10/02/2025
SE REMETTRE EN QUESTIONS, ÇA FAIT PEUR, MAIS ÇA PERMET D'AVANCER : ALORS, ON EN PARLE DE LA RÊNE D'OUVERTURE ?
Je viens d'avoir une conversation édifiante avec une jeune femme sur Instagram. J'y ai partagé un reel expliquant que l'on pouvait monter son cheval sans tirer sur les rênes pour le diriger - entre autres. Je monte mon beau Phoebus en liberté, démontrant en images l'inutilité de la rêne d'ouverture pour faire tourner un cheval dans une belle incurvation. Et elle me dit "N'importe quel moniteur ou professionnel vous le dira. Les nombreux témoignages le confirment, vous seul pensez comme ça. Le bon vieux livre de galop vous le dira, rêne d'ouverture ≠ tirer." ( J'ai fait copier coller, sans corriger les fautes, pour les tatillons. )
Je passe sur le fait que je suis ce que l'on appelle une "professionnelle" et que cela contredit déjà sa 1ère phrase. Et sur le fait que mon mari l'a aussi été bien longtemps, enseignant le dressage jusqu'à la Haute École, et qu'il partage mon point de vue.
Comme je l'ai expliqué à cette jeune personne, le principe d'une rêne d'ouverture, c'est que tu écartes ta main de l'encolure du cheval, disons vers la gauche, pour inviter le bout du nez de ton cheval à se porter dans cette direction, et donc amener le cheval à tourner vers la gauche. Pourquoi cela fonctionne-t-il ? Parce que le cheval a préalablement appris à céder à la tension exercée sur la rêne. Donc dès lors qu'il sent la tension dans la rêne du fait de l'écartement de ta main, il suit le mouvement. S'il n'y avait pas de tension, alors la rêne serait inutile, n'est-ce pas ? Cela signifie que tu pourrais te poser sur ce cheval qui connait bien la rêne d'ouverture, le laisser tête nue, écarter la main, et le voir tourner dans la direction indiquée.
Le hic, c'est que ça ne fonctionne pas. Eh oui, tirer, c'est exercer une tension. Même si elle n'est que de quelques grammes. Sans rênes on ne peut pas tirer. Donc on ne peut pas faire de rêne d'ouverture... Donc si c'est ainsi que le cheval a appris à tourner, sans cette tension il ne tourne pas ! Parce que la rêne d'ouverture apprend au cheval à tourner en déséquilibre. Elle entraîne une tension sur la rêne, donc sur la bouche ou le nez du cheval, et "tire" sa tête vers l'intérieur. Déséquilibré par ce mouvement, le cheval reporte du poids sur son épaule extérieure, qui reste en arrière. Or, pour s'incurver il a besoin de l'avancer, au contraire. C'est pourquoi quand tu lâches vraiment cette rêne intérieure ton cheval ne tourne plus.
Pour que ton cheval s'incurve, laisse tes rênes tranquilles. Respire, sens le mouvement de ton cheval en-dessous de toi. Détends-toi complètement pour laisser ton corps l'accompagner. Chaque fois que le postérieur intérieur quitte le sol et s'avance, ta fesse intérieure descends. Suis ce mouvement, visualise ta courbe, et quand tu le sens, laisse simplement ta jambe intérieure se relâcher plus encore et descendre, au niveau du point d'équilibre du cheval, comme pour augmenter ce mouvement de balancier, et accompagne la courbe avec l'avancée de ton épaule extérieure, comme tu veux que le cheval avance la sienne. Si besoin, tu peux t'aider en avançant en même temps ta main extérieure pour toucher délicatement la base de l'encolure de ton cheval. Cela t'évitera de te tenir trop penchée en arrière et t'aidera à trouver une meilleure position.
Et là, magie, ton cheval va tourner !!
Pourquoi n'apprend-on pas ça dans le "livre des galops" ? Ou en poney club ? Parce que c'est mille fois plus subtil. Pas difficile, non, mais subtil. Il faut apprendre à respirer. À se détendre totalement. À ressentir ce qui se passe sous la selle. À poser son intention au bon moment tout en la laissant prendre vie dans son corps. Mais avant tout ça il faut apprendre à lire son cheval, à le comprendre et à le rassurer. Pour lui permettre de commencer cet échange dans le calme, en étant disponible à notre interaction. Et il faut apprendre à changer nos plans s'il s'avérait que ce jour là, à ce moment là, lui ou nous n'étions pas disponible sur le plan psycho-émotionnel. Et comment vendre ça dans notre société de consommation ? Comment dire à l'humain que le cheval est un être sensible dont on ne peut pas disposer comme on l'entend ? Que l'on ne peut pas forcer à faire ce que l'on veut ? ( Enfin quand on l'aime et qu'on le respecte... )
Pourtant, pour moi, c'est ça l'équitation ! La belle, celle qui permet un échange simple, facile et épanouissant avec le cheval ! Celle qui se pratique sans force aucune. Avec douceur et bienveillance, dans l'écoute. Celle qui te fait grandir et qui t'apprend à aimer. Celle qui te laisse sur un nuage quand tu descends de cheval, sans tension ni fatigue aucune dans ton corps, pas plus que dans celui de ton partenaire. Celle qui te fait vibrer de toute ton âme !
Alors oui, on t'a appris à tourner avec une rêne d'ouverture. Mais non, les moniteurs de ton poney club ne sont pas les meilleurs cavaliers de la terre, et toutes les réponses pour amener un cheval vers la légèreté et l'équilibre ne sont pas dans ton livre des galops. Si tu rêves d'équilibre et de légèreté, tu devras oublier tout ce que tu as appris et repartir de zéro. Alors oui, ça fait mal à l'égo. Mais celui qui n'est pas prêt à se remettre en questions n'avancera jamais. Alors que préfères-tu ? T'accrocher à tes acquis ou avancer vers l'accomplissement de tes rêves ?
Personnellement, je ne me suis jamais considérée comme une bonne cavalière. Parce que j'ai toujours cru et je crois toujours que je peux faire mieux; Que je peux faire plus léger encore, plus doux encore, que je peux suivre les mouvements de mon cheval mieux encore, que je peux l'aider mieux encore à développer son équilibre et sa légèreté. Par nature, je ne crois rien de ce que l'on me dit. J'écoute tout, je teste si ça me parle ou si ça me semble une théorie à explorer, et je tire mes conclusions de la pratique. Et si aucune des réponses que l'on me donne ne me convient, je cherche ma réponse par moi-même. Et si ces réponses passent par plus de main, plus de jambes, tu peux être sûre que je passe mon chemin !! J'écoute ce qui se passe dans mon corps, et comment y répond le corps de mon partenaire équin. Je modifie ce qui se passe en moi, j'écoute et je ressens les changements, et je valide une chose après l'autre. Par la pratique, par la réponse de mes chevaux.
Et toi qui me lis, serais-tu prête à remettre en questions tout ce que tu as appris jusqu'ici pour chercher un chemin vers l'équilibre et la légèreté ? Serais-tu prête à renoncer à chercher à contrôler ton cheval pour commencer à apprendre à danser avec lui ? Ou suis-je la seule à préférer me laisser guider par mes rêves et par mes chevaux plutôt que par une institution dont les meilleurs cavaliers sont ceux qui brillent en concours de nos jours et font couler tant d'encre sur la maltraitance animale ? Parce que c'est là qu'ils aspirent à te mener, les livres des galops...
L'équitation doit changer, pour le bien du cheval. Et ça passe par une remise en question de la façon dont elle est enseignée. Et donc de la façon dont chacun l'a apprise...
PS : Retiens bien que je ne me considère pas comme une bonne cavalière. Je suis seulement une cavalière en recherche de douceur et d'harmonie... qui tient au sens des mots.