24/05/2023
Post très intéressant qui montre l'envers de la médaille d'être à son compte. Oui on l'a voulu, oui notre métier est une passion et oui on adore prendre soin de vos loulous, c'est indéniable et c'est ce qui nous motive mais les "à côtés" : l'administratif, la comptabilité, la gestion, la communication, l'organisation etc. Tout ça prend du temps et doit s'apprendre ce qui fait beaucoup de choses à gérer surtout quand on est seul à devoir tout se rappeler, tout noter et renoter.
Ça fait du bien de lire, que oui on a le droit de pas être au top tout le temps, d'avoir quelques "loupés" sans être un mauvais pro ou une mauvaise personne.
Je trouve important de partager ce message de tolérance et de compréhension envers tous les micro-entrepreneurs☺️
Être à son compte n'est pas un sentier pavé de roses.
Aujourd'hui, j'éprouve le besoin de vous écrire ces lignes. J'ai toujours veillé à être honnête avec vous, c'est important pour moi, mais ce post sera probablement l'un de ceux où j'aurai le plus mis à nu mes ressentis. C'est dur, ça me fait peur de prendre ce risque, mais j'ai besoin, sans complainte, sans justification, de vous exposer des faits, les miens, ma modeste réalité.
Je suis fatiguée. Très fatiguée. C'est difficile à vivre pour moi, plus encore à admettre, mais ce qui est d'autant plus déstabilisant, c'est de prendre conscience, au fil des conversations avec d'autres pros ces derniers jours, d'à quel point je ne suis pas la seule à ressentir cette fatigue lourde comme une enclume posée sur les côtes.
Je ne prétendrai parler au nom de personne d'autre que moi-même dans ce texte, et ça sera déjà beaucoup, mais j'aimerais à travers ces mots, peut-être, aider à délier un peu les langues, qu'on ose enfin parler ouvertement de ce revers de la médaille que représente le fait d'être à son compte. Si au moins un·e pro, en lisant mes lignes, se sent soulagé·e et se dit « je ne suis pas seul·e », je me dirais que ce n'était pas vain.
Ce n'est pas simple de parler de ce sujet, pour de nombreuses raisons. En premier lieu, à cause de cette injonction épouvantable à la perfection qui plane sur les professionnel·les. Combien de pros osent dire quand ils ont fait une erreur ? Ne se sont pas sentis à la hauteur ? N'ont pas réussi à accompagner un client comme ils l'auraient souhaité ? Au delà d'un quelconque ego, admettre ouvertement avoir été dans le faux à un moment donné de son parcours, c'est prendre le risque de se jeter en pâture aux lions.
En pâture, oui, car ce métier n'est pas tendre. Tous les jours je vois des posts où les critiques fusent. Pas seulement entre des "équipes opposées", mais même entre des personnes (pas uniquement pros) qui, pourtant sur le papier, semblent viser les mêmes objectifs et avoir les mêmes valeurs. Ces guerres m'épuisent terriblement, à tel point que je n'ose plus poster, proposer mon modeste point de vue sur un sujet, car au delà des débats sains et constructifs, je sais qu'il y aura toujours quelques personnes dans l'ombre pour jeter l'opprobre sur le propos et, par extension, sur la personne qui l'a rédigée.
Quand on est à son compte, pas le droit à l'erreur, car personne n'est irremplaçable, et un pro qui avoue avoir échoué, qui ne semble pas parfaitement fiable, est un pro que l'on ne rappellera pas.
Lorsque l'on voit une micro-entreprise, on voit une entreprise, on imagine une structure solide qui braverait les tempêtes aussi solidement qu'un phare. Mais le mot central ici, c'est "micro". Derrière ce type d'entreprises, la plupart du temps, il n'y a qu'une seule personne. Un modeste être humain. Tout seul. Une personne qui doit être à la fois, dans mon cas, éducatrice, oui, mais aussi comptable, secrétaire, gestionnaire, webmaster, formatrice, coach, community manager, publicitaire, photographe, graphiste... le tout en veillant à être ponctuelle, à se former en permanence, à être toujours souriante, professionnelle, courtoise, pédagogue et patiente.
Mais derrière tous ces métiers, il y a une seule personne. Une personne qui est fatiguée après sa journée de travail. Une personne qui doute parfois (souvent). Une personne pour qui son entreprise ne représente pas juste "un investissement", mais un petit bout de son être proposé au monde.
De tout ça, on n'en parle pas assez. De la charge mentale considérable que représente une entreprise individuelle qui non seulement nous tient à cœur, mais est aussi le seul moyen d'obtenir un revenu. De tous ces trucs et ces machins qu'il faut noter en continu, partout, pour ne rien oublier. De ces anticipations financières à faire pour envisager de prendre quelques jours de "vacances" (qui ne sont que des jours sans solde). De cette profonde déception envers soi-même d'avoir eu le malheur de louper un RDV ou de ne pas avoir su accompagner une personne comme on l'aurait voulu. Du dos qui se tend quand un stage s'annule, en voyant une partie de son salaire s'envoler avec. De ces critiques reçues régulièrement, qui viennent rajouter des pierres dans un sac à dos parfois déjà bien plein. De cette fatigue ressentie, physique, émotionnelle ou mentale, mais qu'on s'oblige à taire, parfois un peu, souvent trop, parce qu'on soit fatigué ou pas, ce fameux salaire ne nous tombera pas magiquement entre les mains à la fin du mois.
Pas de revenu minimum assuré lorsque l'on est à son compte. Pour gagner, il faut travailler, même quand notre corps et notre cœur n'y ont pas goût. Et c'est là que ce qui est censé être un cadeau devient une prison. Nous devenons prisonniers de ce métier passion qui devait nous rendre libres.
J'en ai pris conscience il y a très peu de temps, en constatant que j'ai repris le travail littéralement cinq jours après le décès de Vulcain. En lisant, sidérée, que je vous ai écrit le 16 janvier "je vais mieux, une étape après l'autre". Là, comme une gifle, j'ai pris conscience que non, bien-sûr que non je n'allais pas bien, mais je n'ai pas eu le choix de reprendre. Les frais vétérinaires ayant été sidérants, je devais reprendre, que je sois écorchée vive ou pas.
Mon entreprise ne m'a pas autorisée à faire le deuil du chien de ma vie, de celui grâce à qui elle a vu le jour. Mon entreprise ne m'a pas permis de pleurer celui qui l'a fait naître.
Quelle douleur que d'en prendre conscience.
Je n'attends pas des politiques de veiller à la santé physique et mentale des personnes qui créent leur entreprise en proposant un fonctionnement plus sécurisant. Je n'ai pas du tout cette ambition avec mon petit post Facebook. Mon souhait aujourd'hui, c'est d'essayer, au moins, de faire prendre conscience que derrière de jolies photos ou des posts de partage de réussites, il y a parfois lourd à porter.
A présent, je ne vais pas parler forcément de moi, mais rappeler quelques importances :
Si vous avez un pro qui vous accompagne, qu'importe son métier, n'hésitez pas à lui dire quand vous avez apprécié son travail.
Mettez un avis positif sur sa page ou sa fiche Google pour l'aider à développer son entreprise. Ça ne vous coûte littéralement rien mais ça peut faire tellement.
Pardonnez-lui quand iel a quelques minutes de re**rd dans une journée trop chargée.
Ne lui sautez pas au visage si iel a fait une erreur dans un post ou un conseil. Ça arrive, on est humains, comme vous.
Si vous n'aimez pas le travail d'un·e pro, gardez en mémoire qu'il n'est pas nécessaire de lui envoyer au visage ce que vous pensez de son travail. Les mots peuvent faire des dégâts considérables.
Prenez conscience que quand vous annulez un cours, surtout au dernier moment, vous retirez littéralement une partie du salaire à la personne que vous aviez sollicitée a départ.
Comprenez que quand vous négociez un tarif, vous manquez de respect. Votre salaire n'est pas remis en question tous les mois, cette stabilité financière vous permet de dormir sur vos deux oreilles. Prenez conscience que cette stabilité, nous ne l'avons pas.
Gardez en tête que le pro que vous contactez n'est pas qu'un pro, mais a aussi et même avant tout une vie personnelle. Exiger des réponses pour dans la demi-heure, c'est oublier qu'il n'y a pas que vous dans le monde.
Et parce que ce post ne serait pas complet sans ça : Merci. Merci à mes client·es formidables qui me font passer de si chouettes moments. Merci à celleux qui ont fait preuve de tant de douceur quand Vulcain est parti. Merci à celleux qui me pardonnent quand il m'arrive de faire une erreur. Merci à celleux, l'écrasante majorité, heureusement pour mon intégrité, qui viennent largement compenser et embellir ce revers de médaille qui est parfois lourd à porter.
J'ai de la chance d'avoir des clients comme vous. Merci de me faire confiance chaque jour.
A mes confrères et consœurs qui se sentent, même un peu, concernés par ces lignes, je vous envoie tout mon soutien et toute ma tendresse. Prenez soin de vous. Vous êtes la personne la plus importante de votre vie.
Ce post est probablement très maladroit, mais sachez seulement que comme tous mes écrits, il est rédigé avec le cœur.
De mon côté, rassurez-vous, je vais prendre soin de moi.
Des bisous sur vos truffes.
Aura - Céline Herrant
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