18/07/2024
Le plus souvent, lorsque j'interviens dans un foyer où se trouve un chiot et que je parle des apprentissages dits « de base », on me répond « assis, couché, pas bouger ». C'est à ce moment-là où je me rends compte d'à quel point l'humain ne se rend pas compte de la multitude d'apprentissages à mettre en place autres que ceux qui sont cités ci-dessus. Parce qu'on ne va pas s'en cacher : ceux-là, on peut tout à fait s'en passer et pourtant, le chien ira très bien dans notre société d'humains. Mais alors voilà, quels sont donc les apprentissages « de base » à mettre en place avec un chiot qui, je le rappelle, est avant tout un bébé ?
Le premier apprentissage, et pas des moindres, est la construction du lien. Votre chiot va apprendre à vous faire confiance, à vous percevoir comme étant un repère, un ancrage, un pilier au quotidien. Pour pouvoir faire naître la confiance, il faudra éviter de le mettre dans des situations anxiogènes dans lesquelles il devra se débrouiller seul mais aussi et surtout passer du temps de qualité avec lui. C'est là où la confiance se construit : lorsqu'il saura qu'il peut compter sur vous et à la fois passer du bon temps à vos côtés sans jamais se sentir menacé par votre présence (on évite donc de lui enlever des ressources sans les échanger, de l'enguirlander quand il fait « une bêtise », on aménage l'environnement, etc.). Une fois que le lien est présent, une étape conséquente sera franchie et cela facilitera au passage le rappel par exemple pour ne citer que cet apprentissage. Cependant, attention, ce n'est pas parce que vous avez une belle relation sur les débuts qu'elle restera ainsi tout au long de la vie de votre chien. A vous ensuite de maintenir les mêmes efforts, de faire preuve de bienveillance et de cohérence dans les apprentissages, pour que ce lien puisse continuer de grandir. (Eh oui, ce n'est pas parce qu'une fleur a poussé que pour autant, on arrête de l'arroser !)
Le fait d'apprendre à votre chiot à rester seul une fois qu'il aura pu bâtir du lien et se sentir en sécurité à vos côtés a également son importance. Le but étant qu'il perçoive vos absences, au début de simples allers retours entre deux pièces, comme étant parfaitement banals, comme si vous ne faisiez qu'aller aux toilettes. Cet apprentissage est particulièrement important car il permettra à votre chiot de se rasséréner même lorsque vous n'êtes pas en sa présence. Je me souviens encore avoir vu Shani dormir durant ma première vraie absence et qu'est-ce que c'est génial de voir son chiot parfaitement à l'aise alors que son humain n'est pas dans la même pièce que lui ! N'oublions pas que la solitude n'a absolument rien de naturel chez le chien, c'est donc un apprentissage comme un autre à mettre en place dès tout jeune.
La socialisation est également un apprentissage particulièrement important, sachant qu'elle est malheureusement mal faite la plupart du temps. Car la socialisation n'est pas une affaire d'interaction mais bien d'exposition. Rien ne sert donc d'aller en plein milieu d'un marché avec votre chiot en invitant tout le monde à lui faire des papouilles contre son gré, vous ferez pire que mieux. La socialisation se doit d'être progressive, au rythme du chiot, afin qu'il puisse observer son environnement comme il le souhaite pour s'en approcher petit à petit.
Pour Shani, la socialisation a débuté fort car nous habitions en plein centre ville alors qu'elle venait d'un coin de campagne paradisiaque où peu de voitures passaient. Cela a donc pris une semaine avant qu'elle ne soit volontaire pour sortir dans la rue. Une semaine à raison d'une sortie de quelques minutes par jour pour qu'elle puisse observer, depuis la haie de devant, les voitures passer, les piétons marcher, les poussettes, les autres chiens, etc. Chaque pas dans la rue était renforcé par des félicitations verbales et par des friandises, et chaque pas vers la porte d'entrée était facilité pour qu'elle se rassure directement sans se sentir contrainte à rester dans un environnement qui lui faisait un peu peur. Au bout d'une semaine, elle a pris la décision de partir pour une vraie balade et là, ça a été le déclic, plus besoin désormais de rester près de la porte d'entrée.
La socialisation, ce n'est pas aller au contact de tous et tout le temps, ce n'est pas non plus contraindre son chiot à être manipulé, pas plus que ce n'est le faire rencontrer tous les congénères du monde. Shani n'a eu l'occasion de communiquer réellement qu'avec six chiens au total lorsqu'elle était chiot, tous choisis car ils communiquaient bien et de telle sorte à lui apporter un gabarit et une couleur différente pour qu'elle se familiarise avec la diversité de son espèce. Tous les autres congénères ont simplement été croisés dans la rue, sans qu'elle n'aille au contact. Faites bien la différence entre les moments d'interactions pour parfaire la communication d'un chiot et les moments d'exposition liés à la socialisation car tous les chiens adultes ne sont pas en capacité de bien communiquer avec un bébé.
Pour finir, des soins coopératifs ont été mis en place afin de lui permettre de percevoir positivement les manipulations auxquelles elle aurait droit tout au long de sa vie. Nous avons donc eu l'occasion de travailler sur la coupe des griffes, les gouttes dans les yeux, la manipulation des pattes et de la queue, etc. En résumé, le but était avant tout qu'elle ne perçoive pas ces manipulations comme étant aversives mais bien comme étant positives, ou a minima quelque chose de neutre. Et que de temps gagné ! Que de facilité à présent pour lui faire des soins divers et variés ! Alors bien sûr, ne vous attendez pas à pouvoir mettre en place une véritable coopération dès tout chiot, c'est parfois un peu laborieux. Disons que si déjà on parvient à les garder sur un tapis de léchage le temps des premières manipulations, c'est déjà beaucoup pour certains. Maintenant, tout dépend du chiot. Avec Shani, ça s'est fait très progressivement, quelques secondes par session, avec peu de manipulations et des friandises de très forte valeur. C'est également durant ces soins coopératifs que vous pouvez faire comprendre à votre chiot qu'il a le droit de donner ou non son consentement, tout comme vous pouvez le faire sur des moments plus anodins du quotidien, comme lors des séances papouilles.
A mon sens, les quatre apprentissages de base sont la construction du lien, la solitude, la socialisation et les soins coopératifs. On est donc bien loin du « assis, couché, pas bouger » et... Ce n'est pas plus mal à vrai dire car ce qu'on cherche à avoir n'est pas un chiot qui maîtrise les bases de l'obéissance sportive mais bien un chiot qui peut grandir en étant bien dans ses pattes. Vous remarquerez que je n'ai pas parler ici du rappel, du renoncement ou bien encore de la marche en laisse. Ils ont, eux aussi, leur importance. Pour autant, je les vois comme découlant de ce qui a été dit ci-dessus. Le rappel, avec la construction d'une bonne relation, est nettement simplifié et le renoncement également. La marche en laisse est également bien plus simple durant la période de socialisation si on fait des périodes de pause, si on apprend au chiot à s'asseoir et à observer par moment, à prendre des odeurs sereinement. Car certains tirent en laisse pour se soustraire à une situation anxiogène, autant donc prendre le problème à la racine et mettre en place une socialisation saine.
Les apprentissages prioritaires visent à apporter au chiot de quoi se sentir à l'aise, en votre présence ou sans, et dans les environnements qu'il sera amené à côtoyer en sachant qu'il pourra compter sur vous dans toutes les situations possibles et imaginables. Ce sont ceux-là, à mes yeux, les apprentissages de base dont vous aurez besoin tous les deux.
© Toutougether - Nicoline Droogmans
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