a beaucoup parlé puisqu’en lien direct avec le saddle-fitting. Elle avait un cheval difficile à seller car très large et au garrot noyé. Elle l’a confié en réhabilitation à des professionnels qu’elle avait rencontrés avant de se consacrer à ce sujet d’étude. Et il s’est avéré que son garrot n’était pas du tout noyé. Il se tenait en fait tellement campé sous lui que son garrot était rentré dans ses épaules. Une fois qu’il était guéri, il avait un garrot bien développé et le seller n’a plus été un problème. C’est une excellente conclusion pour ajouter que la selle n’est qu’un outil, qui ne peut fonctionner correctement que sur un cheval sain.
Edit : Précision concernant la posture de compensation anormale illustrée sur la photo (la chèvre sur son rocher). Si elle est accompagnée d'autres symptômes tels qu'un amaigrissement, une fonte musculaire ou une grande fatigue, il peut s'agir de la maladie du neurone moteur qui est à prendre en charge en URGENCE. En cas de doute, consultez votre vétérinaire.
J’ai mis un peu de temps à vous rédiger ce compte-rendu étant donné la densité de cette présentation, la difficulté de la traduction et la répartition des informations. J’ai dû mettre beaucoup d’ordre dans mes notes pour vous rendre ça cohérent.
La prochaine fois, ça sera une formation sur la biomécanique du cheval d’obstacle et de dressage.
A bientôt et,
Prenez soin de vous et vos chevaux,
Nolwenn Lemaire