11/09/2024
J'utilise personnellement la métaphore d'un mur à monter, brique après brique, sur de solides fondations 🧱
[la tour de cubes, notre chien et nous]
Lorsque je travaille avec des clients sur les comportements réactifs de leur chien, j'aime à leur expliquer que le travail que nous faisons ensemble s'apparente à la tâche d'un jeune enfant qui construit une tour en cubes. Ce parallèle aide à comprendre beaucoup de points clés :
🍁 Lorsqu'on choisit de travailler dans le respect des émotions de l'animal, de son intégrité physique et affective, on part du principe que les apprentissages doivent aller à la vitesse que le chien est capable d'engranger, et pas plus rapidement. Cela constitue la base de notre tour, ses fondations : si nous voulons que ces apprentissages durent dans le temps, nous nous devons de donner au chien des conditions de travail qui favorisent la tenue dans le temps des apprentissages : une santé solide, des besoins comblés (sécurité, alimentation adaptée, dépenses physiques, cognitives, masticatoires...), une relation solide et basée sur la confiance, un environnement adapté et le moins stressant possible...
Si chaque cube de notre tour constitue un apprentissage, alors les empiler rapidement et sans base solide aura l'effet escompté : une progression rapide, un assemblage fragile, et une dégringolade au moindre coup de vent (ce que créént les méthodes basées sur la coercition, le "dressage", bref, les méthodes qui consistent à éteindre des comportements sans passer par la case analyse de la globalité de l'environnement du chien).
Lors d'un bilan comportemental, et tout au long du suivi, il est donc quasi systématique que les conseils donnés portent sur des modifications d'environnement, des "mises en vacances" du chien pour faire redescendre son taux de stress, un changement de méthodes éducatives pour favoriser la confiance et la coopération, le développement de la relation... avant même d'engager un travail de modification comportementale
🍁 Parfois, le socle sur lequel nous montons notre tour est bancal avant même d'avoir démarré : la génétique, les expériences traumatiques, les conditionnements déjà en place... font que nous devrons consolider la base avant de pouvoir commencer à empiler nos cubes.
Exemple concret : un chien, que nous appellerons Pif, a été abordé de façon répétée et mis en difficulté par des congénères irrespectueux, voire agressifs. Pif voit alors son seuil de tolérance diminuer vis-à-vis des autres chiens, et potentiellement apparaîtra du trauma, ou tout au moins une sensibilisation. En réponse, Pif se retrouvera contraint d'agresser ses congénères pour les faire reculer. Cette réponse faisant son petit effet (les chiens s'en vont lorsqu'il tente de les pincer), Pif se renforce dans ce schéma de comportement, et celui-ci devient un automatisme. Lorsque le professionnel intervient pour aider la famille de Pif, il devra alors non seulement aider Pif à reprendre confiance en ses congénères (désensibilisation, contre-conditionnement...), mais également déconstruire les comportements déjà existants pour reconstruire un historique comportemental nouveau.
Ainsi, non seulement nous devrons consolider la base de notre tour, mais potentiellement enlever des cubes fragiles qui menacent de la faire s'effondrer, pour la remplacer par des cubes solides et sécuritaires
🍁 Une fois la base consolidée, nous devons alors travailler à l'empilement des cubes. Plus ils seront nombreux, plus nous aurons de matériaux à notre disposition pour construire une tour solide : chaque compétence gagnée par le chien et par l'humain sera alors une corde à leur arc pour gérer des situations délicates.
La désensibilisation à ce qui effraie/frustre/met en colère le chien, les techniques de gestion des croisements, les exercices de renforcement du lien, l'apprentissage du langage corporel du chien... sont autant de cubes, de compétences que nous, professionnels du chien, nous devons de transmettre à nos clients, pour que leur tour soit solide et protectrice pour le chien
🍁 Pour aider notre chien à monter correctement sa tour de cubes, nous nous devons d'obtenir certaines compétences. Or, comme dans toute discipline, la progression vient avec l'entraînement : le travail réalisé en séance avec le professionnel ne PEUT PAS être le seul créneau d'entraînement.
Pour monter une tour de cubes, l'enfant doit travailler sa motricité (sinon, il mettra sans cesse des coups dans les cubes qui feront s'effondrer la tour), sa concentration, sa précision... L'humain qui accompagne le chien, lui, doit développer les compétences apprises en séance de suivi comportemental pour devenir plus autonome dans la rééducation de son chien.
S'il est nécessaire de le repréciser : les professionnels du comportement n'ont pas de baguette magique. Oui, nous disposons des compétences nécessaires pour construire la tour à votre place. Mais cela ne peut pas être notre but final, ni le vôtre. Ponctuellement, il peut être nécessaire pour débloquer un palier d'apprentissage, que nous prenions la main pour consolider vos gestes, et permettre au chien de rentrer dans les apprentissages. Mais la finalité de tout suivi comportemental, reste l'agrandissement de la boîte à outils de l'humain, pour permettre au chien de vivre avec quelqu'un qui le comprend, et qui pourra l'aider au quotidien à vivre en paix dans sa tour, à l'abri des intempéries
Juliette Sastre
Yes We Dog - Education & Comportement canin