MON HISTOIRE
..A la maison, nous avions des setters anglais et notre première labrador Sonia est déjà en photo avec moi affublée, elle ... pas moi, d'un chapeau et d'une paire de lunettes. Mais ce qui me plaît le plus dans cette description c'est cette labrador avec, déjà, ce caractère si particulier. Je n'ai pourtant pas oublié les chiots setter anglais et c'est certainement grâce à eux que j'a
i aimé les flat coated. A la maison, les chiens sont toujours allés à la chasse. D'ailleurs, je ne me souviens pas d'une saison, sans voir mon père préparer ses affaires et ses chiens attendre enfin le moment où ils partiraient. Je n'ai pas souvenir être allée avec lui en étant petite, par contre je me souviens bien du ball-trap, ce qui en fit peut être un excellent tireur. Je me souviens du bassin aux poissons rouges de M. et Mme Sauvan, affixe les Bressans, car ... je suis tombée dedans ! La première fois que j'ai voulu l'accompagner à la chasse, j'étais très fière ... de ma jupe longue très à la mode pour l'époque. J'ai vu le sourire en coin mais je n'étais pas inquiète du tout ... jusqu'aux premiers barbelés ! La première fois que je l'ai accompagné en field trial, j'ai passé ma journée dans la voiture tant il faisait froid, me demandant ce qu'il trouvait de bien à ce type de concours et me régalant des truffes au chocolat qu'il avait confectionnées et qui étaient destinées, il me pardonnera, à celui que j'appelai "papy Pelletier". Et puis, j'ai grandi ... mais il y a toujours eu des chiens à la maison, alors, lorsque je me suis mariée, devinez un peu ma première revendication ? C'est comme cela qu'est arrivé Util, un mâle noir, labrador bien sûr. Quelques expositions canines où là c'est moi qui "traînais" un peu mon père tant il trouvait cela superflu. A l'époque, il n'y avait presque personne sur les rings dans notre race. Etant très conservatrice, j'ai encore les catalogues de cette époque. Cela fait sourire lorsque l'on voit ceux d'aujourd'hui ! Notre fils Michaël apprit à s'endormir bercé par les douces voies des chiens aux travers des expositions que nous côtoyions. Puis est arrivée Vénus de For Lugdunum, née chez mon père évidemment. Très prometteur au Championnat de France en 1985, elle finit deuxième de la classe ouverte au Championnat de France en 1986, parce qu'il lui manquait deux dents. A l'époque, naïve, je pensais que ce défaut devait être très important pour me voir mise à la deuxième place pour quelque chose ... qui ne se voyait pas ! Aujourd'hui, cela me fait sourire ! La même année Util gagna son premier CACIB et nous fût volé le lendemain. J'ai longtemps gardé son carnet de vaccination et sa carte de tatouage à mes côtés jusqu'au jour où je me suis dit, qu'avec l'âge qu'il devait avoir, il ne devait plus être de ce monde. Entre temps, mon mari étant militaire, nous nous sommes retrouvés mutés en Allemagne : avec nos deux chiens évidemment. Enceinte de Nathalie, je ne pouvais me résoudre à accoucher là bas et revint en France, chez mon père. Les jours de cafard, il y a une autre activité que nous aimions bien faire : visiter des maisons. J'appris donc à Michel par téléphone que je venais de trouver la maison de nos rêves. Il me proposa de l'acheter avant même de l'avoir vue.
1986 : naissance de Nathalie, achat de la maison, naissance de l'affixe "La passe de l'eider" avec une première portée ...
Pour cette première portée, et même la suivante, je choisis comme étalon Kupros Lucifer. Ma chienne était radiographiée et la lecture faite par le Retriever Club de France, auquel j'avais adhéré pour ne jamais depuis m'en défaire malgré les turbulences ! J'ai aujourd'hui encore la naïveté de croire en la nature humaine... La lecture de cette radio fut enregistrée sous le numéro 89.C'est ainsi que naquît Bacchus. Il devint Champion International de beauté et Trialer à moins de deux ans et fut la vedette de la publicité télé de "Pedigree-Pal". Ce fut une expérience fantastique : l'élevage s'était agrandi et nous sommes descendus dans le midi avec nos treize chiens ... ce qui affola un temps soit peu le réalisateur mais ravit l'ensemble de la production lorsqu'ils virent comment nos chiens se comportaient. Cela m'a attiré également les foudres d'une éleveuse qui ne comprenait pas pourquoi ce n'était pas elle qui avait été choisie, mes chiens étant nuls évidemment ! Avec le recul, je m'aperçois que je commençais seulement à apprendre ...
1988 naissance de notre troisième enfant : Kelly, ou comment apprendre à éduquer ses enfants tout en s'occupant de ses chiens. Mais une chose est sûre, même si j'aime mes chiens, il y a d'abord mon mari et mes enfants, ma famille et mes amis et ensuite mes chiens. Pour moi, dans la vie il y aura toujours certaines priorités ...
Mais vous allez voir que les chiens vont pourtant nous faire faire un truc pas possible .1989, alors que nous galérons pour payer les crédits voilà pas que les voisins se plaignent du bruit ! Je reverrai toujours la tête de mon mari, lorsqu'il est venu me dire que les voisins avaient encore fait des remarques : "on déménage" ai-je répondu. J'étais en train de nettoyer mes chenils. J'ai tout arrêté, mis les enfants dans la voiture et nous sommes partis prospecter ... C'est comme cela que nous avons atterri à Chatillon la palud, sur une propriété de 16 hectares, avec encore plus de crédits sur le dos ! Certains collègues nous ont traités de fous. Nous venions d'investir dans des parcs pour nos chiens, c'est le bulldozer qui les a détruits ! La maison était habitable, il nous fallait donc aménager pour les chiens. Il paraît que certains font chambre à part, avec mon mari, nous avons fait maison à part pendant trois mois : reconstruire une maternité, faire des parcs, puis faire un étang. Mais il paraît que lorsque l'on est professionnel on n'aime pas ses chiens...
Cette même année, je passai et obtins mon permis de chasse. Première journée dans un monde d'hommes. J'avais la chance d'être accompagnée de deux des hommes de ma vie : mon mari et mon père, le troisième étant mon fils. Mon père demanda à mon mari, pour ma première journée de chasse, de bien vouloir lui laisser sa fille. Dans un carré de maïs, des perdreaux s'envolèrent. Je tirai. Ce fut ma première pièce. Pourtant, aujourd'hui encore, je ne peux m'empêcher de penser que mon père avait pu tirer en même temps que moi...
J'ai l'impression de parler beaucoup de chasse mais pour moi, le caractère est primordial dans une race. Un labrador qui grogne, cela n'est pas normal, un labrador que l'on est obligé d'éloigner de ses congénères sur un ring, ce n'est pas normal, des draps sur les cages en exposition pour éviter que les labradors aboient et grognent après tout ce qui passe devant, ce n'est pas normal. Pendant près de quinze ans, nous avons couru les expositions canines et les Fields trial, parfois avec succès, parfois moins... mais toujours en gardant les pieds sur terre. Tout faire pour gagner n'a jamais été ma philosophie. Notre fille Kelly fait aujourd'hui partie de ce que l'on appelle la filière haut niveau, en gymnastique. Elle est classée septième en "espoir», et pourtant... Je lui ai toujours appris une chose, en compétition, "apprendre à perdre" ne s'apprend pas, c'est la vie qui s'en charge, le plus difficile c'est "apprendre à gagner". On ne gagne pas parce que l'autre est mauvais mais parce qu'on a été meilleur ce jour là, on ne marche pas sur la tête de son voisin qui est tombé, on l'aide à se relever. Car plus important encore que les victoires on doit pouvoir se regarder dans une glace sans honte de ce que nous avons fait ou dit... Si vous êtes attiré par la championnite, ce n'est pas chez nous qu'il faut venir. Gagner, oui, cela fait plaisir, mais perdre n'est pas une fin en soi. Depuis que mon mari a posé sa candidature de juge, j'ai pensé que l'on ne pouvait être "juge et partie" et je n'ai plus sorti de chiens et pourtant... Alors qu'il naît huit mille labradors par an, qu'il existe une bonne centaine d'élevages, l'affixe La Passe de l'Eider est, encore cette année, au classement des meilleurs élevages de l'année. Sans avoir fait un seul déplacement, simplement grâce à quelques chiens de passionnés qui tournent en exposition et en field... et cela me suffit. 1998 La candidature de juge en retrievers de mon mari ! Voilà un évènement qui a fait couler de l'encre... et sortir les langues de vipère : Et bien, oui il a posé sa candidature. Non, il n'est pas là par hasard. Oui il a bossé et passé ses examens. Non pas besoin de livre sous la table. Oui il a réussi. Non personne ne s'est opposé à sa qualification. Et oui, il est apprécié. Alors, bravo à lui car moi, je n'en aurai pas fait autant...
Etre jaloux, c'est envier ce qu'a l'autre et que l’on n’a pas. C'est aussi cette année là que mon père nous a quittés. Il avait débuté ses Fields trial avec ses setters, en Italie. Lors du dernier field pour retrievers que nous avons organisés sur nos terrains de chasse, le trophée portant son nom fut gagné par un italien...
En fait je comprends aujourd'hui, pourquoi il préférait aller à la chasse. Alors je continue mon élevage avec la même philosophie : essayer de faire naître des chiots qui vont satisfaire les familles qui les auront. Et croyez moi, j'ai des amis... des amis éleveurs... des amis éleveurs de labradors...
Anne-Marie Le Roueil