29/06/2023
L'importance de la connaissance des races lorsqu'on choisit un chien est souvent mise au dernier plan (en tout cas derrière le physique malheureusement trop souvent) n'oublions pas que les chiens sont des êtres vivants et sensibles, et que les effets de mode ne devraient pas exister dans le monde canin 💙
🐾 LE MALINOIS, UN SURDOUÉ EN SOUFFRANCE 🐾
Il est beau, il est classe, il comprend tout, avec lui, on se croirait tout droit sorti d’une série policière, quelle fierté de se promener avec son Malinois ! Quelle allure lorsqu’il trottine près de son maître, toujours en demande d’interaction, capable de saisir en un clin d’œil ce qu’il attend de lui. Le Malou n’a jamais été autant plébiscité… et pourtant, il n’a jamais autant souffert.
Le Malinois est très à la mode depuis bientôt une décennie. Les Français ont un penchant pour les races bergères, c’est indéniable. Choisir une race bergère pour de la pure compagnie, sans partager d’autres activités physiques et mentales avec son compagnon que quelques balades, c’est pourtant courir à la catastrophe. J’en veux pour preuve le nombre incalculable de Bergers Australiens, Borders, et bien sûr Malinois, qui se retrouvent abandonnés ou euthanasiés parce qu’achetés par des particuliers n’ayant aucune connaissance réelle de ces races. Ce qui représente une grande majorité des gens, soyons honnêtes. Ces chiens peuvent sans aucun doute convenir à des particuliers, à condition de respecter plusieurs points : ne pas choisir une lignée de travail si l’on ne compte pas confier des missions quotidiennes à son chien / ne pas être naïf et penser que l’éducation (et l’amouuur) feront tout / connaître, accepter et combler les besoins de son chien, et être informé des différents patrons-moteurs que peuvent présenter ces animaux. Le degré d’expression de ces patrons-moteurs est variable en fonction des individus, mais ces derniers NE DOIVENT PAS ÊTRE IGNORÉS quand on choisit de partager sa vie avec un chien d’une race précise. En adoptant un Malinois, par exemple, on s’expose au risque d’avoir un chien qui « protège », et qui peut parfois se montrer offensif. Ce n’est pas parce que votre Malinois précédent ou celui de la voisine laisse rentrer tout le monde chez lui en remuant la queue, que le petit nouveau fera de même. Il faut garder en tête que certains individus sont des exceptions au sein de leur race, et ne surtout pas en faire des généralités, au risque de déchanter très vite.
Lorsque ses besoins d’activité physique et mentale sont comblés, et que le calme lui a aussi été enseigné, le Malinois est un compagnon extraordinaire. Mon point de vue en gênera peut-être certains, mais il devrait cependant être réservé à des personnes averties, qui ont conscience que l’animal qu’ils ont entre les mains, selon la qualité de vie qu’ils lui offriront, pourra s’avérer être un trésor comme une calamité. J’ai croisé beaucoup de Malous équilibrés : tous pratiquaient des activités avec leurs humains (agility, détection, obéissance, dog dancing, vous avez l’embarras du choix avec le Malinois, il sait tout faire !), ainsi que de longues promenades quotidiennes (et pas trente minutes de tour du quartier en rentrant du travail). Avoir un Malou équilibré est le fruit d’un savant équilibre : si on l’écoutait, ce chien serait toujours partant pour bouger. Or, il est nécessaire qu’il apprenne aussi à respecter quelques plages de repos dans la journée, et qu’on lui enseigne le fameux on/off, car le Malinois est un chien qui peut rapidement devenir accro à l’adrénaline. Avec les autres chiens, par exemple, j’ai parfois vu des Malinois pratiquer le harcèlement, aboyant sur un congénère jusqu’à ce que ce dernier dégoupille et se mettent à charger, ce qui provoque chez le Malou une décharge d’adrénaline qui l’amuse beaucoup ! Il est préférable de privilégier les interactions canines calmes, et de s’éloigner des autres chiens si Mister Malou monte en excitation.
Le Malinois est souvent la victime numéro 1 des personnes en mal d’autorité, éducateurs/trices y compris. De par sa sélection récente pour le travail au sein de l’armée et des forces de police, le Malinois est certes un chien avec un mental fort, capable « d’encaisser » une éducation coercitive jusqu’à un certain point, mais à quoi bon ? Il comprend tout et n’a besoin ni de collier étrangleur, ni de coups de sonnette, ni de hurlements pour comprendre ce qu’on attend de lui. Et, sous sa carapace, il reste un chien doté d’une sensibilité certaine qui fait que certains individus, soumis à un dressage incohérent et/ou violent, finissent par ne plus en pouvoir et par se rebeller… et là, ça fait mal.
Le Malinois de ces dernières décennies a été sélectionné en partie sur ses capacités au mordant. Il est capital d’en avoir conscience. Je me souviens de ma collègue éducatrice qui me racontait être allée en séance dans une famille qui avait acheté un chiot Malinois (de lignée travail !) auquel elle ne proposait aucune activité, et qui s’étonnait de se retrouver avec un petit crocodile à la maison. Le chiot restait suspendu aux vêtements des enfants… un trait de comportement intéressant quand on travaille dans les forces de police, mais certainement pas pour un chien destiné à la compagnie ! La puissance de morsure du Malinois est très développée, et il est important d’en avoir conscience quand on adopte ce type de chien.
Enfin, avant d’être employé comme chien de défense ou de recherche, le Malinois a également été employé comme chien de troupeau. J’en ai d’ailleurs vu plusieurs travailler sur ovins et ils démontrent encore aujourd’hui de belles aptitudes. Moins obsessionnel que le Border à l’idée de gérer tout ce qui bouge, le Malinois reste un berger, et certains ne se gêneront pas pour courir derrière voitures, vélos, trottinettes ou coureurs. Ce qui bouge a tendance à exciter le Malinois, c’est d’ailleurs pour cela qu’il est si souvent accro aux jeux de balles (qui peuvent être une grande source de bonheur partagé si les jeux de lancer ne dépassent pas quelques minutes consécutives de temps en temps, et sont correctement encadrés). Or, en milieu urbain, un berger est stimulé en quasi-permanence. Prévoyez d’être capable de gérer cet aspect du comportement de votre chien si vous envisagez de vivre avec un Malinois.
Pour conclure, le Malou est un chien à ne pas mettre entre toutes les mains. Doté d’une énergie débordante, d’un grand besoin de « se rendre utile » et d’interagir avec son humain, d’une tendance à défendre sa maison/ses humains (qui peut être flatteuse au début mais s’avérer gênante voire dangereuse à la longue, d’autant que le Malinois est un chien qui peut se montrer offensif, nous l’avons vu) et enfin d’un penchant pour tout ce qui bouge, court ou s’enfuit, je le maintiens, le Malou est un chien à réserver à des connaisseurs. Si vous n’êtes pas certain(e) de pouvoir le gérer, alors renoncez à lui. J’aime profondément les Malinois, malgré le portrait un peu alarmiste que j’en fais. Parce que j’estime qu’aimer une race, c’est avant tout être honnête sur ses qualités et ses défauts, et que c’est justement en banalisant ces derniers, parce qu’on souhaite à tout prix offrir au grand public une « image positive » d’une race, qu’on précipite bon nombre de chiens vers un foyer inadapté, et malheureusement, vers un destin funeste.
(En photo : Le Malinois est capable d’endosser n’importe quel rôle… sauf celui de chien-canapé !)
Elsa Weiss / Cynopolis
© Tous droits réservés - 2023