Le Grand Marché transatlantique
En 2013, l’UE et les Etats-Unis ont entamé des négociations en vue de conclure un accord de partenariat transatlantique sur le commerce et l’investissement. Ce serait l’un des accords de libre-échange et de libéralisation de l’investissement les plus importants jamais conclus, représentant la moitié du PIB mondial et le tiers des échanges commerciaux. Or il se négo
cie dans l’opacité la plus totale, alors que cet accord pourrait avoir des conséquences considérables dans bien des domaines (agriculture, énergie, internet, services,…). Il vise en effet le démantèlement ou l’affaiblissement de toutes les normes qui limitent les profits des entreprises, qu’elles soient européennes ou états-uniennes et inscrit le droit des multinationales au dessus de celui des Etats. Nous devons faire dérailler ces négociations pour stopper le projet d’accord ! LE MANDAT CI DESSOUS EST PARTAGE TOUS LES JOURS EN IMAGE
Le mandat de négociation du Grand Marché Transatlantique = TAFTA = PTCI
Il s’agit du document daté du 17 juin 2013 du Conseil de l'UE qui a été adopté le 14 juin par la section Commerce du Conseil des Affaires étrangères où siégeait pour la France Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur. La version officielle du document n’existe qu’en anglais et sa diffusion est interdite. Le texte de la traduction officieuse qui suit est en italiques grasses. Directives pour la négociation du Partenariat transatlantique sur le Commerce et l'Investissement entre l'Union européenne et les Etats-Unis d'Amérique Nature et portée de l’Accord
1. L’Accord comprendra exclusivement des dispositions applicables entre les Parties au commerce et aux domaines en rapport avec le commerce. L’accord devrait confirmer que le partenariat transatlantique sur le commerce et l’investissement est basé sur des valeurs communes, en ce compris la protection et la promotion des droits de l’Homme et de la sécurité internationale.
« Les domaines en rapport avec le commerce » : une formulation qui permet d’aborder pratiquement toutes les activités humaines ; des « valeurs communes » ? Aux USA, l’Etat n’est pas le gardien du bien commun ; les services publics et la sécurité sociale sont délaissés au profit du secteur privé ; la religion est omniprésente ; le système juridique est différent de celui de 26 des 28 Etats de l’UE qui pratiquent comme tous les pays de Brest à Tokyo un droit continental chargé de valeurs humanistes (l’individu est aussi un être collectif) absentes de la Common law anglo-saxonne ; la peine de mort et la vente libre des armes sont des pratiques légales ; le pays n’est pas lié par les conventions sociales de l’OIT, par la convention sur la diversité culturelle de l’UNESCO, par les conventions internationales sur les droits de l’Enfant, sur le respect de la biodiversité, sur le changement climatique, sur la Cour Pénale Internationale. Comment ose-t-on évoquer les droits de l'Homme quand il s'agit d'établir un "partenariat" avec un pays qui a soutenu les pires dictatures en Amérique latine, qui a soutenu les dictatures en Espagne, en Grèce et au Portugal, qui pratique la torture et la détention arbitraire (Guantanamo), qui a initié l'invasion et l'occupation d'un Etat souverain, qui soutient sans réserve l'occupation des territoires palestiniens et les pratiques dans ces territoires des forces d'occupation ? La référence à la « sécurité internationale » confirme le propos de Mme Clinton : le grand marché transatlantique est « un OTAN économique ». Comme l’OTAN, il sera placé sous la tutelle américaine.
2. L’Accord sera ambitieux, global, équilibré et pleinement compatible avec les règles et obligations de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). L’ambition est clairement affichée : parvenir à une réalisation complète des objectifs des accords de l’OMC dont la finalité - dérégulation totale au profit du secteur privé – n’a pas encore été atteinte.
3. L’Accord prévoira la libéralisation réciproque du commerce des biens et services ainsi que des règles sur les questions en rapport avec le commerce, avec un haut niveau d’ambition d’aller au-delà des engagements actuels de l’OMC. Il s’agit ici du rappel de deux des trois grands domaines couverts par les accords de l’OMC (accès au marché ; commerce des services) avec la volonté annoncée d’aller au-delà de ce que ces accords prévoient.
4. Les obligations de l’Accord engageront tous les niveaux de gouvernement. L’Accord s’appliquera non seulement aux Etats de l’UE, mais également à toutes les composantes de ces Etats : en France, les Régions, les Départements, les Communes ; en Belgique, les Communautés, les Régions, les Provinces, les Communes ; en Allemagne, les Lander et les Communes, …
5. L’accord devra être composé de trois éléments essentiels : (a) l’accès au marché, (b) les questions de réglementation et les barrières non tarifaires (BNT), et (c) les règles. Les trois composantes seront négociées en parallèle et feront partie d’un engagement unique assurant un résultat équilibré entre l’élimination des droits et l’élimination des obstacles réglementaires inutiles au commerce et une amélioration des règles, pour parvenir à un résultat substantiel dans chacune de ces composantes et l’ouverture effective des marchés des uns et des autres. Il s’agit d’une synthèse des matières soumises à la négociation et de la méthodologie de la négociation : le parallélisme des matières pour aboutir sur l’ensemble à un engagement unique contraignant ; on notera qu’il s’agit d’éliminer des droits et des obstacles « inutiles » au commerce. On est bien dans la phraséologie de l’OMC où sont considérés comme « obstacles inutiles » des législations et réglementations sociales, salariales, sanitaires, phytosanitaires, environnementales et écologiques. Préambule et principes généraux
6. Le préambule rappellera que le partenariat avec les États-Unis est fondé sur des principes et des valeurs cohérentes avec les principes et les objectifs communs de l’action extérieure de l’Union. Il fera référence, notamment, à:
- Des valeurs communes dans des domaines tels que les droits de l’Homme, les libertés fondamentales, la démocratie et l’Etat de droit;
- L’engagement des Parties envers le développement durable et la contribution du commerce international au développement durable dans ses dimensions économiques, sociales et environnementales, en ce compris le développement économique, le plein emploi productif et un travail décent pour tous, ainsi que la protection et la préservation de l’environnement et des ressources naturelles;
- L’engagement des Parties à un accord pleinement respectueux de leurs droits et obligations découlant de l’OMC et favorable au système commercial multilatéral;
- Le droit des Parties de prendre les mesures nécessaires pour atteindre les objectifs légitimes de politique publique sur la base du niveau de protection de la santé, de la sécurité, du travail, des consommateurs, de l’environnement et de la promotion de la diversité culturelle telle que prévue dans la Convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, qu’elles jugent appropriées;
- L’objectif commun des Parties de prendre en compte les défis particuliers auxquels font face les petites et moyennes entreprises en contribuant au développement du commerce et de l’investissement;
- L’engagement des Parties de communiquer avec toutes les parties intéressées, y compris le secteur privé et les organisations de la société civile. On reconnaît ici la phraséologie caractéristique des textes européens où ce qui est affirmé est presque toujours le contraire de ce qui est appliqué. Car la pratique quotidienne de l’UE, qui découle des décisions prises collégialement par les gouvernements comme des initiatives de la Commission européenne, dément totalement les intentions décrites ici. Qu’il s’agisse des droits de l’Homme (articles 22 à 26 de la Déclaration universelles de 1948 : droit à la sécurité sociale, au travail, à un niveau de vie suffisant, au repos et aux loisirs, à la santé, à l'éducation...), du « développement durable dans ses dimensions économiques, sociales et environnementales » du respect de la diversité culturelle ou de la volonté de communiquer avec la société civile, rien dans la pratique présente des institutions européennes ne permet d’accorder crédit à ces engagements. Faut-il rappeler les directives européennes qui organisent le démantèlement du droit du travail, les recommandations de la Commission européenne relatives aux budgets des Etats membres qui forcent à la privatisation des services publics, à la « réforme » des retraites, le soutien de cette même Commission aux OGM, aux pesticides et son hostilité au respect de la diversité culturelle considéré comme « réactionnaire » par Barroso ? De surcroît, ces bonnes intentions sont contredites par la volonté de respecter les engagements pris dans le cadre de l’OMC et le parti pris idéologique en faveur d’un libre-échange totalement dérégulé. i
Objectifs
7. L’objectif de l’Accord est d’accroître le commerce et l’investissement entre l’UE et les USA en réalisant le potentiel inexploité d’un véritable marché transatlantique, générant de nouvelles opportunités économiques pour la création d’emplois et la croissance grâce à un accès accru aux marchés, une plus grande compatibilité de la réglementation et la définition de normes mondiales. Il s’agit d’aller au-delà de tout ce qui a déjà été concédé dans les accords entre l’UE et les USA pour créer un marché unique totalement libéralisé avec toujours la même promesse jamais confirmée de création d’emplois et de croissance. En effet, quand donc la libéralisation de la distribution du gaz, de l’électricité, de l’eau, du transport ferroviaire s’est-elle traduite par de la création d’emplois, par un moindre coût pour le consommateur et par une amélioration de la qualité du service fourni ? Et quelles sont les promesses avancées cette fois ? Une augmentation du PIB de 0,5 % et la création de 400.000 à 500.000 emplois (il y a 26,5 millions de chômeurs dans l’UE au 30 juin 2013), à l’horizon 2027.ii Dans 14 ans ! De qui se moque-t-on ? Quant à l’ambition de définir des « normes mondiales », elle doit nous rappeler que les USA mènent parallèlement des négociations avec onze pays riverains du Pacifique dont l’objectif est d’obtenir un alignement des normes de ces pays sur les normes américaines. On voit mal les USA accepter le contraire dans la négociation avec les Européens. Les « normes mondiales » recherchées seront les plus basses et les moins protectrices (sauf pour les investisseurs et leurs actionnaires).
8. L’Accord devrait reconnaître que le développement durable est un objectif fondamental des Parties et qu’il visera à assurer et faciliter le respect des accords et des normes environnementales et sociales internationales tout en favorisant des niveaux élevés de protection de l’environnement, du travail et des consommateurs, compatible avec l’acquis européen et la législation des Etats membres. L’Accord devrait reconnaître que les Parties n’encourageront pas le commerce ou l’investissement direct étranger par l’abaissement de la législation et des normes en matière d’environnement, de travail ou de santé et de sécurité au travail, ou par l’assouplissement des normes fondamentales du travail ou des politiques et des législations visant à protéger et promouvoir la diversité culturelle. Cet article est de la poudre aux yeux pour rassurer ceux qui ont envie de l’être. Comment accorder le moindre crédit à cette rhétorique alors que toutes les politiques décidées au niveau européen depuis une trentaine d’années vont dans le sens opposé ? Comment passer sous silence que la jurisprudence de la Cour de Justice de l’UE donne la priorité au droit de la concurrence sur les législations salariales et sociales des Etats membres (Arrêt Viking, Arrêt Laval, Arrêt Rüffert, Arrêt Commission contre Luxembourg) ? Comment taire le fait que la Commission européenne, au nom de la concurrence libre et non faussée, dépose plainte à l’OMC contre un Etat ou la province d’un Etat au motif que des tarifs préférentiels sont consentis aux producteurs qui favorisent le contenu local de la construction d’éoliennes et de panneaux solaires (affaire UE/USA/Japon contre la province canadienne de l’Ontario)? Comment prendre au sérieux le fait d’invoquer des conventions internationales auxquelles le futur « partenaire » refuse d’adhérer : conventions sociales de l’OIT, protocole de Kyoto, convention sur le respect de la diversité culturelle de l’UNESCO ? On notera que chaque fois qu’il s’agit d’évoquer des garanties, le verbe utilisé est conjugué au conditionnel (« devrait ») et non plus au futur simple (« devra »). On est bien en présence d’un vœu. Rien qu’un vœu.
9. L’Accord ne devra pas contenir des dispositions qui risqueraient de porter préjudice à la diversité culturelle et linguistique de l’Union ou de ses États membres, en particulier dans le secteur audio-visuel, ni limiter le maintien par l’Union et par ses États membres des politiques et mesures existantes qui visent à soutenir le secteur de l’audiovisuel compte tenu de son statut spécial dans l’UE et ses Etats membres. L’Accord ne pourra pas affecter la capacité de l’Union et de ses Etats membres à mettre en œuvre des politiques et des mesures tenant compte des développements dans ce secteur et en particulier dans l’environnement numérique. Cette bonne intention va se heurter à la volonté du gouvernement des USA qui refuse toute mise à l’écart de la négociation d’un secteur quel qu’il soit. Voir aussi les commentaires aux articles 21 et 44. Ce dernier fragilise cette disposition du mandat. ACCÈS AUX MARCHÉS
Commerce des marchandises
10. Obligations et autres exigences sur les importations et les exportations
Le but sera d’éliminer toutes les obligations sur le commerce bilatéral, avec l’objectif commun de parvenir à une suppression substantielle des droits de douane dès l’entrée en vigueur et une suppression graduelle de tous les tarifs douaniers les plus sensibles dans un court laps de temps. Durant les négociations, les deux Parties examineront les options pour le traitement des produits les plus sensibles, en ce compris les contingents tarifaires. Tous les droits de douane, taxes, redevances ou taxes et restrictions quantitatives à l’exportation vers l’autre partie, qui ne sont pas justifiées par des exceptions découlant de l’Accord seront supprimées dès l’application de l’Accord. Les négociations traiteront des questions concernant les derniers obstacles au commerce des biens à double usage qui affectent l’intégrité du marché unique. L’objectif est clairement annoncé : la suppression de tous les droits de douane. On a pu lire dans des journaux très favorables à cette négociation (Le Monde, Le Figaro, Libération, Les Echos) que cette disposition est peu importante puisque « les droits de douane sont déjà très faibles ». Ce qui est vrai, à deux exceptions majeures près : le textile et l’agriculture. Dans le secteur agricole, les droits de douane pratiqués en Europe demeurent importants. S’ils sont moins élevés aux USA, cet écart ne justifie pas les subventions massives du gouvernement américain à l’agriculture et à l’agro-industrie. Supprimer ces droits en Europe provoquera une catastrophe agricole majeure : perte de revenus pour les agriculteurs, chute des exportations agricoles françaises, arrivée massive de soja et de blé américains avec OGM, industrialisation accrue de l’agriculture européenne. Selon l’agroéconomiste Jacques Berthelot, l’application de cette disposition du mandat «accélérerait le processus de concentration des exploitations pour maintenir une compétitivité minimale, réduirait drastiquement le nombre d’actifs agricoles augmenterait fortement le chômage, la désertification des campagnes profondes, la dégradation de l’environnement et de la biodiversité et mettrait fin à l’objectif d’instaurer des circuits courts entre producteurs et consommateurs. »
11. Règles d’origine
Les négociations viseront à concilier les approches de l’UE et des USA pour les règles d’origine afin de faciliter le commerce entre les Parties, ce qui implique de tenir compte des règles d’origine de l’UE et des intérêts des producteurs de l’UE. Elles devraient également viser à garantir que des erreurs administratives sont traitées de façon appropriée. Suite à une analyse par la Commission des conséquences économiques possibles, et en consultation préalable avec le Comité de la politique commerciale, la portée du cumul avec des pays voisins qui ont conclu des accords de libre-échange (ALE) avec à la fois l’Union européenne et les Etats-Unis sera prise en compte. Les règles d’origine varient considérablement entre l’UE et les USA et de part et d’autres les producteurs sont très peu enclins à renoncer aux appellations de leurs produits et aux processus de fabrication qu’elles désignent. Cette harmonisation équivaut en fait à une régression et on est en droit de douter, vu les propositions passées de la Commission européenne (voir l’Organisation commune du marché du vin) qu’elle soit déterminée à protéger les règles d’origine en vigueur en Europe.
12. Exceptions générales
L’Accord comprendra une clause d’exception générale fondée sur les articles XX et XXI du GATT. Il s’agit d’exceptions prévues par les Accords du GATT (Accord général sur tarifs douaniers et le commerce) de 1947 intégrés dans les Accords de l’OMC en 1994.iii
13. Mesures antidumping et compensatoires
L’Accord devrait inclure une clause sur les mesures antidumping et les mesures compensatoires, tout en reconnaissant que chacune des Parties peut prendre des mesures appropriées contre le dumping et/ou les subventions passible de mesures compensatoires conformément à l’Accord de l’OMC sur la mise en œuvre de l’article VI de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 ou à l’Accord de l’OMC sur les subventions et les mesures compensatoires. L’Accord devrait établir un dialogue régulier sur les questions de défense commerciale. Excellente disposition ; le problème, c’est l’absence de volonté de la Commission européenne d’appliquer les mesures antidumping qu’on trouve dans les accords de libre-échange passés entre l’UE et certains pays lorsque ces derniers pratiquent un véritable dumping. L’idéologie ou des intérêts particuliers l’emportent sur la défense des intérêts européens.
14. Garanties
Afin de maximiser les engagements de libéralisation, l’Accord devrait contenir une clause de sauvegarde bilatérale par laquelle l’une ou l’autre Partie peut retirer, en partie ou en totalité, les préférences là où un accroissement des importations de produits de l’autre partie provoque ou menace de provoquer un dommage grave à son industrie nationale. Le commerce des services et l’établissement et la protection des investissements
15. Le but des négociations sur le commerce des services sera de lier le niveau autonome existant de libéralisation de chacune des Parties au plus haut niveau de libéralisation atteint dans les ALE existants, en conformité avec l’article V de l’AGCSiv, et s’appliquant substantiellement à tous les secteurs et à tous les modes de fourniture, tout en réalisant de nouveaux accès au marché en éliminant les obstacles d’accès au marché qui existent encore depuis longtemps, reconnaissant le caractère sensible de certains secteurs. En outre, les USA et l’UE vont inclure des engagements contraignants afin de fournir de la transparence, de l’impartialité et une procédure équitable en ce qui concerne l’octroi de licences et les exigences de qualification et de procédures, ainsi que pour améliorer les disciplines réglementaires inclus dans les ALE actuels US et EU. L’UE propose de s’aligner sur le plus haut niveau de libéralisation existant qui résulte des accords de libre-échange en vigueur tout en étendant ce niveau à tous les secteurs et à tous les modes de fournitures de services. C’est l’application intégrale de l’AGCS (Accord général sur le commerce des services), géré par l’OMC. Cette disposition va même au-delà de l’accord intervenu lors de la conférence ministérielle de l’OMC, à Hong Kong, en 2005.v Ce qui est recherché, c’est la libéralisation totale de toutes les activités de service, qui, avec l’application du traitement nationalvi conduit mécaniquement à leur privatisation. La santé, la sécurité sociale et l’éducation n’échapperont pas à ce processus. Rappelons que l’OMC a procédé à une classification des activités de service : il y a 160 catégories regroupées en 12 secteurs. Rien n’échappe à cette classification.
16 Les Parties devraient convenir d’accorder un traitement non moins favorable à l’établissement sur leur territoire des firmes, des filiales ou des succursales de l’autre Partie que le traitement accordé à leurs propres firmes, filiales ou succursales, en tenant dûment compte du caractère sensible de certains secteurs spécifiques. Il s’agit là, présenté sous forme d’un vœu, d’une manière d’énoncer le principe du traitement national en laissant entendre qu’il pourrait y être dérogé dans certains secteurs. Les bonnes âmes penseront qu’il s’agit de protéger la santé, la sécurité sociale ou l’éducation. Il s’agit en fait d’une demande du secteur bancaire européen dont les filiales aux USA sont soumises aux contraintes de la loi Dodd-Franck de juillet 2010 relative à la séparation des activités bancaires et à d’autres mesures prises suite à la crise financière. Les lobbies financiers américains soutiennent cette demande européenne, car ils espèrent échapper à cette loi une fois celle-ci remise en cause par l’Accord suite à la demande de l’UE et de ses gouvernements relayant les attentes des banquiers européens.
17. L’Accord devrait mettre en place un cadre de travail afin de faciliter la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles. Les gouvernements européens ont cédé à une demande ancienne de la Commission européenne qui veut créer un marché du travail européen – dérégulé, cela va de soi. La reconnaissance des qualifications professionnelles dans l’espace atlantique est une voie pour y parvenir puisque cet espace englobera les 28 Etats de l’UE.
18. L’Accord n’écartera pas l’application des exceptions sur la fourniture de services qui seraient justifiées en vertu des règles pertinentes de l’OMC (articles XIV et XIV bis de l’AGCS). La Commission devrait également garantir que rien dans l’Accord n’empêche les parties d’appliquer leurs lois, réglementations et exigences nationales concernant l’entrée et le séjour, pourvu que, ce faisant, ils n’annulent ou ne compromettent les avantages découlant de l’Accord. Les lois, règlements et exigences de l’UE et des États membres en matière d’emploi et de conditions de travail continueront de s’appliquer. Le grand marché transatlantique ne s’appliquera pas aux exceptions prévues à l’application de l’AGCSvii. Il s’agit de la confirmation d’une disposition existante. La suite de l’article fournit ce qu’on pourrait appeler des garanties quant au respect des législations nationales. Mais ces garanties ne résistent pas si elles « compromettent les avantages découlant de l’Accord ». En outre, elles ne résistent pas à la pratique des institutions européennes dans le domaine de l’emploi et des conditions de travail (voir les commentaires aux articles 6 et 8).
19. La haute qualité des services publics de l’UE devrait être préservée conformément au Traité sur le Fonctionnement de l’UE et, en particulier au protocole n°26 sur les services d’intérêt général, et en tenant compte de l’engagement de l’UE dans ce domaine, en ce compris l’AGCS. Il faut lire cela sans rire ! Quand on sait avec quel acharnement la Commission européenne s’emploie à démanteler les services publics, comment peut-on un seul instant prendre une telle disposition au sérieux ?
20. Les services fournis dans l’exercice de l’autorité gouvernementale tel que défini par l’article I.3 de l’AGCS doivent être exclus de ces négociations. Outre le fait que ces services sont déjà exclus du champ d’application de l’AGCS, il convient de rappeler qu’il ne s’agit pas de ce que nous entendons par « services publics », mais bien par services régaliens de l’Etat : armée, magistrature, police, etc. La définition de ces services dans l’article 1.3 de l’AGCS est précise : « Un service fourni dans l’exercice du pouvoir gouvernemental s’entend de tout service qui n’est fourni ni sur une base commerciale, ni en concurrence avec un ou plusieurs fournisseurs de services. » Un tel service doit donc être gratuit et avoir le statut d’un monopole. La santé (avec des hopitaux publics et des cliniques privées), l’éducation (avec des écoles publiques et des établissements privés), la sécurité sociale (avec à côté de l’institution publique des régimes privés de couverture maladie) ne sont donc pas protégées par cette disposition.
21. Les services audiovisuels ne seront pas visés par ce chapitre. Cette disposition est fragilisée par l’article 44. Ce qui a été confirmé par la déclaration de M. Karel De Gucht, commissaire européen au commerce international et à ce titre principal négociateur européen : « Il ne s’agit pas d’une exclusion. Les services audiovisuels ne figurent pas à l’heure actuelle dans le mandat. Mais le mandat précise clairement que la Commission aura la possibilité de revenir devant le Conseil avec des directives supplémentaires pour la négociation. » Ceux qui ont suivi les négociations qui ont abouti à la création de l’OMC et à l’adoption de l’AGCS savent ce que cela veut dire. Il suffira à la Commission d’affirmer qu’elle est en capacité d’obtenir des USA un gros avantage dans un secteur (avec, par exemple, l’argument de la création d’emplois) si elle se montre flexible sur l’audiovisuel pour qu’elle revienne devant les représentants des gouvernements et obtienne que l’audiovisuel soit réintégré dans la négociation. On notera qu’il ne s’agit que de l’audiovisuel et non de l’ensemble des services culturels (théâtres, opéras, musées, archives, bibliothèques, patrimoine,…) qui, eux, tomberont sous le coup de ce chapitre.
22. L’objectif des négociations sur l’investissement sera de négocier des dispositions visant la libéralisation et la protection des investissements, y compris les zones de compétence mixte, tels que les investissements de portefeuille, les aspects lié à la propriété et à l’expropriation, en partant des niveaux les plus élevés de libéralisation et les normes les plus élevées de protection que les deux Parties ont négocié à ce jour. Après consultation préalable avec les Etats membres et en conformité avec le traité UE, l’inclusion des mesures de protection des investissements et du mécanisme de règlement des différends investisseur-État dépendra de savoir si une solution satisfaisante est atteinte, répondant aux intérêts de l’UE concernant les questions visées par le paragraphe
23. La question devra également être appréciée au regard de l’équilibre d’ensemble de l’Accord. Cet article introductif au chapitre concernant l’investissement annonce deux objectifs : protéger au maximum les investisseurs et leurs investissements et créer un mécanisme privé d’arbitrage permettant aux firmes d’agir contre les Etats. Il précise qu’un accord sur ces deux objectifs détaillés longuement dans l’article suivant devra faire l’objet d’une consultation particulière des Etats membres de l’UE. Mais in fine, il est indiqué que les Etats membres devront apprécier cet accord en tenant compte du résultat global de la négociation. Ce qui annonce un discours bien connu pour faire accepter l’inacceptable et qu’on a entendu des dizaines de fois : « ne remettez pas en cause le compromis global et équilibré intervenu par le rejet d’un des points de ce compromis. »
Il faut rappeler que la Commission européenne est tenue de consulter les Etats sur chaque étape de la négociation (article 207 du traité sur le fonctionnement de l’UE) - et pas seulement sur ce seul point - et que ce sont les Etats qui donneront ou pas le feu vert à la Commission pour signer le résultat final de la négociation et que celui-ci sera soumis à la ratification de chacun des Etats membres. Ce rôle décisif des gouvernements des Etats fait d’ailleurs l’objet d’une note interne de la Chambre de Commerce américaine en France qui rappelle le lobbying nécessaire auprès du gouvernement français pour faire adopter le résultat final de la négociation.
23. En ce qui concerne la protection de l’investissement, les dispositions respectives de l’Accord devraient avoir pour objectif de :
- fournir le plus haut niveau possible de protection juridique et de garantie pour les investisseurs européens aux États-Unis,
- assurer la promotion des normes européennes de protection qui devraient accroître l’attractivité de l’Europe comme destination pour l’investissement étranger,
- assurer un niveau égal d’action pour les investisseurs aux États-Unis et dans l’UE,
- s’appuyer sur l’expérience acquise et les meilleures pratiques des États membres en ce qui concerne leurs accords bilatéraux d’investissement avec des pays tiers,
- et ne devrait pas porter atteinte au droit de l’UE et des États membres d’adopter et de mettre en oeuvre, conformément à leurs compétences respectives, les mesures nécessaires pour poursuivre des objectifs légitimes de politique publique tels que la sécurité sociale et environnementale, la stabilité du système financier, la santé publique et la sécurité, et cela d’une manière non discriminatoire. L’Accord devrait respecter les politiques de l’UE et de ses États membres pour la promotion et la protection de la diversité culturelle. Cette première partie de l’article 23 se veut rassurante : protection juridique des investisseurs européens aux USA, promotion des normes européennes et vœu (« devrait ») que les politiques publiques européennes ne soient pas remises en question. Mais la suite de l’article, par les contraintes imposées, rend ce vœu totalement illusoire. Suite de l’article 23 :
Champ d’application: le chapitre de l’Accord relatif à la protection des investissements devrait s’adresser à un large éventail d’investisseurs et à leurs investissements, les droits de propriété intellectuelle inclus, indépendamment du fait que l’investissement soit réalisé avant ou après l’entrée en vigueur de l’Accord. Normes de traitement : les négociations devraient viser à inclure en particulier, mais pas exclusivement, les normes de traitement et les règles suivantes :
a) traitement juste et équitable, y compris l’interdiction des mesures déraisonnables, arbitraires ou discriminatoires,
b) traitement national,
c) traitement de la nation la plus favorisée,
d) protection contre l’expropriation directe et indirecte, y compris le droit à une indemnisation rapide, adéquate et efficace,
e) protection et sécurité entières des investisseurs et des investissements,
f) d’autres dispositions de protection efficaces, comme une «clause générale»,
g) libre transfert des fonds de capital et des paiements par les investisseurs,
h) règles concernant la subrogation. Le vocabulaire employé («mesures déraisonnables ») ouvre la porte à des interprétations très subjectives et arbitraires. Les contraintes cumulées du traitement national et du traitement de la nation la plus favorisée rendront impossible toute politique industrielle en vue de la transition écologique ou en faveur d’une région défavorisée ou d’un type d’entreprise (PME), à moins de fournir aux investisseurs étrangers les mêmes aides que celles accordées aux investisseurs nationaux. Ce cumul figurait dans l’Accord Multilatéral sur l’Investissement (AMI) rejeté par le gouvernement Jospin en 1998 et accepté aujourd’hui par le gouvernement Ayrault. Les dispositions de cet article auront pour effet de soustraire au maximum les investisseurs aux exigences nationales et locales en matière de temps de travail, de salaires, de salaires différés (cotisations patronales), de conditions de travail, de sécurité et d’hygiène, de respect de l’environnement, de protection des sites, d’utilisation des bénéfices nets. Que restera-t-il du pouvoir de réquisition et de nationalisation ? Suite de l’article 23 :
Mise en œuvre : l’Accord devrait viser à inclure un mécanisme de règlement des différends investisseur-État, efficace et des plus modernes, garantissant la transparence, l’indépendance des arbitres et ce qui est prévu par l’Accord, y compris à travers la possibilité pour les Parties d’appliquer une interprétation contraignante de l’Accord. Le règlement des différends d’État à État devrait être inclus, mais ne devrait pas empêcher le droit des investisseurs d’avoir recours à des mécanismes de règlement des différends investisseur-État. Il devrait fournir aux investisseurs un éventail d’arbitrage aussi large que celui actuellement disponible en vertu des accords bilatéraux d’investissement des États membres. Le mécanisme de règlement des différends devrait comprendre des protections contre des plaintes manifestement injustifiées ou frivoles. Dans le cadre de l’Accord, il faudrait envisager la possibilité de créer un mécanisme d’appel applicable au mécanisme de règlement des différends investisseur-Etat ainsi qu’un lien approprié entre le mécanisme de règlement des différends investisseur-Etat et les voies de recours internes. En dépit des précautions et des nuances apportées dans l’énoncé de cet article, il s’agit d’enlever aux juridictions nationales leurs compétences à l’égard des investisseurs américains et de doter ces derniers du pouvoir de recourir à une instance d’arbitrage privée contraignante dans leurs actions contre les Etats et les pouvoirs locaux. Chevron pourra faire annuler l’interdiction de l’exploitation du gaz de schiste. Philip Morris pourra faire disparaître les avertissements sanitaires sur les paquets de cigarette. La National Riffles Association (le lobby des marchands d’armes) pourra demander la suppression des limites au libre commerce des armes. Un mécanisme identique est prévu à l’article 45 pour tous les autres aspects de l’Accord. Cette disposition, déjà présente dans l’AMI, constituait la principale raison de son rejet en 1998 par la France. Voir le commentaire à l’article 45. Suite et fin de l‘article 23 :
Rapport avec les autres parties de l’Accord: les dispositions de protection des investissements ne devraient pas être liées aux engagements d’accès au marché de l’investissement pris ailleurs dans l’Accord. Le mécanisme de règlement des différends investisseur-Etat ne s’appliquera pas aux dispositions d’accès au marché. Ces engagements d’accès au marché peuvent inclure, si nécessaire, des règles interdisant les exigences de performance. Toutes les autorités et entités infranationales (comme les États ou les municipalités) devraient se conformer efficacement aux dispositions du chapitre de protection des investissements du présent Accord. Affirmer qu’un mécanisme de règlement des différends ne s’appliquera pas à l’accès au marché est une supercherie, puisque les articles 32 et 45 prévoient eux aussi un tel mécanisme. On trouve à la fin de cet article la mention que les dispositions de cet article s’appliqueront à toutes les autorités publiques, de l’Etat à la Commune. C’est le rappel, appliqué au cas particulier de l’investissement, d’une disposition applicable à l’entièreté de l’Accord. Marchés publics
24. L’Accord devra viser à compléter avec la plus grande ambition, en complément du résultat des négociations sur l’Accord sur les marchés publics, en ce qui concerne la couverture (les entités de passation des marchés publics, les secteurs, les seuils et les contrats de services, en ce compris en particulier dans la construction publique). L’Accord visera à accroître l’accès mutuel aux marchés publics à tous les niveaux administratifs (national, régional et local), et dans le secteur des services publics, couvrant les opérations pertinentes d’entreprises opérant dans ce domaine et assurant un traitement non moins favorable que celui accordé aux fournisseurs établis localement. L’Accord doit également inclure des règles et disciplines pour surmonter les obstacles ayant un impact négatif sur les marchés publics de chacun, y compris les exigences de localisation et les exigences de production locale, en particulier les dispositions de la loi américaine « Achetez américain viii» et celles qui s’appliquent aux procédures d’appel d’offres, aux spécifications techniques, aux procédures de recours et aux exclusions existantes, y compris pour les petites et moyennes entreprises, en vue d’accroître l’accès au marché, et chaque fois que c’est approprié, de rationaliser, de simplifier et d’améliorer la transparence des procédures. Le vocabulaire employé, qui est celui de l’OMC, doit être expliqué : par « disciplines », il faut entendre des règlementations nationales ou locales qui sont considérées comme des obstacles aux marchés publics parce qu’elles sont «plus rigoureuses que nécessaires» et constituent une restriction aux marchés publics ; par transparence, on entend l’obligation de fournir à tous les acteurs privés les législations/règlementations en vigueur et, par la suite, celles en préparation qui seront soumises à appréciation en fonction des objectifs de l’Accord (voir commentaire de l’article 40). On le voit, l’objectif est de donner accès aux entreprises américaines en Europe (et européennes aux USA, mais le nombre et la taille ne sont pas les mêmes – rappelons que, par idéologie, la Commission européenne s’est opposée à la constitution de géants européens) à tous les marchés publics à tous les niveaux, sans la moindre restriction. Des questions s’imposent. D’abord les législations du travail, les droits syndicaux, les niveaux de salaires, les exigences environnementales feront-ils parties des obstacles plus rigoureux que nécessaires ? Ensuite, les USA vont-ils renoncer aux marchés réservés (25% des marchés publics sont réservés aux PME) et aux préférences nationales comme, par ex. la législation Buy American explicitement citée dans le mandat ? La Constitution des USA ne va-t-elle pas permettre aux 50 Etats des Etats-Unis de se soustraire aux obligations de l’Accord alors que les 28 Etats membres de l’UE y seront soumis ? Ces questions servent à souligner qu’on se trouve en présence de dossiers où les USA n’ont pas l’habitude de céder. Que vaut un engagement US quand on voit l’accord de libre-échange USA-Corée du Sud ouvertement bafoué par l’Administration Obama (conflit Samsung-Apple) ? Questions réglementaires et barrières non tarifaires
25. L’Accord visera à éliminer les obstacles inutiles au commerce et à l’investissement y compris les obstacles non tarifaires existants par le biais de mécanismes efficaces et performants, en atteignant un niveau ambitieux de compatibilité de la réglementation des biens et services, notamment par la reconnaissance mutuelle, l’harmonisation et une coopération mutuelle renforcée entre les régulateurs. La compatibilité de la réglementation se fera sans porter atteinte au droit de réglementer en fonction du niveau de protection de la santé, de la sécurité, du travail, de l’environnement et de la diversité culturelle que chaque Partie juge approprié, ou à part cela, à la réalisation des objectifs légitimes de réglementation, et sera en conformité avec les objectifs fixés à l’article 8. À cette fin, l’Accord doit comprendre des dispositions relatives aux questions suivantes:
Les obstacles non-tarifaires dont il s’agit, ce sont les législations, les réglementations, les normes sociales, sanitaires, phytosanitaires, environnementales ou techniques qui sont jugées par les entreprises étrangères comme des mesures visant à protéger le marché intérieur contre la concurrence extérieure. L’objectif c’est de les éliminer en commençant par obtenir l’alignement sur la norme la plus basse. Les normes alimentaires, sanitaires, sociales, environnementales les moins protectrices et les plus faibles sont, pour l’essentiel, aux USA. Le deuxième paragraphe a pour but de rassurer, comme déjà indiqué au commentaire de l’article 8 auquel il fait d’ailleurs référence. Mais ces bonnes intentions sont démenties par ce qui suit. Suite de l’article 25 :
- Les mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS)
En ce qui concerne les mesures sanitaires et phytosanitaires, les négociations suivront les directives de négociation adoptées par le Conseil le 20 février 1995 (doc. 4976/95). Les Parties adopteront des dispositions qui s’appuient sur l’accord SPS de l’OMC et sur les dispositions de l’accord vétérinaire existant ; elles introduiront des disciplines en ce qui concerne la santé des végétaux et mettront en place un forum bilatéral afin d’améliorer le dialogue et la coopération sur les questions SPS. Dans les zones couvertes par l’accord vétérinaire UE-USA en vigueur, les dispositions pertinentes devraient être considérées comme le point de départ des négociations. Les dispositions du chapitre SPS s’appuieront sur les principes essentiels de l’Accord SPS de l’OMC, y compris l’exigence que les mesures SPS de chaque côté se fondent sur la science et sur les normes internationales ou des évaluations scientifiques des risques, tout en reconnaissant le droit pour les Parties à évaluer et gérer les risques en conformité avec le niveau de protection que chaque Partie juge approprié, en particulier lorsque les preuves scientifiques sont insuffisantes, mais ce droit s’appliquant seulement dans les mesures nécessaires à protéger la santé humaine, animale ou végétale, et se développant de manière transparente, sans re**rd injustifié.L’Accord devrait également viser à établir des mécanismes de coopération entre les Parties qui débattra notamment de règles équivalentes en matière de protection des animaux. L’Accord devrait chercher à assurer une transparence totale en ce qui concerne les mesures sanitaires et phytosanitaires applicables au commerce, en particulier par l’établissement de dispositions relatives à la reconnaissance de l’équivalence, par la mise en œuvre d’une liste préalable des établissements producteurs de denrées alimentaires, pour empêcher la pratique de dédouanement préalable, par la reconnaissance du statut des Parties de zones exemptes de maladies et de parasites et du principe de régionalisation pour les maladies animales et les parasites des plantes. Les USA et l’UE ont des manières très différentes de protéger les consommateurs. Aux USA, dont le gouvernement n’est pas en charge de l’intérêt général, c’est par les voies offertes de recours aux tribunaux que les consommateurs peuvent agir à postériori. Dans les Etats européens, c’est par l’établissement de normes que cette protection est assurée tantôt à priori, tantôt à posteriori. Le principe de précaution n’est pas reconnu aux USA. Il en découle une grande différence. Aux USA, tant qu’il n’a pas été prouvé scientifiquement qu’un produit ou un procédé est nocif, il est libre d’accès. En Europe, tant qu’on n’a pas prouvé que le produit ou le procédé est sain, il est interdit d’accès. En Europe, des normes sanitaires et phytosanitaires protègent les consommateurs, sans doute de manière encore insuffisante, mais elles existent. Le texte nous dit que c’est l’Accord SPS de l’OMC et l’accord vétérinaire bilatéral USA-UE qui vont servir de base pour aller plus loin. Mais dans quel sens ? On peut douter que ce soit vers plus de protection, car les entreprises américaines contestent le bien fondé scientifique des normes sanitaires en vigueur en Europe et poussent le gouvernement US pour obtenir leur abrogation à travers cet accord. On sait que le refus des OGM, du bœuf traité aux hormones de croissance, des poulets chlorés, des carcasses traitées à l’acide lactique, des porcs traités à la ractopamine sont considérés, aux USA, comme des barrières protectionnistes dépourvues de pertinence scientifique. On peut douter que les négociateurs américains accepteront le « droit pour les Parties à évaluer et gérer les risques en conformité avec le niveau de protection que chaque Partie juge approprié, en particulier lorsque les preuves scientifiques sont insuffisantes ». Suite de l’article 25 :
- Réglementations techniques, normes et procédures d’évaluation de la conformité
S’appuyant sur les engagements pris par les Parties en vertu de l’Accord de l’OMC sur les Obstacles Techniques au Commerce (OTC), les Parties instaureront également des dispositions afin de renforcer et de compléter ces engagements, en vue de faciliter l’accès à leurs marchés respectifs, et d’établir un mécanisme pour l’amélioration du dialogue et de la coopération en ce qui concerne les problèmes bilatéraux d’OTC. L’objectif de ces dispositions serait de donner une ouverture, une transparence et une convergence plus grandes des approches et des exigences réglementaires et des processus d’élaboration de normes connexes, en vue également de l’adoption de normes internationales pertinentes, ainsi que, entre autres, en vue de réduire les essais et les exigences de certification redondants et onéreux, de promouvoir la confiance dans nos organismes de conformité respectifs, et de renforcer la coopération en matière d’évaluation de la conformité et de normalisation à l’échelle globale. Il faudrait également s’intéresser aux dispositions relatives à l’étiquetage et aux moyens d’éviter des informations trompeuses pour les consommateurs. Une nouvelle fois, il s’agit d’aller au-delà de ce qui est prévu par l’accord de l’OMC sur les obstacles techniques au commerce (OTC). Il faut quand même garder à l’esprit que ce qui est considéré par les firmes privées comme des OTC, ce sont bien souvent des exigences destinées soit à informer les consommateurs et les usagers, soit à protéger leur santé ou leur sécurité. Un alignement sur les normes américaines ne sera pas nécessairement un progrès pour les consommateurs et les usagers. Il y a lieu de résister à la pression en faveur d’une subordination aux impératifs économiques des règles destinées à vérifier qu’un produit n’est pas nocif et dangereux. Chaque Etat doit pouvoir soumettre l’homologation d’un produit, quel qu’il soit, à des tests. La volonté de soumettre l’homologation à des exigences de conformité normalisées au niveau transatlantique ou international ne peut en rien altérer la rigueur des procédures d’homologation et de conformité. C’est pourtant la menace que fait peser cette disposition, menace confirmée par une note de la Commission européenne qui indique que « les exigences de marquage doivent être limitées à ce qui est l’essentiel et ce qui est le moins restrictif pour le commerce ». Suite de l’article 25 :
- Cohérence de la réglementation
L’accord comprendra des disciplines transversales sur la cohérence réglementaire et la transparence pour le développement et la mise en œuvre de l’efficacité, du coût-efficacité, et d’une plus grande compatibilité des réglementations sur les biens et services, y compris les consultations préalables sur les règlementations importantes, sur l’usage d’études d’impact, sur les évaluations, sur l’examen périodique des mesures réglementaires existantes, et sur l’application des bonnes pratiques réglementaires. Par disciplines transversales, il faut entendre des listes de réglementations jugées, dans les domaines énumérés, comme non fondées sur des critères objectifs et transparents et comme plus