01/05/2023
[moins de contrôle, plus de sécurité]
Comme dans tous les domaines, lorsqu'on parle d'éducation canine, toutes les écoles s'affrontent. Certains prônent beaucoup de fermeté, par peur de se laisser "gouverner" par un chien qui serait devenu le roi de la maison. D'autres cherchent des solutions et des outils pour comprendre et gommer les comportements indésirables par d'autres biais. En réalité, notre affinité avec telle ou telle philosophie et façon de voir le chien dépend en grande partie de notre personnalité, de notre propre vécu et de nos convictions intimes (pas seulement reliées au chien d'ailleurs).
Personnellement (et c'est que j'essaie de transmettre à mes clients lors des bilans et séances de suivi éducatif), je pense que nous devons remettre en question notre besoin de contrôle sur nos chiens, et approfondir nos connaissances pour les GUIDER vers des comportements adaptés et qui leur apporteront (ainsi qu'à tous ceux qui croisent leur route) de la SÉCURITÉ :
🌿 Je suis convaincue que nous devrions revoir drastiquement nos priorités lorsque nous adoptons un chien, et sélectionner avec soin les apprentissages primordiaux. Apprendre à un chien le assis, coucher, lui demander d'attendre des plombes avant de pouvoir accéder à sa gamelle ne fera pas de lui un chien capable de prendre les bonnes décisions devant une situation ambigüe. Nous nous devons de réfléchir à ce que nous voulons voir chez notre chien au quotidien : pour moi, l'idéal est un chien qui, devant une situation difficile, sait prendre la décision qui ne mettra personne en danger. Mais pour arriver à ce résultat, encore faut-il que notre chien ait eu des occasions de prendre des décisions seul, et d'en expérimenter les conséquences
🌿 Ainsi, lorsque nous prenons la responsabilité de guider un chien vers les comportements les plus adaptés possibles à notre société, nous devrions penser RELATION en tout premier lieu (une relation solide et saine sera le levier principal d'une éducation réussie, en toutes circonstances). Assommer notre chien d'ordres et de consignes dès l'adoption ne fera pas de lui un animal équilibré et bien dans ses pattes. Répondre à ses besoins, lui montrer que nous sommes présents en support en cas de difficulté, partager avec lui des moments de plaisir et, surtout, le respecter dans sa communication, sont les éléments essentiels qui poseront les bases d'une relation solide
🌿 En second lieu, nous devrions penser socialisation et capacités de communication. Accompagner nos chiens dans différents environnements, leur permettre de vivre des expériences positives auprès de différentes personnes, congénères et éléments extérieurs leur permettra de développer leurs capacités d'adaptation et de prise de décision. Cependant, pour faire les choses correctement, il est primordial de savoir lire son chien, son langage corporel, de savoir repérer ses signaux d'inconfort, afin de ne pas tomber dans l'immersion (saturer le chien de stimuli qui le rendent inconfortable) et provoquer l'effet inverse : une sensibilisation et possiblement l'activation de troubles du comportement. Notre positionnement va alors se révéler essentiel : trop de contrôle (rappeler sans cesse son chien, gérer tous ses mouvements, demander une marche au pied permanente, etc) ne lui permettra pas d'explorer suffisamment son environnement pour en retirer des expériences constructives. En revanche, trop d'ingérence (le laisser se débrouiller seul face à un congénère harcelant, ou à l'inverse le laisser harceler, le laisser courir derrière les voitures, etc), pourra également provoquer des effets délétères : mises en danger, sensibilisation et risque de création d'une réactivité/agressivité...
Ajuster notre position et doser nos interventions va alors s'avérer indispensable pour guider nos chiens sans tomber dans l'hyper-contrôle
🌿 Ensuite, s'il est bien un apprentissage que nous nous devons de travailler rapidement (et il va être grandement facilité par la relation), c'est le rappel. Le rappel est le garant de la sécurité de nos chiens, et la condition sine qua none de leur liberté. Nous pouvons ajouter à cela le suivi naturel (le fait que le chien nous suive lors d'une changement de direction sans que nous lui parlions ou lui indiquions le chemin à prendre), et nous avons là les deux compétences qui rendront possibles (en fonction de l'environnement, des compétences sociales de nos chiens et de leurs capacités à prendre les bonnes décisions ;)) la liberté de nos animaux.
Cependant, et nous en revenons toujours à la même nuance, je pense qu'il est indispensable de distinguer contrôle et guidance. Comme expliqué plus haut, la capacité à prendre les bonnes décisions repose sur l'exploration de l'environnement et des expériences qui en découlent. Exercer un contrôle permanent sur son chien en le rappelant sans cesse et avant même toute possibilité d'explorer ledit environment produira un effet similaire à une absence de liberté, la sensation d'oppression et de saturation mentale en plus. À nous donc de jauger l'environnement, l'état d'esprit de notre chien à l'instant T, et d'adapter notre posture. Personnellement, si je juge qu'un environnement est dangereux et à la fois trop stimulant, je garde mon chien en laisse le temps de revenir en lieu sûr. Par contre, je m'assure toujours que ces lieux soient le moins nombreux possibles sur une même balade, afin de garantir un maximum de liberté (et donc de prises de décisions autonomes)
🌿 Je pense qu'il est primordial de bien se connaître soi-même et de réfléchir à notre besoin (plus ou moins présent selon les individus) de contrôler ce qui nous entoure, y compris notre chien. Si nous faisions un bilan global, je suis assez persuadée que la totalité d'entre nous (et je m'inclus dedans) trouverions des incohérences dans notre façon d'interagir avec nos chiens et de les guider vers les comportements adaptés. Est-il vraiment indispensable de demander à notre chien de s'asseoir après chaque rappel, avant chaque gamelle, avant chaque passage de porte? Quelle plus-value cette commande apporte-t-elle à l'apprentissage ? Permet-elle au chien d'être plus en sécurité, et de mieux garantir la sécurité d'autrui ? Si la réponse est non, alors nous pouvons mettre notre énergie (et celle de notre chien) ailleurs. Pour autant, il n'est pas question de laisser tous les comportements, quand bien même ils seraient inadaptés, en l'état, sous couvert d'appliquer moins de contrôle.
La question primordiale à se poser est la suivante : ce comportement est-il dangereux pour le chien ou pour autrui? Est-il gênant, risque t'il d'engendrer de l'inconfort ou de la peur? Si la réponse est oui, alors nous devons agir, et montrer à nos chiens une autre alternative. Positionnons-nous comme des guides, encourageons nos chiens à produire un comportement sécurisé en réponse à leurs émotions, et renforçons ce comportement jusqu'à ce qu'il devienne pour le chien agréable et productif.
Pour le reste, nous pouvons juste apprécier leurs particularités, leurs coups de folie, leurs imperfections. Leur vie est courte et précieuse. Profitons de leur personnalité tant que nous le pouvons
Juliette Sastre
Yes We Dog! - Education & Comportement canin