
08/07/2025
Avec les cours, j'ai remonter la pente avec entrain. Et ce n'est pas si facile à faire. Mais maintenant, grâce à des mots que je retrouve partout, je peux mieux m’exprimer :
Depuis 11 mois, j’ai réappris le français à l’écrit et à l’oral. Au début, j’étais muet, et il m’était impossible d’écrire.
Quand on a un AVC (accident vasculaire cérébral) touchant les hémisphères gauche ou droit, cela peut provoquer de nombreux dégâts.
Dans mon cas, c’est l’hémisphère gauche qui a été touché. La motricité du côté droit était affectée, je ne pouvais plus parler et je bavais.
Au début de la rééducation, j’étais cloué au lit. J’étais handicapé, mon pied et ma main droite étaient paralysés. J’ai réappris à marcher en quinze jours.
Mais pour la main, cela a été plus long. J’ai travaillé mes muscles grâce à la kinésithérapie et à des exercices en ergothérapie. J’ai aussi été suivi par une orthophoniste pour améliorer ma motricité fine, afin de retrouver l’usage de ma main droite. J’ai réappris à attraper, à toucher, à caresser.
Cependant, j’ai perdu 5 % de mes capacités.
Maintenant, c’est sur mon langage que je travaille tous les jours. Quand quelqu’un te parles, tu peux lui répondre avec les mots comme tu veux.
Il te dit, par exemple, « Comment ça va ? Qu’est-ce qui est arrivé ? »
Et toi, tu peux lui répondre : « Ça va. J’ai eu un accident, mais ce n’est rien. La voiture a été abîmée »
Dans mon cerveau, je n'arrivais plus à trouver les mots. C'était impossible de les chercher. Comme un enfant, j’étais complètement perdu.
On me demandait mon Prénom. Je comprenais ce qu’on me disait. Je connaissais la réponse : "Nicolas", mais les fichiers n’étaient plus là.
C’était impossible, vraiment impossible.
Donc, j’ai réappris le français. En septembre, on me montrait des images, et je devais dire la réponse. Je me souviens d'un mot : RAISIN. Je le connaissais, je le reconnaissais, mais je n’arrivais pas à le retrouver. Ça m’a mis une claque.
Quand on fait un AVC qui touche le langage, comme cela m’est arrivé, c’est très étrange. Je reconnaissais le raisin : je connaissais son goût, sa texture, la grappe… mais les mots avaient disparu.
C’est comme un fichier, tu reconnais le fruit, tu connais la texture, mais dans ton esprit, le mot n’existe plus. Il n’y a plus rien. C'était le néant.
Heureusement, je reconnais mon fils, ma compagne, ma famille et mes amis. Sinon, cela m'aurait fait du mal.
Donc, je suis remonté dans le passé, comme un enfant d’un an, un an et demi, je dirais. J’ai réappris tout ce que l’on fait avec les enfants.
On m’a fait refaire l’alphabet, compter, faire des additions, des soustractions, des multiplications, des divisions.
Je travaillais mon vocabulaire, puis je faisais de la grammaire. J’écrivais de petits textes en y intégrant le sujet, le verbe, les adjectifs, les compléments et les adverbes. Je travaillais aussi la conjugaison : au début, j'étais au présent, puis j’ai réappris l’imparfait, le passé simple, le passé composé, et enfin le futur et le plus-que-parfait.
Ce n’est pas facile de vous expliquer la situation que j’ai traversée. En même temps, je me relève malgré les tourments, la déprime, des moments très difficiles… Mais je trouve aussi que la vie peut être belle, avec de bons moments partagés avec ma compagne, mon fils, mes sœurs et frères, mon père, mes amis… Et c’est ça le plus important.
Nicolas Greveldinger